Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

zime, son prédécesseur, pour instruire l’affaire d’Apiarius, prêtre de la ville de Sicque en Mauritanie, lequel ayant été excommunié par Urbain, son évêque, s’étoit pourvu devant le pape. Ces légats étoient chargés d’une instruction qui contenoit plusieurs chefs qui furent contestés par les évêques d’Afrique, savoir celui qui concernoit les appellations des évêques à Rome, & celui qui vouloit que les causes des clercs fussent portées devant les évêques voisins, en cas que leur évêque les eût excommuniés mal-à-propos.

S. Cyrille vint au concile d’Ephese en 431 à la place de Célestin. Il y eut aussi des légats envoyés par le pape S. Léon au faux concile d’Ephese en 449. Les légats voulurent y faire la lecture de la lettre dont ils étoient chargés pour le concile, mais cette assemblée séditieuse, où tout se passa contre les regles, n’eut point d’égard à la demande des légats. Pascalin & Lucentius, avec deux autres ecclésiastiques, présiderent pour le pape Léon au concile de Chalcédoine en 451.

Les papes envoyoient quelquefois des évêques & même de simples prêtres dans les provinces éloignées, pour examiner ce qui s’y passoit de contraire à la discipline ecclésiastique, & leur en faire leur rapport. Ce fut ainsi que le pape Zozime envoya l’évêque Faustin en Afrique pour y faire recevoir le decret du concile de Sardique, touchant la revision du procès des évêques jugés par le concile provincial. Les Africains se récrierent, disant qu’ils n’avoient vu aucun canon qui permit au pape d’envoyer des légats à sanctitatis suæ latere ; néanmoins l’évêque Potentius fut encore délégué en Afrique pour examiner la discipline de cette église & la réformer.

Les légats envoyés par le pape Félix à Constantinople en 484 pour travailler à la réunion, ayant communiqué, malgré sa défense, avec Acace & Pierre Monge, tous deux successivement patriarches de Constantinople, le pape à leur retour les déposa dans un concile. Il y eut en 517 une seconde légation à Constantinople aussi malheureuse que la premiere. La troisieme légation, faite en 519, eut enfin un heureux succès, & fit cesser le schisme qui séparoit l’église de Constantinople de celle de Rome depuis la condamnation d’Acace.

Au concile de Constantinople tenu en l’an 680, les légats furent assis à la gauche de l’empereur, qui étoit la place la plus honorable : ce furent eux qui firent l’ouverture du concile.

On trouve dès l’an 683 des légats ordinaires ; le pape Léon envoya cette année à Constantinople Constantin, soudiacre régionaire du saint siége, pour y résider en qualité de légat.

Les légats extraordinaires dont la mission se bornoit à un seul objet particulier, n’avoient aussi qu’un pouvoir très-limité.

Ceux qui avoient des légations ordinaires ou vicariats apostoliques, avoient un pouvoir beaucoup plus étendu ; l’évêque de Thessalonique, en qualité de légat ou vicaire de saint siége, gouvernoit onze provinces, confirmoit les métropolitains, assembloit les conciles, & décidoit toutes les causes majeures. Le ressort de ce légat fut fort resserré lorsque Justinien obtint du pape Vigile un vicariat du saint siége pour l’évêque d’Acride ; ce vicariat fut ensuite supprimé lorsque Léon l’Isaurien soumit l’Illyrie au patriarche d’Antioche.

Le pape Symmaque accorda de même à S. Cesaire, archevêque d’Arles, la qualité de vicaire & l’autorité de la légation sur toutes les Gaules. Auxanius & Aurelien, tous deux archevêques de la même ville, obtinrent du pape Vigile le même pouvoir ; il fut continué par Pélage I. à Sabandus, & par S. Gré-

goire à Vigile, sur tous les états du roi Childebert.

Les archevêques de Reims prétendent que saint Remy a été établi vicaire apostolique sur tous les états de Clovis.

Les légations particulieres étoient alors très-rares. S. Grégoire voulant réformer quelques abus dans les églises de France, pria la reine Brunehaut de permettre qu’il envoyât un légat pour assembler un concile, ce qui lui fut accordé.

On trouve aussi que S. Boniface étant en France avec la qualité de légat du saint siége, présida de même au concile qui fut tenu pour la réformation de l’église gallicane.

Ceux que le pape Nicolas I. envoya en France du tems de Charles-le-Chauve, parurent avec une autorité beaucoup plus grande que ceux qui les avoient précédés. Ce pape leur permit de décider toutes les affaires de l’église de France, après néanmoins qu’ils auroient communiqué leur pouvoir à Charles-le-Chauve ; il leur ordonna de renvoyer les questions les plus difficiles au saint siége, avec les actes de tout ce qu’ils auroient reglé de sa part.

A mesure que l’autorité des légats augmenta, on leur rendit aussi par-tout de plus grands honneurs : en effet, on voit que ceux que le pape Adrien II. envoya en 869 à Constantinople pour assister au concile général, firent leur entrée dans cette ville le dimanche 25 Septembre, accompagnés de toutes les écoles ou compagnies des officiers du palais, qui allerent au-devant d’eux jusqu’à la porte de la ville en chasubles ; ils étoient suivis de tout le peuple, qui portoit des cierges & des flambeaux. L’empereur Basile leur donna audience deux jours après, & se leva lorsqu’ils entrerent ; ils étoient au nombre de trois, lesquels au concile tinrent la premiere place : après eux étoient les légats des patriarches d’Orient. Trois années auparavant Photius supposant un concile, y avoit fait de même assister les légats des patriarches d’Orient, croyant par-là donner à ce prétendu concile plus d’authenticité.

On remarque aussi que le légat Frédéric, cardinal prêtre de l’Eglise romaine, lequel en 1001 présida au concile de Polden, arriva en Allemagne revêtu des ornemens du pape, avec les chevaux enharnachés d’écarlate, pour montrer qu’il le représentoit.

Sous la troisieme race de nos rois, l’autorité des légats fit tomber celle des métropolitains & des conciles provinciaux ; ils s’attribuoient le pouvoir de suspendre & de déposer les évêques, d’assembler les conciles dans l’étendue de leur légation, & d’y présider ; cependant les decrets du concile que Grégoire VII. tint à Rome en 1074, ayant été portés en Allemagne par des légats qui demanderent la liberté de tenir eux mêmes un concile ; les Allemans s’y opposerent, déclarant qu’ils n’accorderoient jamais la prérogative de se laisser présider en concile qu’au pape en personne. Les légats présiderent pourtant depuis à divers conciles.

Les légats porterent leurs prétentions jusqu’à soutenir, que leur suffrage contrebalançoit seul celui de tous les évêques.

Dans la suite ils déciderent presque tout par eux-mêmes, sans assembler de concile ; & l’on voit que dès l’an 876, au concile de Paris auquel assisterent deux légats du pape avec 50 évêques françois, il y eut plusieurs contestations touchant quelques prêtres de divers diocèses qui prétendoient s’adresser aux légats du pape, & reclamer la jurisdiction du saint siége.

Au concile de Clermont, tenu en 1095, Adhemar évêque du Pui, fut choisi pour conduire les croisés avec les pouvoirs de légat ; de sorte qu’il fut le chef ecclésiastique de la croisade, comme Raimond comte de Toulouse, en fut le chef séculier.