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les pacages opulens & les fertiles campagnes de la premiere. Que seroit-ce que ces pays d’états, si les domaines du roi y étoient affermés & mis en valeur par les états mêmes ? C’étoit le projet du feu duc de Bourgogne ; & à ce projet il en ajoutoit un plus grand, celui de mettre tout le royaume en provinces d’état.

Si le royaume a des besoins imprévus, subits, & auxquels il faille un prompt remede, c’est des pays d’état que le prince doit l’attendre. La Bretagne, malgré ses landes & son peu d’étendue, donna dans la derniere guerre un tiers de subsides de plus que la vaste & riche Normandie. La Provence, pays stérile, donna le double du Dauphiné, pays abondant en toutes sortes de genre de production.

La Provence, dévastée par les armées ennemies, surchargée du fardeau de la guerre, propose de lever & d’entretenir une armée de trente mille hommes à ses dépens. Le Languedoc envoye deux mille mulets au prince de Conti pour le mettre en état de profiter de ses victoires & du passage des Alpes.

Ce que je dis est connu de tout le monde, & chez l’étranger nos provinces d’état ont la réputation d’opulence ; elles ont plus de crédit que le gouvernement ; elles en ont plus que le roi lui-même.

Souvenons-nous que Gènes, dans la derniere guerre, ne voulut prêter au roi que sous le cautionnement du Languedoc.

Il y a des intendans dans ces provinces, il est à desirer qu’ils n’y soient jamais que des hommes qui y veillent pour le prince ; il est à desirer qu’ils ne n’y étendent jamais leur autorité, & qu’on la modere beaucoup dans les pays d’élection.

Intendans du Commerce ; ce sont des magistrats établis en titre d’office pour s’appliquer aux affaires de commerce, & qui ont entrée & séance au conseil royal du Commerce, où ils font le rapport des mémoires, demandes, propositions & affaires qui leur sont renvoyées chacun dans leur département, & pour rendre compte des délibérations qui y ont été prises au contrôleur général des finances, ou au secrétaire d’état ayant le département de la marine, suivant la nature des affaires, lorsque leurs emplois ne leur ont pas permis d’y assister.

Toutes les nations policées ont reconnu la nécessité d’établir des officiers qui eussent une inspection sur le commerce, tant pour en perfectionner les différentes parties & le rendre plus florissant, que pour prévenir les inconvéniens qui peuvent se présenter, réprimer les abus & y faire régner la bonne foi, qui en doit être l’ame. On ne voit pas néanmoins qu’il y eût anciennement des officiers établis particulierement pour avoir inspection sur tout le commerce intérieur & extérieur d’une nation ; cette inspection générale étoit réservée uniquement à ceux qui avoient part au gouvernement général de l’état ; il y avoit seulement dans chaque ville quelques personnes chargées de la police, & en même-tems de veiller sur le commerce, comme étant un des principaux objets de la police.

Chez les Hébreux, dans chaque quartier de Jérusalem, il y avoit deux préfets ou intendans qui, sous l’autorité des premiers magistrats, tenoient la main à l’exécution des lois, au bon ordre & à la discipline publique. Ils avoient l’inspection sur les vivres & sur toutes les autres provisions dont le peuple avoit besoin, tant pour sa subsistance que pour son commerce. « Les Hébreux, dit Arianus lib. I. ont des préfets ou intendans des quartiers de leurs villes, qui ont inspection sur tout ce qui s’y passe ; la police du pain, celle des autres vivres & du commerce est aussi de leurs soins ; ils reglent eux-mêmes les petits différends qui s’y présentent, & des autres ils en réferent au magistrat ».

La ville d’Athènes avoit aussi des officiers appellés Ἀγορανόμοι, c’est-à-dire, conservateurs des vivres, des marchés & du commerce. Leur emploi étoit de procurer l’abondance de toutes les choses nécessaires à la vie, d’entretenir la perfection des arts & la bonne foi dans le commerce, tant de la part des vendeurs, que de celle des acheteurs, auxquels la fraude & le mensonge étoient entr’autres défendus sous de très-grosses peines. Ils tenoient aussi la main à l’exécution des lois dans les tems de stérilité ; faisoient ouvrir en ces occasions les magasins, & ne permettoient à chaque citoyen de garder en sa maison une plus grande quantité de vivres qu’il n’étoit nécessaire pour l’entretien de sa famille pendant un an. Platon & Théophraste, en leurs traités de leg. Aristote, Denis d’Halicarnasse, Démosthènes, Hypérides, Plaute, Ulpien, Postel, Polibe & Harpocrate font mention de ces officiers en divers endroits de leurs ouvrages.

Chez les Romains les prêteurs avoient d’abord seuls toute inspection sur le commerce. On institua dans la suite deux prêteurs particuliers pour la police des vivres. Jules César établit aussi deux édiles, qui furent surnommés ceréales, parce que sous l’autorité du prêteur ils veilloient à la police des vivres, dont le pain est le plus nécessaire. Ils prenoient soin de l’achat des blés que l’on faisoit venir d’Afrique pour distribuer au peuple, de la voiture de ces blés, de leur dépôt dans les greniers, & de la distribution qui s’en faisoit au peuple. Auguste, après avoir réformé le nombre excessif des prêteurs & des édiles, établit au-dessus des prêteurs un magistrat, qui fut appellé præfectus urbis, le préfet de la ville. Il étoit seul chargé de toute la police & du soin de tout ce qui concernoit le bien public & l’utilité commune des citoyens. Il mettoit le prix à la viande, faisoit les réglemens des marches & de la vente des bestiaux ; il prenoit aussi le soin que la ville fût suffisamment pourvûe de blé & de toutes les autres provisions nécessaires à la subsistance des citoyens. Il avoit l’inspection sur tout le commerce, pour le faciliter, le permettre ou l’interdire ; le droit d’établir des marchés ou de les supprimer pour un tems ou pour toujours, ainsi qu’il jugeoit à-propos pour le bien public. Il faisoit les réglemens pour les poids & les mesures, & punir ceux qui étoient convaincus d’y avoir commis quelque fraude. Les arts libéraux, & en général tous les corps de métier étoient soumis à sa jurisdiction pour tout ce qui concernoit leurs professions.

Quelque tems après, Auguste voulant soulager le préfet de la ville, qui étoit surchargé de différentes affaires, établit sous lui un préfet particulier, appellé præfectus annonæ, c’est-à-dire, préfet des vivres. Celui-ci fut choisi dans l’ordre des chevaliers ; il fut chargé du soin de faire venir du blé & de l’huile d’Afrique, & de tirer de ces provinces éloignées ou d’ailleurs toutes les autres provisions nécessaires à la subsistance des citoyens, dans les tems & les saisons convenables. Il donnoit ses ordres pour faire décharger les grains & les autres vivres sur les ports, pour les faire voiturer à Rome, & serrer les blés dans les greniers publics. C’étoit lui qui faisoit distribuer ces grains aux uns à juste prix, aux autres gratuitement, selon les tems & les ordres qui lui étoient donnés par le premier magistrat de police. Il eut aussi l’inspection de la vente du pain, du vin, de la viande, du poisson & des autres vivres ; il fut même dans la suite mis au nombre des magistrats : sa jurisdiction s’étendoit sur tous ceux qui se mêloient du commerce des vivres.

En France, pendant très-long-tems les seules personnes qui eussent inspection sur le commerce, étoient les ministres du roi, les commissaires du