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. Quelques précautions que l’on prenne pour conserver les substances naturelles dans leur intégrité, on y réussit difficilement ; & un cabinet d’histoire naturelle seroit moins durable, & ne l’emporteroit guere en utilité sur un recueil de desseins peints par d’habiles maîtres. La matiere & la forme sont requises à l’intégrité du sacrement. Que sert à une vierge d’avoir conservé l’intégrité de son corps, si elle a négligé l’intégrité de son ame ? Ces exemples suffisent pour fixer l’acception des mots integre & intégrité.

* INTELLECT, s. m. (Gramm. & Philosoph.) c’est l’ame en tant qu’elle conçoit ; de même que la volonté est l’ame, en tant qu’elle a le desir ou l’aversion. Si une substance est capable de sensation, elle entendra, elle aura des idées. L’expérience lui apprendra ensuite à lier ces idées, à raisonner, à aimer, à haïr, à vouloir. L’intellect est commun à l’homme & à la bête ; la volonté aussi. L’intellect de la bête est borné, celui de l’homme ne l’est pas. La bête ne veut pas librement ; l’homme veut librement. L’homme est plus raisonnable ; l’animal est plus sensible. Lorsque l’homme ne sent pas, il peut refléchir ; lorsque la bête ne sent pas, elle ne peut refléchir, elle dort.

* INTELLECTUEL, adj. (Gramm.) qui appartient à l’intellect, à l’entendement. Les objets sont intellectuels ou sensibles. On comprend sous la classe d’intellectuels tout ce qui se passe au dedans de nous ; & sous la classe de sensibles, tout ce qui se passe au dehors. Il y a entre les objets sensibles & les objets intellectuels, la différence de la cause & de l’effet.

On dit cependant intellectuel dans un sens opposé à matériel. Ainsi les anges sont des substances intellectuelles ; l’ame est un être intellectuel. Dans le sommeil, dans l’extase, dans le transport des passions, les puissances intellectuelles sont suspendues ; elles sont exaltées dans l’enthousiasme. Dans la contemplation des vérités purement abstraites, les puissances intellectuelles sont seules en action ; elles agissent en concurrence avec les puissances sensibles, dans la contemplation des choses morales. On conçoit dans le premier cas ; on aime ou l’on hait, en même tems que l’on conçoit, dans le second. C’est la raison pour laquelle il est plus doux de s’occuper de certains objets ; & lorsqu’on dit que certaines vérités sont plus intéressantes, soit à rechercher, soit à méditer que d’autres ; c’est que le cœur ou les organes intérieurs du desir & de l’aversion sont agités, dans le même tems que l’esprit s’en occupe. On refléchit, & l’on jouit. La situation la plus douce est celle qui résulte de l’action combinée de l’entendement, du cœur, & des organes destinés à la satisfaction des desirs ; & il n’y a guere que l’amour capable de nous procurer cet enchantement où tant de causes agissent d’intelligence.

* INTELLIGENCE, s. f. (Gramm.) ce mot a un grand nombre d’acceptions différentes, que nous allons déterminer par autant d’exemples.

On dit cet homme est doué d’une intelligence peu commune, lorsqu’il saisit avec facilité les choses les plus difficiles.

Les rapports infinis qu’on observe dans l’harmonie générale des choses, annoncent une intelligence infinie.

Milton nous peint l’Eternel descendant dans la nuit, accompagné d’une foule d’intelligences célestes.

Un mauvais commentateur obscurcit quelquefois un passage, au lieu d’en donner l’intelligence.

Un pere de famille s’occupera particulierement à entretenir la bonne intelligence entre ses enfans.

Un grand politique se ménage dans toutes les cours des intelligences. Il en avoit dans cette place, lorsqu’il forma le dessein de l’attaquer.

Comment ne pas succomber, lorsque le cœur & l’esprit sont d’intelligence ?

Sans intelligence, comment saisir les principes ?

D’intelligence, on a fait intelligent, intelligible ; & l’on a distingué deux mondes, le monde réel & le monde intelligible, ou l’idée du monde réel.

INTEMPÉRANCE, s. f. (Morale.) terme générique qui se prend pour tout excès opposé à la modération dans les appétits sensuels, & spécialement pour le vice contraire à la sobriété. Voyez Sobriété.

C’est assez de dire ici que l’intempérance prise en ce sens, change en poison les alimens destinés à conserver nos jours. Une vie sobre, réglée, simple & laborieuse, retient seule dans les membres de l’homme la force de la jeunesse qui, sans cette conduite, est toujours prête à s’envoler sur les aîles du tems. L’art de faire subsister ensemble l’intempérance & la santé, est un art aussi chimérique que la pierre philosophale, l’Astrologie judiciaire & tant d’autres. Enfin les remedes de la Medecine pour la guérison des maladies qui naissent de l’intempérance, ne sont eux mêmes que de nouveaux maux, qui affoiblissent la nature, comme plusieurs batailles gagnées ruinent une puissance belligérante.

L’appétit desordonné des plaisirs de l’amour, autre source de langueur & de dépopulation dans les états, s’appelle impudicité, incontinence. Voyez Incontinence. (D. J.)

Intempérance, (Medecine.) ce mot est employé quelquefois par les Medecins comme par les Moralistes, pour exprimer l’habitude d’user avec excès d’une ou de plusieurs des choses non naturelles. Voyez Non naturelles (Choses) Mais il est pris beaucoup plus communément par les uns comme par les autres dans un sens moins général : il signifie selon son acception la plus ordinaire, un excès habituel dans l’usage du boire & du manger.

Cette erreur de régime est directement opposée à la tempérance ou à la sobriété. Voyez Tempérance, Sobriété.

L’intempérance est regardée avec raison par les Medecins comme la source la plus féconde des maladies de toute espece ; cependant Hippocrate & Sanctorius, qui sont parmi les medecins anciens & modernes, ceux qui nous ont donné les observations & les loix diététiques les plus exactes, ne desapprouvent point, prescrivent même que les personnes qui jouissent d’une bonne santé se livrent de tems-en-tems à quelque excès de débauche ; ils prétendent qu’on détermine utilement par ce secours des évacuations qui ramenent le corps à un état d’équilibre, de légéreté, de liberté qu’il perd peu-à-peu, lorsqu’on mene une vie trop uniforme ; mais outre que cette loi ne paroît pas fondée sur des observations suffisantes ; des excès rares ne constituent pas l’intempérance. Voyez Régime. (b)

* INTEMPÉRIE, s. f. (Gram.) il ne se dit que de la mer, de l’air, du climat, des saisons, & des humeurs.

Il y a intempérie dans l’air, lorsqu’il est trop froid ou trop chaud, relativement à la saison. Voyez Air, Atmosphere.

Dans la mer, lorsque son agitation en rend la navigation périlleuse. Voyez Mer.

Dans un climat, lorsque les habitans en sont fatigués. Voyez Élément.

Dans les humeurs, lorsqu’il s’y excite un mouvement contraire à l’état de santé.

Dans les saisons, lorsqu’elles sont plus chaudes ou plus froides qu’on n’a coutume de les éprouver sous le climat.

A proprement parler, il n’y a point d’intempérie dans la nature ; mais l’homme a imaginé ce terme.