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de injuriis, & au code celui de famosis libellis. (A)

Injure, Tort, synon. le tort trouble dans la possession des biens ou de la réputation ; il attaque la propriété. L’injure impute des défauts, des crimes, des vices, des fautes ; elle nie les bonnes qualités ; elle attaque la personne. L’homme juste ne fait pas de tort ; l’ame élevée ne se permet pas l’injure ; la grande ame pardonne le tort, & oppose à l’injure la suite de sa vie.

INJUSTE (l’,) Droit naturel. action contraire à la volonté du Créateur, & que la raison desapprouve. Voyez Juste (le,) Droit naturel. (D. J.)

INJUSTICE, s. f. (Droit naturel.) violation des droits d’autrui ; il n’importe qu’on les viole par avarice, par sensualité, par un mouvement de colere, ou par ambition, qui sont autant de sources intarissables des plus grandes injustices ; c’est le propre au contraire de la justice, de résister à toutes les tentations par le seul motif de ne faire aucune breche aux lois de la société humaine. Voyez Justice.

On conçoit néanmoins qu’il y a plusieurs degrés d’injustice, & l’on peut les évaluer par le plus ou le moins de dédommagement qu’on cause à autrui : ainsi les actions où il entre le plus d’injustice, sont celles qui troublant l’ordre public, nuisent à un plus grand nombre de gens.

Hobbes prétend que toute injustice envers les hommes suppose des lois humaines, & ce principe est très-faux ; car, quoique les maximes de la droite raison, ou les lois naturelles, soient des lois de Dieu seul, elles sont plus que suffisantes pour donner à l’homme un vrai droit de faire ce que la raison lui dicte, comme permis de Dieu. Une personne innocente, par exemple, a droit à la conservation de sa vie, à l’intégrité de ses membres, aux alimens nécessaires ; & sans toutes ces choses, elle ne pourroit pas contribuer à l’avancement du bien commun : ainsi on lui feroit certainement une criante injustice de lui ôter la vie, de lui retrancher quelque membre, parce que toute atteinte donnée aux droits d’autrui, est une injustice, quelle que soit la loi humaine, en vertu de laquelle on a acquis ces droits. (D. J.)

INN (l’,) Géog. les anciens l’ont nommé Ænus, ou Œnus, riviere d’Allemagne, qui prend sa source au pays des Grisons, arrose dans son cours la ville d’Inspruck, & lui donne son nom, coule entre la Baviere & le Tirol, se joint ensuite à la riviere de Saltz, serpente enfin vers le Nord, jusqu’à ce que rencontrant le Danube, elle se perd dans ce fleuve, entre Passau & Instadt : on appelle Innthal, la vallée où elle coule. (D. J.)

* INNÉ, adj. (Gram. & Philosoph.) qui naît avec nous ; il n’y a d’inné que la faculté de sentir & de penser ; tout le reste est acquis. Supprimez l’œil, & vous supprimez en même tems toutes les idées qui appartiennent à la vûe. Supprimez le nez, & vous supprimez en même tems toutes les idées qui appartiennent à l’odorat ; & ainsi du goût, de l’ouie, & du toucher. Or toutes ces idées & tous ces sens supprimés, il ne reste aucune notion abstraite ; car c’est par le sensible que nous sommes conduits à l’abstrait. Mais après avoir procédé par voie de suppression, suivons la méthode contraire. Supposons une masse informe, mais sensible ; elle aura toutes les idées qu’on peut obtenir du toucher ; perfectionnons son organisation ; développons cette masse, & en même tems nous ouvrirons la porte aux sensations & aux connoissances. C’est par l’une & l’autre de ces méthodes qu’on peut réduire l’homme à la condition de l’huitre, & élever l’huitre à la condition de l’homme. Voyez ce qu’il faut penser des idées innées aux articles Inné & Idée.

