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tant de mal des lentilles, mais ils se sont tous accordés à les regarder comme un assez mauvais aliment ; mais sur ceci, comme sur tant d’autres objets de diete, les observations & les occasions d’observer nous manquent. Il est peu de gens qui fassent long-tems leur principale nourriture de lentilles : or tous les vices que les Medecins leur ont attribué, s’ils étoient réels, ne pourroient dépendre que d’un long usage.

Il y a donc grande apparence que toutes ces prétentions sont purement rationelles & de tradition : l’usage rare & modéré des lentilles peut être regardé comme très-indifférent pour les sujets sains, du moins n’en connoissons-nous point les bons effets ou le danger, encore moins les qualités spécifiques qui pourroient distinguer les lentilles des autres légumes, voyez Légumes.

La premiere décoction des lentilles est laxative selon Galien, & la seconde astringente ; la substance qui pourroit faire les vertus de ces décoctions, est fournie par l’écorce : on peut reprocher à cette écorce un vice plus réel ; elle est épaisse & dure, elle n’est point ramollie & ouverte dans l’estomac : ensorte que les lentilles qui ne sont point mâchées passent dans les excrémens presqu’absolument inaltérées, & par conséquent sans avoir fourni leur partie nutritive. C’est pour cela qu’il vaut mieux réduire les lentilles en purée que de les manger avec leur peau.

La décoction des lentilles passe pour un excellent remede dans la petite vérole & dans la rougeole : Riviere, que nous avons déja cité, fait l’éloge de ce remede, aussi bien que plusieurs autres auteurs qui ont emprunté cette pratique des Arabes ; plusieurs auteurs graves en ont au contraire condamné l’usage dans cette maladie. Geoffroy rapporte fort au long, dans sa matiere médicale, les diverses prétentions des uns & des autres ; mais cette querelle ne nous paroît pas assez grave pour nous en occuper plus long-tems. Les lentilles ne sont plus aujourd’hui un remede ni dans la partie vérole, ni dans d’autres cas.

Au reste ce que nous venons de dire convient également aux grandes lentilles & aux petites lentilles rouges, appellées à Paris lentilles a la reine. (b)

Lentille de marais, (Mat. med.) cette plante n’est d’usage que pour l’extérieur : on croit qu’elle rafraîchit, qu’elle resout, qu’elle appaise les douleurs appliquée en cataplasme.

La lentille de matais passe pour faire rentrer la hernie des enfans.

On l’a recommandée encore contre la goutte & contre les douleurs de la tête, appliquée extérieurement sur cette partie.

La lentille d’eau est fort peu employée. (b)

Lentille d’eau, lenticula, (Botaniq.) genre de plante qui flotte sur les eaux stagnantes, & dont la fleur est monopétale & anomale. Quand elle commence à paroître, elle a un capuchon ; mais dans la suite elle se déploie & elle quite son calice : alors elle a la forme d’une oreille ouverte. Cette fleur est stérile, elle sort par une petite ouverture que l’on voit à l’envers des feuilles : l’embryon sort aussi d’une semblable sente, & devient dans la suite un fruit membraneux, arrondi & dur qui renferme quatre, cinq ou six semences relevées en bosses, striées d’un côté & plates de l’autre, comme dans les ombelliferes. Micheli, nova plantarum genera.

Lentile d’eau, la grande, lenticulatia, (Bot.) genre de plante qui ressemble à la lentille d’eau ordinaire par sa nature & par sa figure. Jusqu’à-présent on n’a pu voir les fleurs : les semences naissent abondamment dans les parois inférieurs des feuilles attachés irrégulierement à leur substance ; elles sont arrondies ou elliptiques. Nova plantarum genera, &c. par M. Micheli.

Lentilles, (Med.) ce sont de petites taches roussâtres qui sont répandues çà & là sur la peau du visage & des mains, particulierement dans les personnes qui ont la peau délicate ; elles viennent surtout dans le tems chaud quand on s’expose au soleil & à l’air ; elles sont formées des vapeurs fuligineuses qui s’arrêtent & qui se coagulent dans la peau. Voyez le Traité des maladies de la peau, par Turner. On les appelle en latin lentigines, parce qu’elles ont la figure & la couleur des lentilles ; les François les appellent rousseurs & bran de Judas ; les Italiens, rossore & lentigine.

Les lentilles paroissent être formées des parties terrestres, huileuses & salines de la sueur, qui sont retenues dans la substance réticulaire de la peau : tandis que les parties aqueuses qui leur servoient de véhicule, s’évaporent par la chaleur du corps, ces parties plus grossieres s’amassent peu-à-peu, jusqu’à ce que les mailles de la peau en soient remplies.

Il y a continuellement quelques parties de sueur qui suintent de la cuticule ; & comme elles sont d’une nature visqueuse, elles retiennent la poussiere & tout ce qui voltige dans l’air : cette matiere visqueuse s’arrête sur la surface des lentilles, & plus on l’essuie, plus on la condense, ce qui la force de s’introduire dans les petites cavités des lentilles.

On trouve plus de lentilles au-tour du nez que partout ailleurs, & cela parce que la peau y étant plus tendue, les pores sont plus ouverts & plus propres à donner entrée à la poussiere.

Il suit de là qu’on ne peut guere trouver un remede sûr pour garentir des lentilles ; il peut y en avoir qui dissipent pour un tems la matiere déja amassée, mais les espaces vuides se remplissent de rechef.

Le meilleur remede, selon M. Homberg, est le fiel de bœuf mêlé avec de l’alun : il faut que cet alun ait été précipité & exposé au soleil dans une phiole fermée pendant trois ou quatre mois ; il agit comme une lessive, en pénétrant les pores de la peau & dissolvant le coagulum des lentilles. Mém. de l’académ. des Scienc. année 1709, p. 472, &c.

Lentille, terme d’Optique, c’est un verre taillé en forme de lentille, épais dans le milieu, tranchant sur les bords ; il est convexe des deux côtés, quelquefois d’un seul, & plat de l’autre, ce qui s’appelle plan convexe. Le mot de lentille s’entend ordinairement des verres qui servent au microscope à liqueurs, & des objectifs des microscopes à trois verres. Le plus grand diametre des lentilles est de cinq à six lignes ; les verres qui passent ce diametre s’appellent terres lenticulaires. Il y a deux sortes de lentilles, les unes soufflées & les autres travaillées : on entend par lentilles soufflées de petits globules de verre fondus à la flamme d’une lampe ou d’une bougie, mais ces lentilles n’ont ni la clarté ni la distinction de celles qui sont travaillées, à cause de leur figure qui n’est presque jamais exacte, & de la fumée de la lampe ou bougie qui s’attache à leur surface dans le tems de la fusion. Les autres sont travaillées & polies au tour dans de petits bassins de cuivre. On a trouvé depuis peu le moyen de les travailler d’une telle petitesse, qu’il y en a qui n’ont que la troisieme & même la sixieme partie d’une ligne de diametre : ce sont celles qui grossissent le plus, & cette augmentation va jusqu’à plusieurs millions de fois plus que l’objet n’est en lui même ; la poussiere qui est sur les ailes des papillons, & qui s’attache aux doigts quand on y touche, y paroît en forme de tulipes d’une grosseur surprenante. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de les faire plus petites ; la difficulté de les monter deviendroit insurmontable.

Maniere de tourner les lentilles. Après avoir mastiqué un petit morceau de cuivre au bout de l’arbre d’un tour à lunette, avec un foret d’acier applati &