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n’y a que le grec qui ait trouvé l’art d’atteindre à une briéveté si nerveuse & si forte. (D. J.)

LACONUM TROPHÆA, (Littérat.) monument érigé près des Thermopyles en l’honneur des trois cens Lacédémoniens, qui commandés par leur roi Léonidas, arrêterent la formidable armée de Xerxes :

Trois cens Grecs retranchés au pas des Thermopyles,
Rendirent en ce jour ses efforts inutiles ;
Et les Athéniens aimerent mieux cent fois
Abandonner leurs murs que de suivre ses lois.


(D. J.)

LACOWITZ, (Géog.) ville de la Pologne, dans la Russle blanche, au palatinat de Novogorodeck.

LACQUE, s. f. (Hist. nat. des Drog. Arts, Chim.) espece de cire que des fourmis ailées, de couleur rouge, ramassent sur des fleurs aux Indes orientales, & qu’elles transportent sur de petits branchages d’arbres où elles font leur nid.

Il est vraissemblable qu’elles y déposent leurs œufs ; car ces nids sont pleins de cellules, où l’on trouve un petit grain rouge quand il est broyé, & ce petit grain rouge est selon les apparences l’œuf, d’où la fourmi volante tire son origine.

La lacque n’est donc point précisément du genre des gommes, ni des résines, mais une sorte de cire recueillie en forme de ruche, aux Indes orientales, par des fourmis volantes ; cette cire séchée au soleil devient brune, rouge clair, transparente, fragile.

On nous l’apporte de Bengale, de Pégu, de Malabar, & autres endroits des Indes. On la nomme trec dans les royaumes de Pégu & de Martaban.

Garcie des Jardins & Bontius sont du nombre des premiers parmi les auteurs qui nous en ont appris sa véritable origine. Ceux qui prétendent que la lacque est une partie de la féve du jujuba indica, qui suinte à-travers l’écorce, sont dans l’erreur ; car, outre que les bâtons sur lesquels elle a été formée prouvent le contraire, la résine qui distille par incision de cet arbre est en petite quantité & d’une nature toute différente.

Plusieurs écrivains se sont aussi persuadés que la lacque avoit été connue de Dioscoride & de Sérapion ; mais la description qu’ils nous en ont donnée démontre assez le contraire. Quant au nom de gomme qu’elle porte, c’est un nom impropre & qui ne peut lui convenir, puisque c’est un ouvrage de petits insectes.

La principale espece de lacque est celle qu’on nomme lacque en bâtons, parce qu’on nous l’apporte attachée a de petits branchages sur lesquels elle a été formée. Il ne faut pas croire que cette espece de cire provienne des petits rameaux où on la voit attachée, puisqu’en la cassant, & en la détachant de ces petits bâtons, on ne voit aucune issue par où elle auroit pû couler. D’ailleurs, comme cette espece de cire est fort abondante, & que souvent les bâtons sont très petits, il est visible qu’elle n’en est point produite. Enfin, le sentiment unanime des voyageurs le confirme.

Ils nous disent tous que les bâtons de la lacque ne sont autre chose que des branchages que les habitans ont soin de piquer en terre en grande quantité, pour servir de soutien à l’ouvrage des fourmis volantes qui viennent y déposer l’espece de cire que nous appellons lacque. Le mérite de la lacque de Bengale sur celle de Pégu ne procede que du peu de soin que les Péguans ont de préparer les bâtons pour recevoir le riche ouvrage de leurs fourmis, ce qui oblige ces insectes de se décharger à terre de la lacque qu’ils ont recueillie, laquelle étant mêlée de

quantité d’ordures, est beaucoup moins estimée que celle de Bengale, qui ne vient qu’en bâtons.

Mais tâchons de dévoiler la nature de l’ouvrage de ces insectes ; M. Geoffroy, qui s’en est occupé, semble y être parvenu. Voici le précis de ses observations, insérées dans les Mém. de l’acad. des Sc. année 1714.

Il lui a paru, en examinant l’ouvrage de ces petits animaux, que ce ne pouvoit être qu’une sorte de ruche, approchant en quelque façon de celle que les abeilles & d’autres insectes ont coutume de travailler. En effet, quand on la casse, on la trouve partagée en plusieurs cellules ou alvéoles, d’une figure assez uniforme, & qui marque que ce n’a jamais été une gomme, ni une résine coulante des arbres. Chacune de ces alvéoles est oblongue, à plusieurs pans, quelquefois tout-à-fait ronde, selon que la matiere étant encore molle, a été dérangée, & a coulé autour de la branche qui la soutient.

Les cloisons de ces alvéoles sont extrèmement fines, & toutes pareilles à celles des ruches des mouches à miel ; mais comme elles n’ont rien qui les défende de l’injure de l’air, elles sont recouvertes d’une couche de cette même cire, assez dure & assez épaisse pour leur servir d’abri ; d’où l’on peut conjecturer que ces animaux ne travaillent pas avec moins d’industrie que les abeilles, puisqu’ils ont beaucoup moins de commodités.

Il y a lieu de croire que ces alvéoles sont destinées aux essains de ces insectes comme celles des abeilles ; & que ces petits corps qu’on y trouve sont les embrions des insectes qui en doivent sortir ; ou les enveloppes de ceux qui en sont sortis effectivement, comme on le voit dans la noix de galle, & autres excroissances provenant de la piqûure des insectes.

Ces petits corps sont oblongs, ridés ou chagrinés, terminés d’un côté par une pointe, de l’autre par deux, & quelquefois par une troisieme. En mettant ces petits corps dans l’eau, ils s’y renflent comme la cochenille, la teignent d’une aussi belle couleur, & en prennent à peu-près la figure, en sorte que la seule inspection fait juger que ce sont de petits corps d’insectes, en quelque état qu’ils soient ; ce sont eux qui donnent à la lacque la teinture rouge qu’elle semble avoir ; car quand elle en est absolument dépouillée ou peu fournie, à peine en a-t-elle une légere teinture.

Il paroît donc que la lacque n’est qu’une sorte de cire, qui forme pour ainsi dire le corps de la ruche, & cette cire est d’une bonne odeur quand on la brûle. Mais pour ce qui est des petits corps, qui sont renfermés dans les alvéoles, ils jettent, en brûlant, une odeur desagréable, semblable à celle que rendent les parties des animaux. Plusieurs de ces petits corps sont creux, pourris ou moisis ; d’autres sont pleins d’une poudre où l’on découvre, à l’aide du microscope, quantité d’insectes, longs, transparens, à plusieurs pattes.

On peut comparer la lacque, qui est sur les bâtons chargés d’alvéoles, à la cire de nos mouches, & dire que sans les fourmis il n’y auroit point de lacque ; car ce sont elles qui prennent soin de la ramasser, de la préparer & de la travailler pendant huit mois de l’année pour leur usage particulier, qui est la production & la conservation de leurs petits. Les hommes ont aussi mis à profit cette lacque, en l’employant pour la belle teinture des toiles qui se fait aux Indes, pour la belle cire à cacheter dont nous nous servons, pour les vernis & pour la peinture.

On a établi différentes sortes de lacques. Premierement, la lacque en branches, dont on peut distinguer deux especes ; une de couleur d’ambre jaune, qui porte des alvéoles remplis de chrysalides, dont