INNÉRATA, (Géog.) petite ville d’Ecosse, ca-

pitale de la province d’Argyle ; elle est sur le bord

du lac Gilb, qui communique avec la baie, qu’on appelle Lockfin. Sa position est à 14 lieues N. O. d’Edimbourg, 112 N. O. de Londres. Long. 12. 15. lat. 56. 32. (D. J.)

INNERKITHING, (Géog.) port de mer de l’Ecosse méridionale dans le golfe de Forth, à trois lieues N. O. d’Edimbourg, 102 N. O. de Londres. Long. 14. 35. lat. 56. 22. (D. J.)

INNERNESS, Innernium, (Géog.) Cambden dit Nessum ad cognominem fluvium, ville de l’Ecosse septentrionale, capitale d’une contrée de même nom, avec un port. C’est une ville commerçante ; les rois d’Ecosse y faisoient autrefois leur résidence dans le château qui est bâti sur une colline. Elle est à l’embouchure de la Ness, à 34 lieues d’Edinbourg, 130 N. O. de Londres. Long. 13. 58. lat. 57. 36. (D. J.)

* INNOCENCE, s. f. (Gram.) il n’y a que les ames pures qui puissent bien entendre la valeur de ce mot. Si l’homme méchant concevoit une fois les charmes qu’il exprime, dans le moment il deviendroit homme juste. L’innocence est l’assemblage de toutes les vertus, l’exclusion de tous les vices. Qui est-ce qui parvenu à l’âge de quarante ans avec l’innocence qu’il apporta en naissant, n’aimeroit pas mieux mourir, que de l’altérer par la faute la plus légere ? Malheureux que nous sommes, il ne nous reste pas assez d’innocence pour en sentir le prix ! Méchans, rassemblez-vous, conjurez tous contre elle, & il est une douceur secrette que vous ne lui ravirez jamais. Vous en arracherez des larmes, mais vous ne ferez point entrer le desespoir dans son cœur. Vous la noircirez par des calomnies ; vous la bannirez de la société des hommes ; mais elle s’en ira avec le témoignage qu’elle se rendra à elle-même, & c’est vous qu’elle plaindra dans la solitude où vous l’aurez contrainte de se cacher. Le crime résiste à l’aspect du juge ; il brave la terreur des tourmens ; le charme de l’innocence le trouble, le desarme, & le confond ; c’est le moment de sa confrontation avec elle qu’il redoute ; il ne peut supporter son regard ; il ne peut entendre sa voix ; plusieurs fois il s’est perdu lui-même pour la sauver. O innocence ! qu’êtes-vous devenue ? Qu’on m’enseigne l’endroit de la terre que vous habitez, afin que j’aille vous y chercher : sitis arida postulat undam, & vocat unda sitim. Je n’attendrai point au dernier moment pour vous regretter.

INNOCENT, adj. (Jurisprud.) est celui qui n’est point coupable d’un crime. L’accusé pour prouver son innocence, peut demander d’être admis à la preuve de ses faits justificatifs ; mais on ne l’y admet qu’après la visite du procès.

Il n’est pas d’usage dans le style ordinaire de déclarer innocent, celui contre lequel il n’y a pas de preuve qu’il soit coupable, on le renvoye absous, ou on le décharge de l’accusation ; ce qui suppose son innocence ; car lorsqu’il y a quelque doute, on met seulement hors de cour.

Cependant le Roi ayant pardonné au prince de Condé qui avoit pris les armes contre lui, au lieu de lettres de grace lui accorda des lettres d’innocentation, voulant par-là effacer toute idée de crime. Voyez Abolition, Grace, Pardon, Rémission. (A)

INNOCENS (les,) s. m. pl. (Théolog.) est le nom d’une fête que l’on célebre en mémoire des enfans qu’Hérode fit massacrer.

On faisoit autrefois des danses dans les églises le jour de la fête des innocens, & l’on y représentoit des évêques en dérision de la dignité épiscopale ; ou comme d’autres le prétendent avec plus de vraissemblance, en l’honneur de l’innocence de l’enfance. Voyez Episcopus Puerorum. Ces danses furent