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des médailles, on trouve souvent le nom du magistrat sous lequel elles ont été frappées. M. Vaillant s’est donné la peine de faire le recueil des divers noms de magistrature grecque énoncés sur les médailles, & d’expliquer les fonctions de ces différentes charges. Dans les médailles de colonies latines, on voit les noms des duumvirs à l’ablatif.

Il est tems de parler de la position de la légende. L’ordre naturel qui la distingue de l’inscription est qu’elle soit posée sur le tour de la médaille, au-dedans du grenetis, en commençant de la gauche à la droite, & cela généralement dans toutes depuis Nerva. Mais, dans les médailles des douze Césars, il est assez ordinaire de les trouver marquées de la droite à la gauche, ou même partie à gauche, partie à droite.

Il y en a qui ne sont que dans l’exergue, De Germanis, De Sarmatis, &c. Il y en a qui sont en deux lignes paralleles, l’une au-dessus du type, & l’autre au-dessous, comme dans Jules. Il y en a dans le même empereur posées en-travers, & comme en sautoir. Il y en a en pal, comme dans une médaille de Jules, où la tête de Marc-Antoine sert de revers. Il y en a au milieu du champ, coupées par la figure comme dans un revers de Marc-Antoine, qui représente un fort beau trophée. On voit un autre revers du même, où un grand palmier au milieu d’une couronne de lierre coupe ces mots, Alexand. Ægyp. Enfin il y en a en baudrier, comme dans Jules ; tout cela prouve que la chose a toujours dépendu de la fantaisie de l’ouvrier.

C’est particulierement sur les grandes médailles grecques qu’on trouve les positions de légendes les plus bisarres, sur-tout quand il y a plus d’un cercle. Il n’est point de maniere de placer, de trancher, de partager les mots & de séparer les lettres que l’on n’y rencontre : ce qui donne bien de la peine à ceux qui ne sont pas assez intelligens pour les bien démêler.

On pourroit être trompé à certaines médailles où la légende est écrite à la maniere des Hébreux, les lettres posées de la droite à gauche. Celle du roi Gelas est de cette sorte ΓΕΛΑΣ. Quelques-unes de Palerme & d’autres de Césarée, c’est ce qui a fait croire à quelques-uns que l’on avoit autrefois nommé Césarée, ΑΛΦ, au lieu de Flavia, ΦΛΑ. La médaille de Lipari est du même genre ; on a été longtems sans l’entendre, parce qu’on y lit ΠΙΛ pour ΛΙΠ.

Il ne paroît donc pas que les anciens ayent suivi de regles fixes dans la maniere de placer les légendes sur les médailles, & de plus toutes leurs médailles n’ont pas des légendes ; car encore qu’il soit vrai que la légende est l’ame de la médaille, il se trouve cependant quelques corps sans ames, non seulement dans les consulaires, mais aussi dans les impériales, c’est-à-dire, des médailles sans légende, ni du côté de la tête, ni du côté du revers ; par exemple, dans la famille Julia, la tête de Jules se trouve souvent sans légende. On voit aussi des revers sans légende, & sur-tout dans cette même famille. Une médaille qui porte d’un côté la tête de la Piété avec la cigogne, & de l’autre une couronne qui enferme un bâton augural & un vase de sacrificateur, est sans aucune légende.

Il s’en trouve qui ne sont que demi-animées, pour parler ainsi, parce que l’un des côtés est sans légende, tantôt celui de la tête & tantôt celui du revers. Nous avons plusieurs têtes d’Auguste sans inscription, comme celle qui porte au revers la statue équestre que le sénat fit ériger en son honneur, avec ce mot, Cæsar Divi filius. Nous avons aussi une infinité de revers sans légende, quelquefois même des revers considérables pour la singularité du type, &

pour le nombre des figures ; je crois qu’on peut mettre dans ce nombre ceux qui ne portent que le nom du monétaire, ou le simple S. G. puisque ni ce nom, ni ces lettres ne contribuent en rien à expliquer le type. Telles que sont trois ou quatre belles médailles de Pompée, avec des revers très-curieux, qui n’ont que le nom de M. Minatius Sabinus proquestor. Deux de Jules César, dont l’une chargée d’un globe, de faisceaux, d’une hache, d’un caducée & de deux mains jointes, n’a que le nom L. Buca. L’autre qui porte une aigle militaire, une figure assise tenant une branche de laurier ou d’olivier, couronnée par derriere par une Victoire en pié, n’a que ex S. C. Une de Galba, dont le revers est une allocution de six figures, que quelques-uns croyent marquer l’adoption de Pison, se trouve aussi sans aucune légende. Les savans disent que le coin est moderne, & que la véritable médaille porte Allocutio.

Pour celles qui se trouvent avec les seules légendes sans tête, on les met dans la classe des inconnues ou des médailles incertaines, & on les abandonne aux conjectures des savans. Voyez Médaille sans tête.

Il manqueroit quelque chose d’important à ce discours, si je ne disois rien des deux langues savantes, la latine & la greque, dans lesquelles sont écrites les légendes & les inscriptions des médailles antiques.

Mais je dois observer d’abord que la langue ne suit pas toujours le pays, puisque nous voyons quantité de médailles impériales frappées en Grece ou dans les Gaules, dont les légendes sont en latin ; car le latin a toujours été la langue dominante dans tous les pays où les Romains ont été les maîtres ; & depuis même que le latin est devenu une langue morte, par la destruction de la monarchie romaine, il ne laisse pas de se conserver pour tous les monumens publics & pour toutes les monnoies considérables dans tous les états de l’Empire chrétien.

Il y a des médailles frappées dans les colonies, dont la tête porte l’inscription en latin, & le revers l’inscription en grec. Le P. Jobert parle d’un Hosticien M. B. qui d’un côté porte Γάιος Οὐάλενς Ὁστιλιανὸς Κούιντος, avec la tête du prince rayonnée, & de l’autre côté Col. P. T. Coes. Metr. La tête du génie de la ville est surmonté d’un petit château tout entier ; c’est Césarée de Palestine. Enfin, les médailles, dont les légendes sont en deux langues différentes, ne sont pas extrèmement rares ; témoin celles d’Antioche, où l’on trouve des légendes latines du côté des têtes de Claude, de Néron & de Galba, & des légendes greques au revers.

Le grec est, comme je l’ai dit, l’autre langue savante dont on s’est servi le plus universellement sur les médailles. Les Romains ont toujours eu du respect pour cette langue, & se sont fait une gloire de l’entendre & de la parler. C’est pourquoi ils n’ont pas trouvé mauvais que non seulement les villes de l’Orient, mais toutes celles où il y avoit eu des Grecs, la conservassent sur leurs médailles. Ainsi les médailles de Sicile & de plusieurs villes d’Italie ; celles des Provinces, & de tout le pays qu’on appelloit la grande Grèce, portent toutes des légendes greques, & ces sortes de médailles font une partie si considérable de la science des Antiquaires, qu’il est impossible d’être un parfait curieux, si l’on n’entend le grec comme le latin, & l’ancienne Géographie aussi-bien que la nouvelle.

Il ne nous reste plus, pour completter cet article, qu’à faire quelques observations sur les lettres initiales des légendes.

1°. Il paroît qu’à proprement parler, les lettres initiales sont celles qui étant uniques, signifient un mot entier. Dès qu’on en joint plusieurs, ce sont