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Le mouvement rapide de la terre empêchant la libre sortie des vents renfermés dans les cavités de la terre, en excite les tremblemens.

Si une nue est opposée au soleil comme un miroir, & que sa lumiere la rencontre & s’y fixe, l’arc-en-ciel sera produit.

Si la terre sépare la lune du soleil, la lune sera éclipsée ; la même chose arrivera au soleil, si la lune se trouve entre la terre & cet astre.

Je n’entens rien à son explication des solstices, ni aux retours fréquens de la lune ; il employe à l’explication de l’un de ces phénomenes le mouvement ou plutôt l’éloignement de la lune & du soleil, & à l’autre le défaut de chaleur.

Si le chaud s’approche des nues qui sont froides, cette rencontre occasionnera des tonnerres & des éclairs ; la foudre est une condensation du feu.

Diogene l’Apolloniate fut disciple d’Anaximene, & condisciple d’Anaxagore. Celui-ci fut orateur & philosophe ; ses principes sont fort analogues à ceux de son maître.

Rien ne se fait de rien ; rien ne se corrompt, ou il n’est pas ; l’air est le principe de tout ; une intelligence divine le meut & l’anime ; il est toûjours en action ; il forme des mondes à l’infini, en se condensant ; la terre est une sphere allongée ; elle est au centre ; c’est le froid environnant qui fait sa consistance ; c’est le froid qui a fait sa solidité premiere ; la sphere étoit droite, elle s’inclina après la formation des animaux ; les étoiles sont des exhalaisons du monde ; l’ame est dans le cœur ; le son est un retentissement de l’air contenu dans la tête, & frappé ; les animaux naissent chauds, mais inanimés ; la brute a quelque portion d’air & de raison ; mais cet air est embarrassé d’humeur ; cette raison est bornée ; ils sont dans l’état des imbécilles ; si le sang & l’air se portent vers les régions gastriques, le sommeil naît ; la mort, si le sang & l’air s’échappent.

Archélaüs de Milet succéda à Anaxagoras ; l’étude de la Physique cessa dans Athènes après celui ci ; la superstition la rendit périlleuse, & la doctrine de Socrate la rendit méprisable : Archélaüs commença à disputer des lois, de l’honnête, & du juste.

Selon lui, l’air & l’infini sont les deux principes des choses ; & la séparation du froid & du chaud, la cause du mouvement ; le chaud est en action, le froid en repos ; le froid liquéfié forme l’eau ; resserré par le chaud, il forme la terre ; le chaud s’éleve, la terre demeure ; les astres sont des terres brûlées ; le soleil est le plus grand des corps célestes : après le soleil, c’est la lune ; la grandeur des autres est variable ; le ciel étendu sur la terre, l’éclaire & la seche ; la terre étoit d’abord marécageuse ; elle est ronde à la surface, & creuse au centre ; ronde, puisque le soleil ne se leve pas & ne se couche pas en un même instant pour toutes ses contrées ; la chaleur & le limon ont produit tous les animaux, sans en excepter l’homme ; ils sont également animés ; les tremblemens de la terre ont pour causes des vents qui se portent dans ses cavités qui en sont déja pleines ; la voix n’est qu’un air frappé ; il n’y a rien de juste ni d’injuste, de décent, ni d’indécent en soi ; c’est la loi qui fait cette distinction.

Voilà tout ce que l’antiquité nous a transmis de la secte ionique qui s’éteignit à Socrate, pour ne renaître qu’à Guillelmet de Bérigard, qui naquit à Moulins en 1598.

