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ans on en donnoit de nouvelles. Enfin, on entreprit de faire par médailles une histoire suivie des principaux évenemens du regne du roi ; & cet ouvrage n’eût pas tant tardé à paroître si M. Colbert n’eût pas interrompu si souvent le travail de la compagnie, en la chargeant continuellement d’inventer ou d’examiner les différens desseins de Peinture & de Sculpture dont on vouloit embellir Versailles ; de faire graver le plan & les principales vûes des maisons royales, & d’y joindre des inscriptions. M. Quinault occupa aussi une partie du tems de l’Académie, quand il eut été chargé par le roi de travailler aux tragédies en musique, de même que M. Felibien le pere, quand il eut fait son dictionnaire des arts & ses entretiens sur la Peinture ; car la compagnie fut rendue juge de ces différens ouvrages & de plusieurs autres, & aucun ne parut qu’après avoir subi son examen & reçu son approbation. Les premiers académiciens n’étoient qu’au nombre de quatre, tous de l’academie Françoise ; savoir, Mrs Chapelain, de Bourzéïs, Charpentier & Cassagnes. M. Perrault, contrôleur des bâtimens, fut admis dans les assemblées sans être d’abord du corps, mais dans la suite il prit la place de M. l’abbé Cassagnes ; & Mrs de Bourzéïs & Chapelain étant morts, le premier en 1672, & le second en 1674, ils furent remplacés par l’abbé Tallemant le jeune, & M. Quinault, tous deux de l’académie Françoise. Au commencement de 1682 M. Perrault ayant quitté la commission des bâtimens, & se voyant moins écouté de M. Colbert, quittant les assemblées où il avoit tenu la plume depuis qu’il y avoit été introduit, il fut remplacé par l’abbé Gallois. On sentit que son absence étoit une perte pour la compagnie, qui languit dès-lors pendant dix-huit mois, & jusqu’à la mort de M. Colbert. M. de Louvois, qui succéda à ce ministre dans la charge de surintendant des bâtimens, ne donna pas de moindres marques de son affection pour l’académie ; & après en avoir assemblé plusieurs fois les membres chez lui à Paris & à Meudon, il fixa enfin leurs assemblées au louvre, dans le lieu où se tiennent celles de l’académie Françoise, & voulut qu’elles se tînssent le lundi & le samedi depuis cinq heures du soir jusqu’à sept. M. de la Chapelle, devenu contrôleur des bâtimens, eut ordre de s’y trouver pour écrire les délibérations, & devint ainsi le cinquieme académicien, & peu après on ajouta Mrs Racine & Despréaux pour sixieme & septieme, enfin pour huitieme, M. Rainssant, directeur du cabinet des antiques de sa majesté.

Sous ce nouveau ministere l’académie reprit son histoire du roi par les médailles, & commença à faire des devises pour les jettons de l’extraordinaire des guerres ; & ayant perdu M. Quinault au mois d’Octobre 1688, & M. Rainssant au mois de Juin 1689, ces deux places demeurerent vacantes jusqu’en 1691, qu’on nomma pour les remplir Mrs de Toureil & Renaudot. M. Felibien le pere occupoit depuis quelque tems celle de M. l’abbé Gallois, qui s’en vit exclus par l’inadvertance de Mrs Charpentier & Quinault, qui, interrogés par M. de Louvois sur les noms de leurs confreres, lui nommerent pour quatrieme M. Felibien, qui étoit présent, plûtôt que M. Gallois, dont ils ne se souvinrent point. M. de Villacerf ayant été fait surintendant des bâtimens après M. le marquis de Louvois, n’eut pas le soin des académies, & sa majesté en chargea M. de Ponchartrain, alors contrôleur général & secrétaire d’état, & depuis chancelier de France. Ce fut sous lui que l’académie, que l’on n’avoit presque connue jusques-là que sous le titre de petite académie, le devint davantage sous celui d’académie royale des Inscriptions & médailles ; & afin que M. le comte de Ponchartrain son fils pût se trouver souvent à ces assem-

