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bridge, Bridgenorth, Bridgewater ; & comme ces lieux sont tous au passage de quelque riviere, il a fallu y poser des ponts. (D. J.)

LACONICON, s. m. (Littérat.) le laconique étoit l’étuve seche dans les palestres greques, & l’étuve voûtée pour faire suer, où le bain de vapeur portoit chez les Latins le nom de tepidarium. Ces deux étuves étoient jointes ensemble, leur plancher étoit creux & suspendu pour recevoir la chaleur de l’hypocauste, c’est-à dire d’un grand fourneau maçonné au dessous. On avoit soin de remplir ce fourneau de bois, ou d’autres matieres combustibles, dont l’ardeur se communiquoit aux deux étuves, à la faveur du vuide qu’on laissoit sous leurs planchers.

L’idée d’entretenir la santé par la sueur de ces sortes d’étuves, étoit de l’invention de Lacédémone, comme le mot laconicon le témoigne ; & Martial le confirme dans les vers suivans.

Ritus si placeant tibi laconum,
Contentus potes arido vapore,
Crudâ virgine, Martiaque mergi.

Les Romains emprunterent cet usage des Lacédémoniens ; Dion Cassius rapporte, qu’Agrippa fit bâtir un magnifique laconicon à Rome l’an 729 de sa fondation, ce qui revient à l’année 25 avant Jesus-Christ. L’effet de ces sortes d’étuves, dit Columelle, est de réveiller la soif & de dessécher le corps. On bâtissoit les laconiques avec des pierres brûlées, ou desséchées par le feu. (D. J.)

LACONIE, (la) Géog. anc. ou le pays de Lacédémone, en Latin Laconia ; célebre contrée de la Grece, au Péloponnese, dont Lacédémone étoit la capitale. La Laconie étoit entre le royaume d’Argos au nord, l’Archipel à l’orient, le golfe Laconique au midi, la Messénie au couchant, & l’Arcadie au nord-cuest. L’Eurotas la partageoit en deux parties fort inégales. Toute la côte de la Laconie s’étendoit depuis le cap Ténarien, Tanarium, jusques au lieu Prasium ou Prasia.

La Laconie s’appelle aujourd’hui Zaconie ou Brazzo di Maina en Morée, & ses habitans sont nommés Magnottes. Mais la Zaconie des modernes ne répond que très-imparfaitement à la Laconie des anciens. (D. J.)

Laconie, (Golfe de) en latin Laconicas sinus, (Géog. anc.) golfe de la mer de Grece, au midi du Péloponnese, à l’orient du golfe Messéniaque, dont il est separé par le cap, autrefois nommé Tænarien. C’est proprement une anse, qu’on appelle présentement golfe de Colochine, & qui est séparé du golfe de Coron par le cap Matapan. C’étoit dans cette anse que se pêchoit la pourpre la plus estimée en Europe ; ce qui a fait dire à Horace (ode 18. lib. II.) « Je n’ai point pour clientes des dames occupées à me filer des laines teintes dans la pourpre de Laconie ».

. . . . . . . . Non Laconicas mihi
Trahunt honestæ purpuras clientæ
.

Cette expression hardie d’Horace, trahunt purpuras pour lanas purpurâ infectas, prouve & justifie les libertés que la poésie lyrique a droit de prendre. (D. J.)

Laconie (marbre de Laconie) Laconium marmor, (Hist. nat.) les anciens donnoient ce nom à un marbre vert d’une grande beauté, mais dont la couleur n’étoit point entierement uniforme ; il étoit rempli de taches & de veines d’un verd ou plus clair ou plus obscur que le fond de la couleur. Sa ressemblance avec la peau de quelques serpens l’a fait appeller ophites par quelques auteurs : il ne faut point confondre ce marbre avec la serpentine, que l’on a aussi appellée ophites. Voyez Serpentine.

Le nom de ce marbre sembleroit devoir faire con-

jecturer qu’on en tiroit de la partie de la Grece qui

est aux environs de Lacédémone, cependant on dit que les Romains le faisoient venir d’Egypte. Aujourd’hui on en trouve en Europe près de Vérone en Italie, en Sucde & en Angleterre près de Bristol. Il paroît que ce marbre est le même que celui que les Marbriers nomment verd d’Egypte ou verd antique. (—)

LACONIMURGUM, (Géog. anc.) ancienne ville d’Espagne chez les Vettons, peuples situés à l’orient de la Lusitanie. Le P. Hardouin croit que c’est présentement Constantina dans l’Andalousie, au-dessus de Penastor. (D. J.)

LACONISME, s. m. (Littérat.) c’est à-dire en françois, langage bref, animé & sententieux ; mais ce mot désigne proprement l’expression énergique des anciens Lacédémoniens, qui avoient une maniere de s’énoncer succincte, serrée, animée & touchante.

Le style des modernes, qui habitent la Zaconie, ne s’en éloigne guere encore aujourd’hui ; mais ce style vigoureux & hardi ne sied plus à de misérables esclaves, & répond mal au caractere de l’ancien laconisme.

En effet, les Spartiates conservoient un air de grandeur & d’autorité dans leurs manieres de dire beaucoup en peu de paroles. Le partage de celui qui commande est de trancher en deux mots. Les Turcs ont assez humilié les Grecs de Misitra, pour avoir droit de leur tenir le propos qu’Epaminondas tint autrefois aux gens du pays : « En vous ôtant l’empire, nous vous avons ôté le style d’autorité. »

Ce talent de s’énoncer en peu de mots, étoit particulier aux anciens Lacédémoniens, & rien n’est si rare que les deux lettres qu’ils écrivirent à Philippe, pere d’Aléxandre. Après que ce prince les eut vaincus, & réduits leur état à une grande extrémité, il leur envoya demander en termes impérieux, s’ils ne vouloient pas le recevoir dans leur ville, ils lui écriviront tout uniment, non ; en leur langue, la réponse étoit encore plus courte, οὐκ.

Comme ce roi de Macédoine insultoit à leurs malheurs, dans le tems que Denys venoit d’être dépouillé du pouvoir souverain, & réduit à être maître d’école dans Corinthe, ils attaquerent indirectement la conduite de Philippe par une lettre de trois paroles, qui le menaçoient de la destinée du tyran de Syracuse : Διονύσιος ἐν Κορίνθῳ, Denys est à Corinthe.

Je sai que notre politesse trouvera ces deux lettres si laconiques des Lacédémoniens extrêmement grossieres ; eh bien, voici d’autres exemples de laconisme de la part du même peuple, que nous proposerons pour modele ? Les Lacédémoniens, après la journée de Platée, dont le récit pouvoit souffrir quelque éloge de la valeur de leurs troupes, puisqu’il s’agissoit de la plus glorieuse de leurs victoires, se contenterent d’écrire à Sparte, les Persans viennent d’être humiliés ; & lorsqu’après de si sanglantes guerres, ils se furent rendus maîtres d’Athènes, ils manderent simplement à Lacédémone, la ville d’Athènes est prise.

Leur priere publique & particuliere tenoit d’un laconisme plein de sens. Ils prioient seulement les dieux de leur accorder les choses belles & bonnes, τὰ καλὰ ἐπὶ τοῖς ἀγαθοῖς διδόναι. Voilà toute la teneur de leurs oraisons.

N’espérons pas de pouvoir transporter dans le françois l’énergie de la langue greque ; Eschine, dans son plaidoyer contre Ctésiphon, dit aux Athéniens : « Nous sommes nés pour la paradoxologie » ; tout le monde savoit que ce seul mot signifioit « pour transmettre par notre conduite aux races futures une histoire incroyable de paradoxes » ; mais il