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terre est un cylindre dont la hauteur n’est que le tiers du diametre : un atmosphere de parties froides & chaudes, forma autour de la terre une enveloppe qui la féconda. Cette enveloppe s’étant rompue, ses pieces formerent le soleil, la lune, les étoiles, & la lumiere.

Quant aux animaux, il les tire tous de l’eau, d’abord hérissés d’épines, puis sechés, puis morts : il fait naître l’homme dans le corps des poissons.

Anaximene, disciple d’Anaximandre, & son compatriote, naquit entre la 55e & la 58e olympiade : il suivit les opinions de son maître, y ajoutant & y changeant ce qu’il jugea à propos.

Celui-ci veut que l’air soit le principe & la fin de tous les êtres ; il est éternel & toûjours mû ; c’est un dieu ; il est infini. Il y a d’autres dieux subalternes, tous également enfans de l’air : une grande portion de cet élément échappe à nos yeux ; mais elle se manifeste par le froid & le chaud, l’humidité & le mouvement, elle se condense & se raréfie ; elle ne garde jamais une même forme.

L’air dissous au dernier degré, c’est du feu ; à un degré moyen, c’est l’atmosphere ; à un moindre encore, c’est l’eau ; plus condensé, c’est la terre ; plus dense, les pierres, &c.

Le froid & le chaud sont les causes opposées de la génération, les instrumens de la destruction.

La surface extérieure du ciel est terrestre.

La terre est une grande surface plane, soutenue sur l’air ; il en est ainsi de la lune, du soleil, & de tous les astres.

La terre a donné l’existence aux astres par ses vapeurs qui se sont enflammées en s’atténuant.

Les vapeurs atténuées, enflammées, & portées à des distances plus grandes, ont formé les astres.

Les astres tournent autour de la terre, mais ne s’abaissent point au-dessous : si nous cessons de voir le soleil, c’est qu’il est caché par des régions élevées, ou porté à de trop grandes distances.

C’est un air condensé qui meut les plantes, & qui les retient.

Le soleil est une plaque ardente.

Les éclipses se font dans son système, comme dans celui d’Anaximandre.

Il ne nous reste de sa morale que quelques sentences décousues, sur la vieillesse, sur la volupté, sur l’étude, sur la richesse, & sur la pauvreté, qui toutes paroissent tirées de sa propre expérience. Il se maria, il étoit pauvre ; il eut des enfans, il fut plus pauvre encore ; il devint vieux, & connut tout ce que la misere, cette maîtresse cruelle, a coutume d’apprendre aux hommes.

Anaxagoras étudia sous Anaximene ; il naquit à Clazomene, dans la 70e olympiade. Eubule son pere est connu par ses richesses & plus encore par son avarice. Son fils en fit peu de cas ; il négligea la fortune que son pere lui avoit laissée, voyagea, & regardant à son retour d’un œil assez froid le desastre que son absence avoit introduit dans ses terres, il disoit, non essem ego salvus, nisi istæ perissent. Il n’ambitionna aucune des dignités auxquelles sa naissance l’avoit destiné ; & il répondit à quelqu’un qui lui reprochoit que sa patrie ne lui étoit de rien ; ma patrie, en montrant le ciel de la main, elle m’est tout : il vint à Athènes à l’âge de vingt ans. Il n’y avoit point encore, à proprement parler, d’écoles de Philosophie. A peine eut-il connu Anaximene, qu’il s’écria dans l’enthousiasme, je sens que je suis né pour regarder la lune, le ciel, le soleil, & les astres. Ses succès ne furent point au-dessous de ses espérances ; il alla dans sa patrie interroger Hermotime ; il étoit venu la premiere fois à Athènes pour apprendre, il y reparut pour enseigner ; il eut pour

auditeurs Périclès, Euripide le Tragique, Socrate même, & Thémistocle.

Mais l’envie ne lui accorda pas long tems du repos ; il fut accusé d’impiété, pour avoir dit que le soleil n’étoit qu’une lame ardente ; mis en prison, & prêt à être condamné, l’éloquence & l’autorité de Périclès le sauverent de la fureur des prêtres. Le mot qu’il dit dans ces circonstances fâcheuses, marque la fermeté de son ame. Comme on lui annonçoit qu’il seroit condamné à mort lui & ses enfans, il répondit : il y a long-tems que la nature a prononcé cette sentence contre eux & contre moi ; je n’ignorois pas que je suis mortel, & que mes enfans sont nés de moi.

Il sortit d’Athènes après un séjour de trente ans ; il s’en alla à Lampsaque passer ce qui lui restoit de jours à vivre ; il se laissa mourir de faim.

Philosophie d’Anaxagoras. Il ne se fait rien de rien.

Dans le commencement tout étoit, mais en confusion & sans mouvement.

Il n’y a qu’un principe de tout, mais divisé en parties infinies, similaires, contiguës, opposées, se touchant, se soutenant les unes hors des autres. Voyez Homoiomerie.

Les parties similaires de la matiere étant sans mouvement & sans vie, il y a eu de toute éternité un principe infini, intelligent, incorporel, hors de la masse, mû de lui-même, & la cause du mouvement dans le reste.

Il a tout fait avec les parties similaires de la matiere, unissant les homogenes aux homogenes.

Les contrées supérieures du monde sont pleines de feu, ou d’un air très-subtil, mû d’un mouvement très-rapide, & d’une nature divine.

Il a enlevé des masses arrachées de la terre, & les a entraînées dans sa révolution rapide là où elles forment des étoiles.

C’est cet art qui entretient leurs révolutions d’un pole à l’autre ; le soleil ajoute encore à sa force par son action & sa compression.

Le soleil est une masse ardente plus grande que le Péloponnese, dont le mouvement n’a pas d’autre cause que celui des étoiles.

La lune & le soleil sont placés au-dessous des astres ; c’est la grande distance qui nous empêche de sentir la chaleur des astres.

La lune est un corps opaque que le soleil éclaire ; elle est semblable à la terre ; elle a ses montagnes, ses vallées, ses eaux, & peut-être ses habitans.

La voie lactée est un effet de la lumiere réfléchie du soleil, qui se fait appercevoir par l’absence de tout astre.

Les cometes sont des astres errans qui paroissent plusieurs ensemble, par un concours fortuit qui les a réunis ; leur lumiere est un effet commun de leur union.

Le soleil, la lune, & les autres astres, ne sont ni des intelligences divines, ni des êtres qu’il faille adorer.

La terre est plane ; la mer formée de vapeurs raréfiées par le soleil, se soutient à sa surface.

La sphere du monde a d’abord été droite ; elle s’est ensuite inclinée.

Il n’y a point de vuide.

Les animaux formés par la chaleur & l’humidité, sont sortis de la terre, mâles & femelles.

L’ame est le principe du mouvement ; elle est aérienne.

Le sommeil est une affection du corps & non de l’ame.

La mort est une dissolution égale du corps & de l’ame.

L’action du soleil raréfiant ou atténuant l’air, cause les vents.