Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/826

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce n’y sont pas moins précis, entre autres celui de Reims en 1583.

Les papes ont aussi autrefois condamné les intérêts : Urbain III. déclara que tout intérêt était défendu de droit divin : Alexandre III. décida même que les papes ne peuvent permettre l’usure, même sous prétexte d’œuvres pies, et pour la rédemption des captifs : Clement V. dit qu’on devait tenir pour hérétiques ceux qui soutenaient qu’on pouvait exiger des intérêts ; cependant Innocent III. qui était grand canoniste, décida que quand le mari n’était pas solvable, on pouvait mettre la dot de sa femme entre les mains d’un marchand, ut de parte honesti lucri dictus vir onera possit matrimonii sustentare. C’est de-là que tous les Théologiens et Canonistes ont adopté que l’on peut exiger des intérêts lorsqu’il y a lucrum cessans, ou damnum emergens.

En France on distingue l’usure de l’intérêt légitime ; l’usure prise pour intérêt excessif, ou même pour un intérêt ordinaire dans les cas où il n’est pas permis d’en exiger, a toujours été défendue : l’intérêt légitime est permis en certain cas.

La stipulation d’intérêt qui était permise chez les Romains dans le prêt, est reprouvée parmi nous, si ce n’est entre marchands fréquentant les foires de Lyon, lesquels sont autorisés par les ordonnances, à stipuler des intérêts de l’argent prêté : il y a aussi quelques provinces où il est permis de stipuler l’intérêt des obligations, même entre toutes sortes de personnes ; comme en Bresse, ces obligations y tiennent lieu des contrats de constitution que l’on n’y connaît point.

Suivant le droit commun, pour faire produire des intérêts à des deniers prêtés, il faut que trois choses concourent ; 1°. que le débiteur soit en demeure de payer, et que le terme du payement soit échu ; 2°. que le créancier ait fait une demande judiciaire des intérêts ; 3°. qu’il y ait un jugement qui les adjuge.

Dans quelques pays un simple commandement suffit pour faire courir les intérêts, comme au parlement de Bordeaux.

Les intérêts qui ont été payés volontairement sans être dûs, sont imputés sur le sort principal ; on ne peut même pas les compenser avec les fruits de la terre acquise des deniers prêtés.

On autorisait autrefois les prêteurs à prêter à intérêt les deniers de leurs pupilles par simple obligation, et cela est encore permis en Bretagne ; mais le parlement de Paris a depuis quelque temps condamné cet usage.

Hors le cas du prêt, qui de sa nature doit être gratuit, et où les intérêts ne peuvent être exigés que sous les conditions qui ont été expliquées, on peut stipuler des intérêts à défaut de payement ; il y a même des cas où ils sont dûs de plein droit par la nature de la chose sans stipulation & sans demande, à moins qu’il n’y ait convention au contraire.

Par exemple, l’intérêt du prix d’un immeuble vendu est dû de plein droit, & court du jour que l’acquéreur est entré en possession. Les intérêts de la dot sont dûs au mari du jour de la bénédiction nuptiale ; l’intérêt de la portion héréditaire ou de la légitime, et d’une soulte de partage, court du jour que le principal est dû.

Il y a des cas où l’intérêt n’est pas dû de plein droit, mais où il peut être stipulé, pourvu qu’il ne s’agisse pas de prêt ; par exemple, pour intérêts civils, pour vente de droits incorporels, ou de choses mobilières en gros.

On ne peut pas exiger les intérêts des intérêts, ni des arrérages d’une rente constituée, ni former avec les intérêts un capital, pour lui faire produire d’autres intérêts ou arrérages ; ce serait un anatocisme qui est défendu par toutes les lois.

Il est néanmoins permis d’exiger les intérêts du prix des moissons et autres fruits, des fermages et loyers de maisons, des arrérages de douaire, pensions, et autres choses semblables.

Les tuteurs doivent à leurs pupilles les intérêts des intérêts.

Quand la caution est contrainte de payer pour le principal obligé, les intérêts du capital, et même des intérêts, lui sont dûs de plein droit du jour du paiement, parce que ces intérêts lui tiennent lieu de capital.

Il en est de même d’un acquéreur chargé de payer à des créanciers délégués des capitaux avec des arrérages ou intérêts ; il doit les intérêts du total, parce que c’est un capital à son égard.

Le taux des intérêts était fixé anciennement au denier douze jusqu’en 1602, puis au denier seize jusqu’en 1634 ; ensuite au denier dix-huit jusqu’en 1665, que l’on a établi le denier vingt.

L’édit du mois de Mars 1730 avait fixé les rentes au denier cinquante ; mais il ne fut registré qu’au Châtelet : l’édit du mois de Juin 1724, fixa le taux des rentes au denier trente ; enfin, l’édit du mois de Juin 1725, a fixé les rentes & intérêts au denier vingt.

On peut stipuler des intérêts moindres que le taux de l’ordonnance ; mais il n’est pas permis d’en stipuler qui excèdent.

Le taux des intérêts n’est pas le même dans toutes les provinces du royaume ; cela dépend des différents édits et du temps qu’ils y ont été enregistrés. On peut voir à ce sujet le mémoire qui est inséré dans les œuvres posthumes d’Henrys, quest. 4.

Suivant le droit romain, les intérêts ne pouvaient excéder le principal ; ce qui s’observe encore dans la plupart des parlements de droit écrit ; mais au parlement de Paris, les intérêts peuvent excéder le principal.

L’imputation des paiements se fait d’abord in usuras, suivant le droit ; ce qui s’observe aussi dans les parlements de droit écrit : au lieu qu’au parlement de Paris on distingue si les intérêts sont dûs ex natura rei, ou officio judicis. Au premier cas, les paiements s’imputent d’abord sur les intérêts ; au second cas, c’est sur le principal.

L’hypothèque des intérêts est du jour du contrat ; il y a néanmoins quelques pays qui ont à cet égard des usages singuliers. Voyez le recueil de questions de Bretonnier, au mot intérêt.

Pour faire cesser les intérêts, il faut un paiement effectif, ou une compensation, ou des offres réelles suivies de consignation.

Voyez les différents titres de usuris, au code et au digeste dans les novelles ; Salmazius, de usuris ; Dumolin, en son traité des contrats usuraires ; Mornac, sur la loi 60, ff. pro socio ; Dolive, liv. IV. ch. xxj. la Peyrere, au mot intérêts ; Henrys, tome I. liv. IV. ch. vj. quest. 110 ; le dictionnaire des cas de conscience ; la dissertation de M. Hevin, tome I. (A)

Intérêts civils, (Jurisprud.) sont une somme d’argent que l’on adjuge en matière criminelle à la partie civile contre l’accusé, par forme de dédommagement du préjudice que la partie civile a pu souffrir par le fait de l’accusé. On appelle cette indemnité intérêts civils, pour la distinguer de la peine corporelle qui fait l’objet de la vindicte publique et des dommages & intérêts que l’on a accordés à l’accusé contre l’accusateur, lorsqu’il y a lieu.

L’intérêt civil dû pour raison d’un crime, se prescrit par vingt ans comme le crime même.

Quand le roi remet à un condamné les peines