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ment, & n’excite pas à chercher la cause ; le soleil entant que lumineux, ne cesse jamais d’agir sur la terre en général ; mais il y a toujours quelques parties qui ne sont point éclairées ; la partie antipode de celle qui reçoit directement les rayons du soleil, est dans l’obscurité, tandis que celle-ci jouit du spectacle brillant & utile de la lumiere ; le mouvement de la terre sur son axe présente pendant les vingt-quatre heures successivement toutes les parties de la terre au soleil, & occasionne par-là dans elles une alternative de lumiere & d’obscurité, sur laquelle porte la distinction frappante du jour & de la nuit. Pour appercevoir les effets de la lumiere sur l’homme & sur les animaux, qu’un physicien porte des yeux attentifs sur tout ce qui suit les lois de la simple nature dans ces chaumieres rustiques, où l’art n’est point encore venu la maîtriser & la plier à ses caprices ; il verra lorsque le jour a fait place à la nuit, tous les travaux interrompus, le ramage des oiseaux suspendu, les vents appaisés, tout en un mot annoncer & préparer un sommeil tranquille & restaurant, encore attiré par un travail pénible, bien différent & bien au-dessus de cette ombre de sommeil qui vient languissamment sur les pas de la mollesse & de l’indolence, que la lumiere du jour auquel on l’a différé, interrompt & trouble, & qui ne peut être profond que lorsque l’obscurité la plus parfaite peut en quelque façon ressembler à la nuit. Mais lorsque l’aurore naissante ramene la lumiere, & annonce le retour prochain du soleil, voyez tous les oiseaux témoigner par leurs chants l’impression qu’ils en ressentent ; le coq bat des aîles & leve ses cris perçans jusqu’aux cieux ; le sommeil se dissipe, le jour paroît, & le regne du travail commence. Voyez Jour, Nuit & Lumiere.

Le medecin apperçoit dans les personnes que quelques maladies rendent plus sensibles, des preuves évidentes de l’action de la lumiere ; les maniaques, par exemple, les phrénétiques, les typhomaniaques, ceux qui sont dans quelqu’accès d’hydrophobie, & ceux enfin qui ont mal aux yeux, sont pour l’ordinaire blessés par la lumiere ; les ténebres leur sont infiniment plus favorables ; la lumiere rend les délires plus fougueux, l’obscurité les appaise ; c’est pourquoi il est très-important d’y placer ceux qui sont attaqués de ces maladies, précaution que recommandoient spécialement les méthodiques. Baillou raconte que madame de Varades étant malade, tomba dans une syncope violente dans l’instant de l’immersion du soleil dans une éclipse, & qu’elle en revint naturellement lors de l’émersion, que le soleil recouvra sa lumiere. Il n’est personne qui n’ait éprouvé en écrivant, en composant, combien la lumiere & les ténebres influent diversement sur les idées & sur la maniere de les énoncer. Nous voyons enfin dans bien des maladies, la mort survenir, ou quelque changement considérable se faire au lever & au coucher du soleil. Ramazzini dit avoir observé des fievres épidémiques qui redoubloient vivement sur le soir vers le coucher du soleil, de façon que les malades étoient extrèmement abattus, presque mourans ; ils passoient dans cet état toute la nuit ; mais ils en sortoient promptement dès que le soleil paroissoit sur l’horison, & ils pouvoient se lever & se promener. Constit. épidem. ann. 1691. Voyez Lumiere, Soleil, &c.

Les effets du soleil, comme principe de la chaleur, sont beaucoup plus grands, plus étendus, & mieux constatés ; c’est avec raison qu’on l’appelle la source de la vie, de toutes les productions de la terre ; c’est sur-tout par elle que les plantes vivent, végetent ; les animaux mêmes ne peuvent s’en passer ; une privation trop prompte & trop sensible produit beaucoup d’incommodités. Voyez Froid.

