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petit traité sur cette matiere que les plus grands maîtres ont loué ; il décrit la maniere d’appliquer les laqs, & leur donne différens noms qu’il tire de leurs auteurs, de leurs usages, de leurs nœuds, de leurs effets, ou de leur ressemblance avec différentes choses ; tels sont le nautique, le kiaste, le pastoral, le dragon, le loup, l’herculien, le carchese, l’épangylote, l’hyperbate, l’étranglant, &c. mais toutes ces différences, dont l’explication est superflue, parce qu’elles sont inutiles, ne donnent pas au sujet le mérite qu’il doit aux réflexions solides de quelques chirurgiens modernes, & principalement de M. Petit, qui dans son traité des maladies des os, a exposé les regles générales & particulieres de l’application des laqs. 1°. Ils doivent être placés près des condyles des malleoles, ou autres éminences capables de les retenir en leur place au moyen de la prise : ils glisseroient & ne seroient d’aucun effet si on les plaçoit ailleurs. 2°. Il faut qu’un aide tire avec ses deux mains la peau autant qu’il lui sera possible pendant l’application du laqs du côté opposé à l’action qu’il aura ; sans quoi il arriveroit que dans l’effort de l’extension, la peau pourroit être trop considérablement tirée ; & le tissu cellulaire qui la joint aux muscles étant trop allongé, il s’y feroit rupture de quelques petits vaisseaux ; ce qui produiroit une échymose & autres accidens. La douleur de cette extension forcée de la peau est fort vive, & on l’épargne au malade par la précaution prescrite. 3°. On liera les laqs un peu plus fortement aux personnes grasses, pour l’approcher plus près de l’os, sans quoi la graisse s’opposeroit à la sûreté du laqs, qui glisseroit avec elle par-dessus les muscles. 4°. Enfin il faut garantir les parties sur lesquelles ont applique les laqs ; pour cet effet on les garnit de coussins & de compresses ; on en met particulierement aux deux côtés de la route des gros vaisseaux : on doit s’en servir aussi aux endroits où il y a des contusions, des excoriations, des cicatrices, des cauteres, &c. pour éviter les impressions fâcheuses & les déchiremens qu’on pourroit y causer.

Les regles particulieres de l’application des laqs sont décrites aux chapitres des luxations & des fractures de chaque membre. On les emploie simples ou doubles, & on tire par leur moyen la partie également ou inégalement, suivant le besoin. Le nœud qui les retient est fixe ou coulant : ces détails s’apprennent par l’usage, seroient très-difficiles à décrire, & on ne les entendroit pas aisément sans démonstration.

Les laqs ne servent pas seulement pendant l’opération nécessaire pour donner à des os fracturés ou luxés leur conformation naturelle ; on s’en sert aussi quelquefois pendant la cure, pour contenir les parties dans un degré d’extension convenable : c’est ainsi que dans la fracture oblique de la cuisse on soutient le corps par des laqs qui passent dans le pli de la cuisse, & d’autres sous les aisselles, & qui s’attachent vers le chevet du lit ; d’autres laqs placés au-dessus du genou, sont fixés utilement à une planche qui traverse le lit à son pié. Dans une fracture de la jambe, avec déperdition considérable du tibia fracassé, M. Coutavoz parvint à consolider le membre dans sa longueur naturelle, au moyen d’un laqs qu’on tournoit sur un treuil avec une manivelle, pour le contenir au degré convenable. Voyez le second tome des memoires de l’académie royale de Chirurgie. (Y)

LAQUAIS, s. m. (Gram.) homme gagé à l’année pour servir. Ses fonctions sont de se tenir dans l’antichambre, d’annoncer ceux qui entrent, de porter la robe de sa maîtresse, de suivre le carosse de son maître, de faire les commissions, de servir à sable, où il se tient derriere la chaise ; d’exécuter dans la

maison la plûpart des choses qui servent à l’arrangement & à la propreté ; d’éclairer ceux qui montent & descendent, de suivre à pié dans la rue, la nuit avec un flambeau, &c. mais sur-tout d’annoncer l’état par la livrée & par l’insolence. Le luxe les a multipliés sans nombre. Nos antichambres se remplissent, & nos campagnes se dépeuplent ; les fils de nos laboureurs quittent la maison de leurs peres & viennent prendre dans la capitale un habit de livrée. Ils y sont conduits par l’indigence & la crainte de la milice, & retenus par la débauche & la fainéantise. Ils se marient ; ils font des enfans qui soutiennent la race des laquais ; les peres meurent dans la misere, à moins qu’ils n’ayent été attachés à quelques maîtres bienfaisans qui leur ayent laissé en mourant un morceau de pain coupé bien court. On avoit pensé à mettre un impôt sur la livrée : il en eût résulté deux avantages au moins ; 1°. le renvoi d’un grand nombre de laquais ; 2°. un obstacle pour ceux qui auroient été tentés de quitter la province pour prendre le même état : mais cet impôt étoit trop sage pour avoir lieu.

LAQUE, s. f. On donne ce nom à plusieurs especes de pâtes seches dont les Peintres se servent ; mais ce qu’on appelle plus proprement laque, est une gomme ou résine rouge, dure, claire transparente, fragile, qui vient du Malabar, de Bengale & de Pégu. Son origine A, sa préparation B, & son analyse chimique C, sont ce qu’il y a de plus curieux à observer sur ce sujet.

A, son origine. Suivant les mémoires que le P. Tachard, jésuite, missionnaire aux Indes orientales, envoya de Pondichery à M. de la Hire en 1709, la laque se forme ainsi : de petites fourmis rousses s’attachent à différens arbres, & laissent sur leurs branches une humidité rouge, qui se durcit d’abord à l’air par sa superficie, & ensuite dans toute sa substance en cinq ou six jours. On pourroit croire que ce n’est pas une production des fourmis, mais un suc qu’elles tirent de l’arbre, en y faisant de petites incisions ; & en effet, si on pique les branches proche de la laque, il en sort une gomme ; mais il est vrai aussi que cette gomme est d’une nature différente de la laque. Les fourmis se nourrissent de fleurs ; & comme les fleurs des montagnes sont plus belles & viennent mieux que celles des bords de la mer, les fourmis qui vivent sur les montagnes sont celles qui font la plus belle laque, & du plus beau rouge. Ces fourmis sont comme des abeilles, dont la laque est le miel. Elles ne travaillent que huit mois de l’année, & le reste du tems elles ne font rien à cause des pluies continuelles & abondantes.

B, sa préparation. Pour préparer la laque, on la sépare d’abord des branches où elle est attachée ; on la pile dans un mortier ; on la jette dans l’eau bouillante ; & quand l’eau est bien teinte, on en remet d’autre jusqu’à ce qu’elle ne se teigne plus. On fait évaporer au soleil une partie de l’eau qui contient cette teinture ; après quoi on met la teinture épaissie dans un linge clair ; on l’approche du feu, & on l’exprime au-travers du linge. Celle qui passe la premiere est en goutes transparentes, & c’est la plus belle laque. Celle qui sort ensuite, & par une plus sorte expression, ou qu’on est obligé de racler de dessus le linge avec un coûteau, est plus brune & d’un moindre prix.

C, son analyse chimique. M. Lemery l’a faite, principalement dans la vûe de s’assurer si la laque étoit une gomme ou une résine. Ces deux mixtes, assez semblables, différent en ce que le soufre domine dans les résines, & le sel ou l’eau dans les gommes. Il trouva que l’huile d’olive ne dissolvoit point la laque, & n’en tiroit aucune teinture ; que l’huile étherée de térébenthine & l’esprit-de-vin n’en