Bérigard étudia d’abord les lettres grecques & latines, & ne négligea pas les Mathématiques ; il avoit fait un assez long séjour à Paris, lorsqu’il fut appellé à Pise. Il s’attacha à Catherine de Lorraine, femme du grand duc de Toscane, en qualité de medecin ; ce qui prouve qu’il avoit apparemment tourné son application du côté de l’art de guérir ; Catherine lui

procura la protection des Médicis ; il professa les Mathématiques & la Botanique ; les Vénitiens lui proposerent une chaire à Padoue qu’il accepta, & qu’il garda jusqu’à sa mort, qui arriva en 1663 ; son ouvrage intitulé Cursus Pisani, n’est ni sans réputation, ni sans mérite ; il commença à philosopher dans un tems où le Péripatétisme ébranlé perdoit un peu de son crédit, en dépit des decrets des facultés attachées à leur vieille idole. Quoiqu’il vécût dans un pays où l’on ne peut être trop circonspect, & qu’il eût sous ses yeux l’exemple de Galilée, jetté dans des prisons pour avoir démontré le mouvement de la terre & l’immobilité du soleil, il osa avancer qu’on devoit aussi peu d’égards à ce que les Théologiens pensoient dans les sciences naturelles, que les Théologiens à ce que les Philosophes avoient avancé dans les sciences divines. Quel progrès sous cet homme rare la science n’auroit-elle pas fait, s’il eût été abandonné à toute la force de son génie ? mais il avoit des préjugés populaires à respecter, des protecteurs à ménager, des ennemis à craindre, des envieux à appaiser, des sentences de philosophie accréditées à attaquer sourdement, des fanatiques à tromper, des intolérans à surprendre ; en un mot, tous les obstacles qu’il est possible d’imaginer à surmonter. Il en vint à bout ; il renversa Aristote, en exposant toute l’impiété de sa doctrine ; il le combattit en dévoilant les conséquences dangereuses où ses principes avoient entraîné Campanella, & une infinité d’autres. Il hasarda à cette occasion quelques idées sur une meilleure maniere de philosopher ; il ressuscita peu-à-peu l’Ionisme.

Malgré toutes ses précautions, il n’échappa pas à la calomnie ; il fut accusé d’irréligion & même d’athéïsme ; mais heureusement il n’étoit plus. Nous avouerons toutefois que ses ouvrages en dialogues où il s’est personnifié sous le nom d’Aristée, demandent un lecteur instruit & circonspect.

Ionique Transmigration, la transmigration ionique étoit autrefois une époque célebre ; c’est la retraite des colonies athéniennes, qui après la mort de Codrus, s’en allerent sous la conduite de Nelée son fils, fonder les douze villes de l’Ionie en Asie. Voyez Epoque. Ces colonies s’établirent, selon Eratosthene, 50 ans après le retour des Héraclides ; &, selon le chevalier Marsham, 77 ans après la prise de Troie.

La secte ionique étoit la premiere des trois plus anciennes sectes des Philosophes ; les deux autres étoient l’Italique & l’Eleatique. Voyez Philosophie.

Le fondateur de cette secte étoit Thalès, natif de Millet en Ionie ; ce qui obligea ses disciples à en prendre le nom.

La principale doctrine de cette secte étoit que l’eau est le principe de toutes choses. Voyez Eau, Principe, &c. C’est à quoi Pindare fait allusion au commencement de la premiere ode de ses Olympiennes, lorsqu’il dit, que rien n’est si excellent que l’eau ; pensée froide & commune si on la prend à la lettre comme faisoit M. Pertault ; mais qui présente un sens noble, si remontant aux idées de la philosophie de Thalès, on imagine l’eau comme le premier principe de tous les autres êtres.

Ionique (Ordre), Architect. c’est un des cinq ordres d’Architecture : il tire son nom de l’Ionie, province soumise aux Athéniens ; & c’est pour cela qu’on l’appelle quelquefois ordre attique. Mais les Ioniens s’en attribuerent l’invention. Rivaux des Doriens, ils imaginerent avec esprit, des changemens dans la proportion & dans les ornemens des colonnes doriques, & s’étudierent à augmenter la facilité de l’exécution.

Cet ordre tient un juste milieu entre la maniere