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métalliques soient réduites en gouttes ou grains, ne pas épargner pour cela le charbon ni les soins, parce qu’ils se retrouvent bien avec usure. Premierement, le propriétaire de cette lavure jouit d’abord, après le procédé de la lotion, de la plus grande partie de ce qui est dans ses terres, comme on le verra au troisieme procédé, mais encore il ne perd rien des matieres qui y sont contenues, dont il perdroit une partie s’il les brûloit mal ; car on a observé après plusieurs essais faits sur la terre que les ouvriers appellent regrets de lavure, qui avoient été passés trois fois sur le mercure, qu’il restoit cependant depuis deux jusqu’à quatre grains d’or sur chacune livre de terre seche, provenant de lavures d’ouvriers travaillant en or ; ce qui ne vient d’autre cause que parce qu’on les avoit mal brûlées. On conçoit aisément que si on laisse ces petites parties d’or qui sont presque imperceptibles, & qui ont une grande surface en comparaison de leur poids, sans les réduire en grain, leur légereté les fera flotter sur l’eau & les empêchera d’aller au fond de la bassine du moulin à mercure, pour s’amalgamer avec lui : au contraire si on a assez brûlé les cendres pour fondre ces petites particules, elles prennent une forme en raison de leur poids, qui les fait précipiter quelques petites qu’elles soient, & le mercure s’en saisit avec une très-grande facilité.

Les terres, balayeures ou débris d’un laboratoire dans lequel on travaille des matieres d’or ou d’argent, doivent être brulées dans un fourneau à vent fait exprès : ce fourneau est sphérique de six pouces de diametre sur quatre piés d’hauteur ; il consume très-peu de charbon & donne beaucoup de chaleur ; le vent entre de tous côtés par des trous d’un pouce de diametre faits tout-autour, & par le cendrier qui est tout ouvert ; il a trois foyers les uns sur les autres, & trois portes pour mettre le charbon, avec trois grilles pour le retenir à la distance de huit pouces les unes des autres. On met la terre à brûler dans le fourneau supérieur par-dessus le charbon & après qu’il est allumé. Comme ce fourneau donne très-chaud, la terre se brûle déjà bien dans ce premier foyer ; mais à mesure que le charbon se consume, la terre descend dans le second fourneau à-travers de la grille, où elle se brûle encore mieux ; & enfin dans le troisieme, où elle se perfectionne. Il faut avoir soin, lorsque le charbon du fourneau supérieur est brulé, d’ôter la porte, de nettoyer & faire tomber toutes les cendres qui sont autour : on en fait de même du second & de celui d’en bas, après quoi on continue l’opération. Par ce moyen-là les cendres sont très bien brûlées & presque toutes les paillettes reduites en grain, ce qui est un des points essentiels. Lorsqu’on ne brûle les cendres que dans un seul fourneau, il est presque impossible qu’elles soient bien brûlées, parce qu’elles ne peuvent pas rester sur le charbon qui se dérange en se consumant ; les cendres glissent au-travers, passent par les intervalles, & tombent dans le cendrier, quelque serrée que soit la grille. Par conséquent la matiere reste dans le même état qu’on l’a mise : on croit avoir bien calciné, & on n’a rien fait. Le fourneau à trois foyers doit être préféré à un simple fourneau dans lequel on brûleroit trois fois les cendres, parce qu’à chaque fois elles se réfroidissent, & c’est un ouvrage à recommencer ; au lieu que par l’autre méthode l’opération n’est point discontinuée, elle est plus prompte & plus parfaite.

Les cendres étant bien brûlées, il faut faire l’opération qu’on a faite sur les creusets, tamiser & conserver ce qui ne peut pas passer au-travers du tamis sans le mêler avec les cendres passées, mais en faire l’assemblage avec celles provenues du premier procédé.

Troisieme procédé. S’il est nécessaire de bien brûler les terres, cendres, &c. que l’on veut broyer avec le mercure, il n’est pas moins important de les bien dessaler, afin que le mercure puisse mordre dessus ; c’est pourquoi il convient de laisser tremper dans l’eau pendant trois jours au-moins les cendres qu’on veut laver, en changeant d’eau toutes les vingt-quatre heures ; l’on doit porter beaucoup de soin à cette lotion, parce qu’en lavant d’une maniere convenable on retire la plus grosse portion du contenu dans les cendres.

Pour bien laver il faut une machine faite exprès, & sur-tout lorsque l’on a beaucoup à laver, comme dans les monnoies ou autres atteliers considérables ; cette machine est une espece de tonneau à peu-près de la figure des moulins à mercure, dont le fond qui est cependant de bois est un peu en sphere creuse : l’arbre de fer qui est au milieu, comme celui des moulins à mercure, porte des bandes de fer plates & larges d’environ deux pouces qui le traversent de haut en bas, en croix, à la distance de six pouces les uns des autres, ayant de même une manivelle en haut de l’arbre que l’on tourne pour agiter la matiere, ce qui contribue merveilleusement à la diviser, laver & dessaler. Il faut placer le tonneau à laver au milieu d’une grande cuve vuide qui ait des trous à ses douves pour écouler l’eau depuis le bas jusqu’en haut, à la distance d’un pouce les uns des autres ; il faut faire cette opération, s’il est possible, proche d’une pompe ou d’un puits dont l’eau soit nette & pure.

On doit commencer par mettre de l’eau dans le tonneau, car si l’on met la matiere épaisse la premiere, elle s’engorge, on ne peut point tourner la manivelle & faire mouvoir l’arbre : elle se doit mettre peu-à-peu. Quand on a agite cette premiere matiere l’espace d’un quart d’heure, il faut la laisser reposer pendant une heure au-moins, après quoi on fait jouer la pompe de façon que l’eau coule très-doucement dans le tonneau à laver. Pendant qu’on tourne la manivelle, ce qui peut se faire par le moyen d’un long tuyau, mettez assez d’eau pour qu’elle regorge du tonneau & entraîne avec elle toutes les cendres legeres dans la cuve, & il ne restera presque que la matiere métallique que sa pesanteur y aura fait précipiter ; il faut la retirer & la mettre à part pour être achevée d’être lavée à la main, suivant le procédé de la premiere opération. Laissez après cela reposer la matiere qui est dans la cuve jusqu’à ce que l’eau soit claire, après quoi ouvrez un des bouchons qui est à la cuve à la hauteur de la matiere que vous jugez être dedans, que l’on peut mesurer, & plûtôt le bouchon supérieur que l’inférieur, parce que vous êtes toûjours à tems d’ouvrir celui de dessous ; & au contraire si vous ouvrez trop bas vous laisserez échapper la matiere. Continuez l’opération sur le reste des cendres jusqu’à ce qu’elles ayent toutes été lavées de cette maniere ; mettez ensuite cette terre lavée dans la grande cuve où vous avez dejà placé le reste de la terre provenant des creusets, pour le tout être passé & broyé avec le vif argent.

Pour ce qui est des matieres métalliques qui sont restées à chaque lotion au fond du tonneau, & que l’on acheve de laver à la main, on en fait l’assemblage. comme il est dit ci-devant, pour la matiere provenant des creusets : par cette lotion, on retire non-seulement les trois quarts de la matiere contenue dans les terres ou cendres, mais encore le reste se trouve beaucoup mieux préparé pour être moulu ; car lorsque la matiere est salée, cela lui donne un gras qui la fait glisser sur le mercure, & ne sauroit s’amalgamer avec lui, c’est inutilement qu’on fait cette trituration sans cette condition.