Lorsqu’elle est aussi poussée à l’excès contraire, elle entraîne de grands inconvéniens. Voyez Chaleur, Feu. Les effets de la chaleur sur les corps ne sont jamais plus marqués & plus mauvais que lorsqu’on s’expose en repos aux rayons directs du soleil, & sur-tout ayant la tête découverte ; d’abord la peau devient érésipélateuse, ensuite noire, un mal de tête affreux survient, on tombe dans le délire, ou dans un assoupissement mortel ; c’est ce qu’on appelle coup de soleil. Voyez ce mot à l’article Soleil. La chaleur que nous éprouvons du soleil varie beaucoup, suivant qu’elle est directe ou réfléchie, suivant les distances, l’obliquité des rayons, la quantité & la direction des points qui réfléchissent ; de-là naissent les différences de chaleur, à l’ombre ou au soleil, dans les plaines, dans les vallées, ou sur les hautes montagnes ; de-là aussi les distinctions des saisons : dans la position où nous sommes, les plus grandes chaleurs se font ressentir dans le tems où le soleil est le plus éloigné, mais où l’obliquité de ses rayons est moins grande. Voyez Saisons, Été, Automne, & Printems. Tout le monde sait par expérience l’influence des saisons sur l’homme ; les maladies qui en dépendent sont exactement classées par Hippocrate ; & les Medecins observateurs qui l’ont suivi, ont bien remarqué qu’il y avoit des maladies particulieres à chaque saison, & que les maladies qui passoient d’une saison à une autre, changeoient de génie, de type, de caractere, & demandoient souvent une méthode curative différente. Voyez sur-tout Fievre intermittente. La chaleur influe non seulement sur nous par une action immédiate, c’est-à-dire lorsqu’elle est trop forte en augmentant la transpiration, la sueur, en occasionnant des foiblesses, lassitudes, langueurs, en efféminant, ramollissant les vaisseaux, animant le mouvement intestin du sang, rendant les sommeils inquiets & la respiration lente, hâtée, laborieuse ; mais encore par les effets qui la suivent lorsqu’elle est appliquée à la terre, à l’eau, aux végétaux, &c. On n’a pour s’en convaincre, qu’à voir ce qui se passe lorsque les rigueurs de l’hiver sont dissipées, qu’un printems gracieux lui succede, & enfin lorsque les ardeurs de l’été se font ressentir ; d’abord on voit toutes les plantes sortir de la terre, renaître, fleurir, embaumer l’air de leurs parfums, le rendre & plus sain & plus délicieux ; les vapeurs élevées pendant le jour retombent le soir en sérain, & le matin en rosée, & humectent de nouveau la terre ; mais lorsque le brûlant sirius paroît, les vapeurs élevées avec plus de force & en plus grande abondance, deviennent la matiere des orages, des pluies, des tonnerres, des éclairs, &c. la terre cependant devient aride, les marais se dessechent, les exhalaisons les plus mauvaises s’en élevent & se répandent dans l’air ; les animaux morts se pourrissent promptement, & infectent l’atmosphere de miasmes contagieux ; les rivieres & les fontaines abaissées fournissent une eau moins salutaire ; les vins tournent dans les caves ; les alimens sont moins bons, digérés avec plus de peine, &c. de-là viennent toutes ces especes de fievres ardentes, inflammatoires, pétéchiales, pourprées, malignes, &c. les dissenteries, diarrhées bilieuses, la peste enfin, & les maladies épidémiques ; ces accidens seroient encore bien plus grands, si les fruits que produit alors la terre n’en prenoient une grande partie ; nous avons successivement les cerises, les fraises, les prunes, les poires, les melons, les concombres, les pêches, les figues, les raisins, les aséroles, &c. lorsque ces fruits manquent, ou qu’ils sont viciés, ou enfin lorsqu’on en fait des exces, les maladies sont plus mauvaises & plus fréquentes.

Sans m’arrêter à beaucoup d’autres exemples, je