blées, il les fixa au mardi & au samedi. L’inspection

de cette compagnie fut donnée à M. l’abbé Bignon son neveu, dont le génie & les talens étoient déja universellement reconnus. On revit avec soin toutes les médailles dont on avoit arrêté les desseins du tems de M. de Louvois. On en réforma plusieurs ; on en ajouta un grand nombre ; on les réduisit toutes à une même grandeur. M. Coypel, depuis premier peintre du roi, fut chargé d’exécuter les différens desseins de médailles que l’académie avoit imaginés ; & l’histoire du roi par les médailles commença enfin à être présentée à sa majesté quelque tems après que M. de Ponchartrain eut été élevé à la dignité de chancelier, dont il fut revêtu au mois de Septembre 1699. M. l’abbé Bignon, craignant que cet ouvrage étant fini, l’académie, dont la situation n’étoit point encore fixe, ne se relâchât, ou ne vînt même à se dissiper, pensa à en assurer l’état, le fit proposer à sa majesté ; & le roi ayant goûté cette proposition, il fut fait, par ordre du roi, un réglement, qui fut envoyé peu après à la compagnie. Ce réglement porte entr’autres, « que l’Académie sera sous la protection du roi, comme celle des Sciences ; qu’elle sera composée de quarante académiciens, dix honoraires, dont l’un sera président, & deux pourront être étrangers, & dix éleves ; que l’un des pensionnaires sera secrétaire, & un trésorier ; que les assemblées se tiendront au louvre les mardis & vendredis de chaque semaine, depuis trois heures après-midi jusqu’à cinq, &c. » Ce réglement, que l’on peut lire en entier dans le premier volume des mémoires de l’académie des Belles-Lettres, fut fait à Versailles le 16 Juillet 1701, changea la face de l’académie, & ajouta aux occupations de ses membres l’étude de tout ce qui concernoit la littérature ancienne & moderne.

Le réglement commença à être exécuté le 19 du même mois, que l’académie tint sa premiere assemblée particuliere dans la forme prescrite. Cet établissement fut confirmé en 1713 par des lettres patentes données à Marly au mois de Février, & qui furent enregistrées au parlement & à la chambre des comptes. L’académie prit pour sceau les armes de France avec une médaille d’or au milieu, ou est gravée la tête de sa majesté. Le jetton de la même compagnie représente une muse, tenant à la main une couronne de laurier, & ayant derriere elle des cippes & des obélisques, & pour ame, ce mot d’Horace : Vetat mori. En 1716 feu M. le duc d’Orléans, alors régent du royaume, que l’on sait avoir toujours eu du goût & des talens pour les arts & pour les sciences, fit observer que le titre d’académie des Inscriptions & medailles n’exprimoit qu’une partie de l’objet de cette compagnie, & il fut rendu un arrêt du conseil d’état du roi le 4 Janvier 1716, par lequel ce titre fut changé en celui d’académie royale des Inscriptions & Belles-Lettres ; & par usage on nomme plus communément cette compagnie, académie des Belles-Lettres, titre plus simple, & qui exprime tout ce que le premier renferme. Par le même arrêt le roi supprima la classe des éleves, dont le nom seul rebutoit les personnes d’un certain mérite, & sa majesté ordonna que la classe des associés seroient augmentée de dix sujets, qui lui seroient présentés par l’Académie dans la forme ordinaire. Enfin le 23 Mars suivant il y eut un autre arrêt rendu au conseil d’état, qui ordonna que le titre de vetéran ne pourroit être desormais accordé qu’à ceux des académiciens actuellement en place, qui, après avoir travaillé utilement dans l’Académie pendant dix années au moins, se trouveroient hors d’état & dans une espece d’impossibilité d’y continuer leurs travaux. On a déja vingt-sept gros volumes in-4°. de l’histoire & des mémoires de cette