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ainsi lorsqu’une nourrice veut cesser de l’être, elle doit s’astreindre à une diete médiocre, n’user que d’alimens légers, de peu de suc, prendre quelques purgatifs légers, des lavemens réitérés ; les diurétiques conviennent aussi très-bien ; la térébenthine jointe à la poudre de cloportes, est celui dont on use le plus familierement, & dont on éprouve le succès le plus prompt & le plus constant. On peut laisser à la femme la liberté & le choix d’applications sur les mamelles, pourvu cependant qu’elles ne soient pas trop astringentes ou emplastiques ; il ne faut pas non plus les envelopper & les affaisser sous le poids des linges & des cataplasmes, dans la vûe de les tenir chaudes. Avec ces précautions, ces topiques peuvent être appliqués avec quelque succès, du moins sans inconvénient. Lorsqu’on a négligé ces remedes, ou qu’ils ont été sans effet, que le lait répandu a excité quelques maladies, outre les remedes particulierement indiqués dans cette maladie, il faut avoir recours aux diuretiques, aux légers diaphorétiques, aux différens sels neutres, & sur-tout aux eaux minérales dont le succès est presque assuré.

Caillement de lait, poil de lait. Un autre accident assez ordinaire aux femmes qui ne veulent pas nourrir, & aux nourrices qui ne sont pas suffisamment tetées, & qui laissent par-là engorger leurs mamelles, est le caillement de lait ; il est aussi quelquefois occasionné par des passions d’ames vives, par la colere, par une grande & subite joie, par une terreur, par des applications acides, astringentes sur les mamelles, par un air froid agissant trop immédiatement sur une gorge de nourrice imprudemment découverte, & sur-tout par l’usage trop continué d’alimens gélatineux, austeres, acides, &c. Il est inconcevable avec quelle rapidité les vices des alimens se communiquent au lait, & quelle impression ils y font ; c’est un fait connu de tout le monde, que le lait d’une nourrice devient purgatif lorsqu’elle a pris quelque médicament qui a cette propriété. Olaus Borrichius raconte que le lait d’une femme qui fit usage pendant quelques jours d’absinthe, devint d’une amertume insoutenable. Salomon Branner assure avoir vu sortir par une blessure à la mamelle, de la bierre inaltérée qu’on venoit de boire, ce qui doit être un motif pour les nourrices d’éviter avec soin tous les mets trop salés, épicés, les liqueurs ardentes, spiritueuses, aromatiques, &c. & un avertissement aux medecins de ne pas trop les surcharger de remedes. Lorsque par quelqu’une des causes que je viens d’exposer, le lait s’est caillé, la mamelle paroît au tact dure, inégale ; on sent sous le doigt les grumeaux de lait endurci ; son excrétion est diminuée, suspendue ou dérangée ; la mamelle devient douloureuse, s’enflamme même quelquefois. On appelle proprement poil de lait, lorsque le caillement est joint à une espece particuliere de douleur que les femmes savent bien distinguer, & qui est semblable, dit Mauriceau, liv. III. chap. xvij. à celle qu’Aristote, Hist. animal. liv. VII. cap. II. « assure fabuleusement procéder de quelque poil avalé par la femme en buvant, lequel étant ensuite facilement porté dans la substance fongueuse des mamelles, y fait une très grande douleur qui ne s’appaise pas avant qu’on ait fait sortir le poil avec le lait, soit en pressant les mamelles, soit en les suçant ».

Si l’on ne remédie pas tout de suite à cet accident, il peut avoir des suites fâcheuses ; il occasionne assez ordinairement l’abscès ou apostème des mamelles ; quelquefois la tumeur s’endurcit, devient skirrheuse, & dégénere enfin en cancer, comme Fabrice de Hilden dit l’avoir observé, Observ. chirurg. centur. 2.

On ne peut remédier à cet accident plus sûre-

ment & plus promptement, qu’en faisant teter fortement

la femme ; mais comme le lait vient difficilement, l’enfant ne sauroit être propre à cet emploi ; il faut alors se servir d’une personne robuste qui puisse vuider & tarir entierement les mamelles ; il est vrai que la suction entretient la disposition à l’engorgement, & attire de nouvelles humeurs aux mamelles, ce qui est un bien si la femme veut continuer de nourrir, & n’est pas un grand mal si elle est dans un dessein contraire ; car il est bien plus facile de dissiper le lait fluide & naturel, que de le résoudre & l’évacuer lorsqu’il est grumelé ; on peut hâter ou faciliter la résolution de ce lait, par les applications résolutives ordinaires ; telles sont celles qui sont composées avec les plantes dont nous avons parlé, fievre de lait ; tels sont aussi les cataplasmes de miel, des quatre farines, & lorsque la douleur est un peu vive, dans le poil, celui qui reçoit dans sa composition le blanc de baleine ; les fomentations faites avec la liqueur de saturne animée avec un peu d’eau-de-vie, me paroissent très-appropriées dans ce dernier cas.

Lait de lune, lac lunæ, (Hist. nat.) La plûpart des Naturalistes désignent sous ce nom, une terre calcaire, blanche, légere, peu liée, & semblable à de la farine ; cette substance se trouve presqu’en tout pays ; elle ne forme jamais de lits ou de couches suivies dans le sein de la terre ; mais on la rencontre dans les fentes des rochers, & adhérente aux parois de quelques cavités souterraines où elle a été déposée par les eaux qui avoient entraîné, lavé, & détrempé cette espece de terre. Quoique cette substance ne differe des autres terres calcaires que par sa blancheur & sa pureté, les auteurs lui ont donné plusieurs noms différens, tels sont ceux d’agaric minéral, de farine fossile, de fungus petræus, de medulla sanorum, de stenomarga, lithomarga, &c. d’où l’on peut voir combien la multiplicité des noms est propre à brouiller les idées de ceux qui veulent connoître le fond des choses.

On dit que le nom de lait de lune a été donné à cette substance parce qu’elle blanchit l’eau, & lui fait prendre une couleur de lait ; cela vient de la finesse de ses parties, qui les rend très-miscibles avec l’eau ; elle fait effervescence avec tous les acides, ce qui caractérise sa nature calcaire.

On regarde le lait de lune comme un excellent absorbant, qualité qui lui est commune avec les yeux d’écrevisses, la magnésie blanche, & d’autres préparations de la pharmacie, auxquelles il est plus sûr de recourir qu’à une terre, qui quelque pure qu’elle paroisse, peut avoir pourtant contracté des qualités nuisibles dans le sein de la terre. (—)

Lait, Pierre de, lactea, lapis lacteus, (Hist. nat.) Quelques auteurs donnent ce nom à la même substance calcaire & absorbante que d’autres ont nommée lait de lune, lac lunæ, ou moroctus. Ce nom lui vient de ce que mise dans l’eau elle la blanchissoit & la rendoit laiteuse. On lui attribuoit plusieurs vertus medecinales. Voyez de Boot, lapid. hist. & voyez Lait de lune.

Lait de chaux, (Architect.) dans l’art de bâtir ; c’est de la chaux délayée avec de l’eau, dont on se sert pour blanchir les murs, en latin albarium opus, selon Pline.

LAITAGE, s. m. (Econom. rust.) il se dit de tous les alimens qui se tirent du lait, du lait même, du beurre, de la crême, du fromage, &c.

LAITANCE ou LAITE, s. f. (Cuisine.) c’est la partie des poissons mâles qui contient la semence ou liqueur séminale. Un des Bartholins dit avoir trouvé dans l’asellus, espece de merlan, une laite & des œufs.

LAITERIE, s. f. (Econom. rustiq.) endroit où