Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/927

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

breux amas de pierres ponce, prouvent évidemment l’existence des volcans dont le pays est intérieurement dévoré.

Malgré ces dangers les îles sont extrémement peuplées & très-bien cultivées. Les habitans y jouissent entr’autres avantages du plus beau ciel du monde ; point d’hiver ni de frimats. Les montagnes en tout tems sont couvertes de verdure, & les vallons arrosés de rivieres & de sources d’une eau pure qui est très bonne dans beaucoup d’endroits. Les bestiaux y multiplient à merveille ; la terre y produit des arbres d’une énorme grosseur, dont le bois incorruptible s’emploie aux ouvrages de charpente, de menuiserie & de marqueterie ; d’autres sont propres à la teinture, & beaucoup portent d’excellens fruits. Les bananes, les patates, le magnoc & plusieurs autres racines, font la principale nourriture des habitans, qui recueillent aussi beaucoup de riz & de maïs ; les plantes tant potageres que médecinales naturelles au pays, y sont en abondance, & les exotiques s’y naturalisent parfaitement bien.

Autour des petites îles desertes, & dans les culs-de-sac ou baies, la mer fournit & tortues & beaucoup de bons poissons, dont les especes sont inconnues en Europe.

Les vaisseaux qui font le commerce des Antilles, en rapportent beaucoup de sucre & de caffé, du coton, de la casse, du caret, du cacao, de l’indigo & du rocour.

Isles de dessous le vent. Ce que l’on a dit au sujet des îles du vent convient assez bien aux îles de dessous le vent. Celles-ci sont beaucoup plus grandes & situées à l’occident des premieres, en se rapprochant du golfe du Mexique ; elles sont au nombre de quatre principales, dont Hispaniola ou saint-Domingue se trouve aujourd’hui partagée entre les François & les Espagnols ; ces derniers possedent en entier les îles de Cuba & de Portorico, & la Jamaïque appartient aux Anglois.

On peut ranger au nombre des îles de dessous le vent toutes celles qui sont situées sur les côtes de Vénezuela & de Carac, dont l’île de Curacao occupée par les Hollandois, est une des plus renommée par son commerce avec les differentes nations qui fréquentent ces parages. (M. L. R.)

Isle, (Jardin. & Hydr.) est une langue de terre élevée dans l’eau & revêtue de murs, & isolée de tous côtés avec quelque puits qui y communiquent ; les fontainiers en pratiquent au milieu des grandes pieces d’eau, ainsi que l’on en voit à Fontainebleau, à Dampieres & autres lieux. (K)

ISLEB, (Géog.) petite ville d’Allemagne dans le cercle de la Haute Saxe, au comté de Mansfeld. Long. 29. 28. lat. 51. 45.

Isleb n’est mémorable que pour avoir été le lieu de la naissance & de la mort de Luther ; je ne dirai rien de sa vie, M. Bossuet entre les Catholiques, Seckendorf, Jean Muller, Christian Juncker & Bayle entre les Réformés, vous en instruiront complettement.

Mais M. de Voltaire va vous peindre, ou plutôt je vais donner l’esquisse du tableau qu’il a fait de cette grande révolution dans l’esprit & dans le système politique de l’Europe, qui commença par un moine augustin.

« A peine eut-il pris l’habit de son ordre à l’âge de 22 ans, que ses supérieurs le chargerent de prêcher contre la marchandise qu’ils n’avoient pu vendre. La querelle ne fut d’abord qu’entre les Augustins & les Dominicains ; on ne prévoyoit pas qu’elle iroit jusqu’à détruire la religion romaine dans la moitié de l’Europe.

» Luther, après avoir décrié les indulgences, examina le pouvoir de celui qui les donnoit aux Chré-

tiens ; un coin du voile fut levé. Les peuples plus

éclairés voulurent juger ce qu’ils avoient adoré ; ils requirent une réforme qui n’étoit pas possible ; ils se séparerent de l’église. Pour parvenir à cette scission, il ne falloit qu’un prince qui la secondât ; le vieux Frédéric électeur de Saxe, surnommé le sage, celui-là même qui, à la mort de Maximilien, eut le courage de refuser l’empire, protégea Luther ouvertement. Cette révolution dans l’église eut un cours semblable à celles par qui les peuples ont détrôné leurs souverains ; on présenta des requêtes, on exposa des griefs ; on finit par renverser le trône. Il n’y avoit point encore néanmoins de séparation marquée, en se moquant des indulgences, en demandant à communier avec du pain & du vin ; en parlant intelligiblement sur la justification & sur le libre arbitre ; en voulant abolir le monachisme ; en offrant de prouver que l’Ecriture-sainte ne dit pas un mot du purgatoire, &c.

» Léon X. qui dans le fond méprisoit ces choses, fut obligé comme chef de l’Eglise, d’anathématiser & Luther, & ses propositions. Luther anathématisé ne garda plus de mesure, il composa son livre de la captivité de Babylone ; il exhorta les princes à secouer le joug de Rome. On brûla ses livres, & Léon X. fulmina une nouvelle bulle contre lui. Luther fit brûler la bulle du pape & les décrétales dans la place publique de Wittemberg. On voit par ce trait si c’étoit un homme hardi ; mais on voit aussi qu’il étoit déja bien puissant : dès-lors une partie de l’Allemagne fatiguée de la grandeur pontificale, embrassoit les intérêts du réformateur, sans trop examiner les questions de l’école qui se multiplioient tous les jours.

» Les thèses les plus vaines se mêloient avec les plus profondes, tandis que les fausses imputations, les injures atroces, les anathêmes nourrissoient l’animosité des deux partis. Les grossiertés du moine augustin, aujourd’hui si dégoutantes, ne révoltoient point des esprits assez grossiers ; & Luther avec le ridicule d’un style bas, triomphoit dans son pays de toute la politesse romaine.

» Le théâtre de cette guerre de plume étoit chez les Allemans & chez les Suisses, qu’on ne regardoit pas alors pour les hommes de la terre les plus déliés, & qui passent pour circonspects. La cour de Rome savante & polie, ne s’attendoit point que ceux qu’elle traitoit de barbares pourroient, la bible comme le fer à la main, lui ravir la moitié de l’Europe, & ébranler l’autre.

» Cependant Luther ayant pour ennemi son empereur, le roi d’Angleterre, le pape, tous les évêques & tous les religieux, ne s’en étonna pas. Caché dans une forteresse de Saxe, il brava l’empereur, irrita la moitié de l’Allemagne contre le souverain pontife ; répondit au roi d’Angleterre comme à son égal, posa, fortifia, étendit son église naissante, & mourut le 18 Février 1546, à 63 ans, trois mois, huit jours, regardé par son parti comme une illustre réformateur de l’Eglise, & par les Catholiques romains comme un insigne hérésiarque ».

Les savans préferent les éditions qu’il a données lui-même de ses œuvres depuis 1517 jusqu’à sa mort, à toutes les éditions postérieures. (D. J.)

ISLEBIENS, s. m. pl. (Théol.) est le nom que l’on donna à ceux qui embrasserent les sentimens d’un théologien luthérien de Saxe, appellé Jean Agricola, natif d’Isleb, disciple & compatriote de Martin Luther, avec lequel néanmoins il se brouilla pour les sentimens, parce qu’Agricola prenant trop à la lettre quelques paroles de l’Apôtre saint Paul touchant la loi judaïque, déclamoit contre la loi &