Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/797

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ferme, comme les bestiaux, les harnois, les valets, &c. mais le mot instaurum n’est que du moyen âge ; instauratio est d’une bien plus grande antiquité, & quelques uns le dérivent de instar, semblable, comme s’il signifioit qu’une chose a repris sa premiere apparence. Voyez Restauration.

INSTERBOURG, (Géog.) ville, district & bailliage de Lithuanie, dépendant de la Prusse brandebourgeoise, arrosé par la riviere d’Inster. On y fait une biere aussi forte que de l’eau-de-vie.

INSTIGATEUR, s. m. (Jurisprud.) signifie celui qui excite un autre à faire quelque chose. L’instigateur d’un crime est complice de celui qui l’a commis, & mérite aussi punition.

Instigateur signifie quelquefois un dénonciateur. Voyez Dénonciateur. (A)

INSTIGATION, s. f. (Jurisprud.) est lorsqu’on excite quelqu’un à faire quelque chose, comme à maltraiter quelqu’un, ou à commettre quelqu’autre délit, à intenter un procès, ou lorsqu’on excite le ministere public à poursuivre quelqu’un. Voyez Dénonciateur. (A)

INSTILLATION, s. f. (Medecine.) terme de Pharmacie, signifie l’action d’appliquer quelque remede liquide sur une partie fort sensible par gouttes ; cela se dit sur-tout des remedes que l’on applique sur les yeux ; tels sont les eaux ophthalmiques, les différentes especes de collyre. Voyez Collyre.

INSTINCT, s. m. (Métaph. & Hist. nat.) c’est un mot par lequel on veut exprimer le principe qui dirige les bêtes dans leurs actions ; mais de quelle nature est ce principe ? Quelle est l’étendue de l’instinct ? Aristote & les Péripatéticiens donnoient aux bêtes une ame sensitive, mais bornée à la sensation & à la mémoire, sans aucun pouvoir de réfléchir sur ses actes, de les comparer, &c. D’autres ont été beaucoup plus loin. Lactance dit qu’excepté la religion, il n’est rien en quoi les bêtes ne participent aux avantages de l’espece humaine.

D’un autre côté tout le monde connoît la fameuse hypothese de M. Descartes, que ni sa grande réputation, ni celle de quelques-uns de ses sectateurs n’ont pû soutenir. Les bêtes de la même espece ont dans leurs opérations une uniformité qui en a imposé à ces philosophes, & leur a fait naître l’idée d’automatisme ; mais cette uniformité n’est qu’apparente, & l’habitude de voir la fait disparoître aux yeux exercés. Pour un chasseur attentif il n’est point deux renards dont l’industrie se ressemble entierement, ni deux loups dont la gloutonnerie soit la même.

Depuis M. Descartes, plusieurs Théologiens ont cru la religion intéressée au maintien de cette opinion du méchanisme des bêtes. Ils n’ont point senti que la bête, quoique pourvûe de facultés qui lui sont communes avec l’homme, pouvoit en être encore à une distance infinie. Aussi l’homme lui-même est-il très-distant de l’ange, quoiqu’il partage avec lui une liberté & une immortalité qui l’approchent du trone de Dieu.

L’anatomie comparée nous montre dans les bêtes des organes semblables aux nôtres, & disposés pour les mêmes fonctions relatives à l’œconomie animale. Le détail de leurs actions nous fait clairement appercevoir qu’elles sont douées de la faculté de sentir, c’est-à dire, qu’elles éprouvent ce que nous éprouvons lorsque nos organes sont réunis par l’action des objets extérieurs. Douter si les bêtes ont cette faculté, c’est mettre en doute si nos semblables en sont pourvûs, puisque nous n’en sommes assurés que par les mêmes signes. Celui qui voudra méconnoître la douleur à des cris, qui se refusera aux marques sensibles de la joie, de l’impatience, du desir, ne mérite pas qu’on lui réponde. Non-seulement il est certain que les bêtes sentent ; il l’est

encore qu’elles se ressouviennent. Sans la mémoire les coups de fouet ne rendroient point nos chiens sages, & toute éducation des animaux seroit impossible. L’exercice de la mémoire les met dans le cas de comparer une sensation passée avec une sensation présente. Toute comparaison entre deux objets produit nécessairement un jugement ; les bêtes jugent donc. La douleur des coups de fouet retracée par la mémoire, balance dans un chien couchant le plaisir de courre un lievre qui part. De la comparaison qu’il fait entre ces deux sensations naît le jugement qui détermine son action. Souvent il est entraîné par le sentiment vif du plaisir ; mais l’action répétée des coups rendant plus profond le souvenir de la douleur, le plaisir perd à la comparaison ; alors il réfléchit sur ce qui s’est passé, & la réflexion grave dans sa mémoire une idée de relation entre un lievre & des coups de fouet. Cette idée devient si dominante qu’enfin la vûe d’un lievre lui fait serrer la queue, & regagner proprement son maître. L’habitude de porter les mêmes jugemens les rend si prompts, & leur donne l’air si naturel, qu’elle fait méconnoître la réflexion qui les a réduits en principes : c’est l’expérience aidée de la réflexion, qui fait qu’une belette juge sûrement de la proportion entre la grosseur de son corps, & l’ouverture par laquelle elle veut passer. Cette idée une fois établie devient habituelle par la répétition des actes qu’elle produit, & elle épargne à l’animal toutes les tentatives inutiles ; mais les bêtes ne doivent pas seulement à la réflexion de simples idées de relation ; elles tiennent encore d’elle des idées indicatives plus compliquées, sans lesquelles elles tomberoient dans mille erreurs funestes pour elles. Un vieux loup est attiré par l’odeur d’un appât ; mais lorsqu’il veut en approcher, son nez lui apprend qu’un homme a marché dans les environs. L’idée non de la présence, mais du passage d’un homme, lui indique un péril & des embuches. Il hésite donc, il tourne pendant plusieurs nuits, l’appétit le ramene aux environs de cet appât dont l’éloigne la crainte du péril indiqué. Si le chasseur n’a pas pris toutes les précautions usitées pour dérober à ce loup le sentiment du piége, si la moindre odeur de fer vient frapper son nez, rien ne rassurera jamais cet animal devenu inquiet par l’expérience.

Ces idées acquises successivement par la sensation & la réflexion, & représentées dans leur ordre par l’imagination & par la mémoire. forment le système des connoissances de l’animal, & la chaîne de ses habitudes ; mais c’est l’attention qui grave dans sa mémoire tous les faits qui concourent à l’instruire ; & l’attention est le produit de la vivacité des besoins. Il doit s’ensuivre que parmi les animaux ceux qui ont des besoins plus vifs ont plus de connoissances acquises que les autres. En effet on apperçoit au premier coup d’œil que la vivacité des besoins est la mesure de l’intelligence dont chaque espece est douée, & que les circonstances qui peuvent rendre pour chaque individu les besoins plus ou moins pressans, étendent plus ou moins le systême de ses connoissances.

La nature fournit aux frugivores une nourriture qu’ils se procurent facilement, sans industrie & sans réflexion : ils sçavent où est l’herbe qu’ils ont à brouter, & sous quel chêne ils trouveront du gland. Leur connoissance se borne à cet égard à la mémoire d’un seul fait : aussi leur conduite, quant à cet objet, paroît-elle stupide & voisine de l’automatisme ; mais il n’en est pas ainsi des carnassiers : forcés de chercher une proie qui se dérobe à eux, leurs facultés éveillées par le besoin sont dans un exercice continuel ; tous les moyens par lesquels leur proie leur est souvent échappée, se représentent fréquem-