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bec de bécasse, & qu’on appelle marteaux à cuvelete, on bat avec ceux-ci les ouvrages concaves. Le plus petit est du poids de vingt-une livres, le plus gros du poids de trente-une ; il y en a d’autres intermédiaires : ceux de cette espece, dont la pointe est arrondie, servent aux petits ouvrages concaves.

Il y a aussi deux sortes d’enclumes ; les unes arrondies par un bout, pour les plates ; les autres quarrées, oblongues & plates, pour les concaves.

Ces enclumes sont fixées dans un enfoncement pratiqué au tronc d’arbre qui les supporte, avec des morceaux de bois resserrés par des coins.

On voit dans nos figures des ouvriers qui travaillent à trois sortes d’ouvrages ; l’un bat des plates qu’il tient des deux mains, les avançant peu-à-peu sous le marteau & parallelement, de maniere que le marteau frappe de toute sa surface. Quand le marteau a agi de cette maniere, l’ouvrier expose son ouvrage à ses coups, de maniere que ces seconds coups croisent les premiers.

Comme les ouvrages plats ont été coupés de maniere que posés les uns sur les autres ils forment une pyramide, & qu’ils se battent tous les uns autant que les autres ; après avoir passé sous le marteau, ils ont pris un accroissement proportionné, & leurs surfaces se surpassent après le travail de la même quantité dont elles se surpassoient auparavant.

Quand les plaques ou pieces plates ont été martelées deux fois, comme j’ai dit, on les recuit, en les rangeant sur la grille du fourneau, où l’on a allumé un feu clair qui dure ordinairement une heure & demie. Lorsque le cuivre est rouge, on laisse éteindre le feu, & l’on ne touche point aux pieces qu’elles ne soient refroidies. Le bois du feu à recuire est de saule ou de noisetier.

Les pieces plates étant refroidies, on les rebat & on les recuit de nouveau. Ces manœuvres se réiterent jusqu’à ce qu’elles aient l’étendue & l’épaisseur requises. On acheve de les arrondir à la cisaille : la cisaille de cet attelier qu’on voit, même pl. n’a rien de particulier. C’est ainsi que l’on prépare une fourrure ; une fourrure est une pyramide de pieces battues plates, au nombre de 3 à 400, destinées à faire des chauderons qui, tous plus petits les uns que les autres, entreront les uns dans les autres quand ils seront achevés.

Pour cet effet on prend quatre de ces pieces plates, ou de ces plates tout court, pour parler comme les ouvriers. La plus grande a neuf lignes de diametre plus que les trois autres. On place celles-ci sur le milieu de la premiere dont on rabat le bord, ce qui contient les trois autres, & on les martele toutes quatre à-la-fois. On se sert dans cette opération de marteaux à cuvelete, d’enclumes plates, & propres à la convexité qu’on veut donner. Les chaudrons se recuisent en se fabriquant, comme on a recuit les plates. Ce travail se mene avec tant d’exactitude, que tous les ouvrages se font de l’étendue rigoureuse que l’on se proposoit. Les fonds des chauderons se battent en calote, & la cire n’est pas plus douce sous sa main du modeleur, que le cuivre sous le marteau d’un bon ouvrier. La lame qu’on coupera pour le fil de laiton, n’a que quatre pouces de largeur, & ne se bat que d’un sens, sans croiser les coups.

Le morceau qui donne un chauderon de dix livres pesant, a 122 pouces 9 lignes de surface, sur 3 lignes d’épaisseur ; & le chauderon fait, a 20 pouces 8 lignes de diametre, 10 pouces 8 lignes de hauteur, sur un sixieme de ligne d’épaisseur ; ce qui, avec la surface du fond, forme 949 pouces & 1 ligne 9 points quarrés de surface. Il est vrai qu’à une sixieme de ligne d’épaisseur, la piece est foible ; mais il se fait des pieces qui le sont davantage, & qui durent. On ne

comprend pas dans ce calcul la superficie des rognures ; mais c’est peu de chose ; la plate devient presque ronde en la travaillant. On n’en sépare à la cisaille que quelques coins. Ces rognures sont vendues au poids par l’usinier au maître fondeur, qui les remet à la fonte.

Lorsque les fourrures de chauderons ou d’autres ouvrages ont reçu leur principale façon aux batteries, on les rapporte à la fonderie, où on les finit, en effaçant au marteau les marques de la batterie, & en leur donnant le poli qu’elles peuvent prendre.

Dans presque toutes les fourrures il y a des pieces dont les parties ont été plus comprimées que d’autres, qui ont des pailles ou autres défauts ; de sorte que quand on les déboîte, on en trouve de percées, & même en assez grand nombre. Voici comment on y remet des pieces.

On commence par bien nettoyer le trou, en séparant tout le mauvais cuivre & arrachant les bords avec des pinces quand la piece a peu d’épaisseur, ou les coupant à la cisaille quand la piece est sorte ; ensuite on martele sur l’enclume les bords du trou, les rendant unis & égaux ; on a une piece de l’épaisseur convenable ; on l’applique au trou à boucher ; on prend une pointe, & suivant avec cette pointe les bords du trou, on trace sa figure sur la piece. A cette figure on en circonscrit sur la piece une pareille, qui l’excede d’environ deux lignes. On coupe la piece sur ce second trait ; on la dentelle sur toute sa circonférence, & les dents atteignent le premier trait. On replie ces dents alternativement & en sens contraire. On applique ainsi la piece au trou ; on rabat les dents qui serrent les bords du trou en dessus & en dessous ; on rebat sur l’enclume, & l’on soude le tout ensemble.

La soudure se fait d’une demi-livre d’étain fin d’Angleterre, de 30 livres de vieux cuivre & de 7 livres de zinc ; on fait fondre le mélange. Après la fusion on le coule par petites portions dans un vaisseau plein d’eau, qu’on remue afin d’occasionner la division. Cela fait on retire la soudure de l’eau, & on la pulvérise en la battant dans des mortiers de fer. On la passe pulvérisée par de petits cribles, qui en déterminent la finesse. Il en faut de différentes grosseurs, selon les différentes épaisseurs des ouvrages à souder.

Pour faire tenir la soudure sur les dents de la piece à souder, on en fait une pâte avec de l’eau commune, & partie égale de borax ; on en forme une traînée sur la dentelure ; on laisse sécher la traînée ; puis on passe la piece au feu, ou on la laisse jusqu’à ce que l’endroit à reboucher ait rougi.

Mais comme la couleur de la soudure differe de celle du cuivre, pour l’empêcher de paroître on a une eau rousse épaisse, faite de terre de potier & de soufre, détrempés avec de la biere, qu’on applique sur la soudure ; ensuite on remet au feu, qui rend au tout une couleur si égale, qu’il faut être du métier pour découvrir ce défaut, sur-tout après que l’ouvrage a été frotté avec des bouchons d’étoffe imbibés d’eau & de poussiere ramassée sur le plancher même de l’attelier. D’ailleurs, soit par économie, soit par propreté, soit pour pallier les défauts, après qu’on a battu les pieces on les passe au tour.

Ce tour n’a rien de particulier ; c’est celui des potiers d’étain. Deux poupées contiennent un arbre garni d’un rouet de poulie, sur laquelle passe une corde sans fin, qui va s’envelopper aussi sur une grande roue, qui se meut par une manivelle. Le bout de l’arbre qui tient à la poupée est en pointe ; l’autre bout porte un plateau rond & un peu concave, sur lequel on fixe le fond du chauderon par une piece destinée à cet usage, dont la grande barre est concave.