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Variété. On peut par rapport au siége de l’inflammation, établir deux classes de maladies inflammatoires : dans les unes l’inflammation est extérieure, exanthématique ; dans les autres elle occupe quelque partie interne. A la premiere classe, on peut rapporter la petite vérole, la rougeole, la fievre milliaire, érésipélateuse, la porcelaine, les aphthes, la peste même, marquée pour l’ordinaire par des bubons parotides, charbons, &c. La seconde comprend l’inflammation du cerveau, appellée fort improprement par Etmuller & Bartholin sphacélisme, la phrénésie, l’angine, pleurésie, péripneumonie, paraphrénésie, l’inflammation de l’estomac, du foie, de la matrice, &c Voyez ces mots.

Ces maladies sont ordinairement précédées d’un état neutre qui dure quelques jours, pendant lesquels la maladie n’est pas encore décidée ; on n’est pas encore malade ; on n’est qu’indisposé ; on se sent un mal-aise universel, des lassitudes, pesanteurs de tête, dégoût, langueur d’estomac, indigestion, &c. La maladie commence le plus souvent par un froid, un tremblement plus ou moins vif, auquel succede la fievre ; les tems auxquels les signes d’inflammation commencent à se manifester sont fort différens. Pour l’ordinaire le point de côté qui marquera la pleurésie, paroît dès le premier jour de la fievre, dans l’instant du frisson ; l’inflammation varioleuse paroît le troisieme ou quatrieme jour, &c. La douleur varie aussi suivant la partie enflammée ; elle est vive, aiguë, lorsque quelque partie membraneuse, tendue, est affectée : elle est au contraire modérée, sourde, souvent n’est qu’une pesanteur incommode, lorsque l’inflammation occupe le parenchyme même des visceres. Le caractere du pouls est proportionné à la douleur : dans celles qui sont vives, il est dur, serré, tendu ; dans les cas opposés, il est plus mol & plus souple ; ses caracteres changent aussi suivant la situation de la partie & le tems de la maladie. Dans les inflammations de la tête il est plus fort, plus dilaté, plus plein, en un mot supérieur ; dans celles qui attaquent les visceres inférieurs, il est plus petit, plus concentré, moins égal. Au commencement de la maladie, dans le tems d’irritation ou de crudité, il est dur, serré, fréquent : sur la fin quand l’issue est ou doit être favorable, il se rallentit, se développe, s’amollit, devient plus souple & rebondissant, & enfin prend les modifications propres aux évacuations critiques qui sont sur le point de se faire, & qui doivent terminer la maladie : Voyez Pouls. Le sang qu’on tire des personnes attaquées de ces maladies se fige d’abord qu’on le laisse reposer, & il est recouvert d’une croûte jaune ou verdâtre plus ou moins épaisse. Les fonctions propres aux parties enflammées sont dérangées ; la phrénésie, paraphrénésie, sont suivies de délire ; dans la pleurésie & péripneumonie, la respiration est gênée ; l’hépatitis produit l’ictere, &c. Enfin, on observe des différences dans le nombre, la nature, & l’intensité des symptomes, suivant la partie enflammée, le degré d’inflammation, l’activité des causes, le tempérament du malade, &c.

Les terminaisons des maladies inflammatoires peuvent être les mêmes que celles de l’inflammation ; mais avec cette différence qu’il n’y a jamais de résolution simple. Lorsque ces maladies se terminent par cette voie, on observe que cette terminaison est précédée ou accompagnée de quelque évacuation ou dépôt critique. Ces évacuations varient dans les différentes especes de maladies inflammatoires, & suivant la partie affectée. Lorsque la partie qui est enflammée a des vaisseaux excrétoires, la crise s’opere plus souvent & plus heureusement par cette voie. Dans les maladies inflammatoires de la poitrine, la crise la plus ordinaire & la plus sûre se fait par l’ex-

pectoration ; elle se fait aussi quelquefois avec succès

par les sueurs & par les urines, mais jamais par le dévoiement. Lorsque les parties contenues dans le crâne sont affectées, l’hémorrhagie du nez ou l’excrétion des matieres cuites, puriformes, par le nez, les oreilles, sont les plus convenables ; le cours-de-ventre est aussi fort bon. Lorsque l’inflammation attaque les visceres du bas-ventre, la maladie se juge bien par les urines & les selles : la matrice a son couloir particulier plus approprié pour les excrétions critiques des maladies dont elle est le siége. Le flux hémorrhoïdal termine aussi quelquefois les inflammations du foie. Quoique ces crises s’operent communément de la façon que je viens d’exposer, il arrive dans des constitutions épidémiques, que la nature semble se choisir un couloir pour y déterminer toutes les excrétions critiques dans quelque partie que porte principalement la maladie. Le couloir des poumons plus général qu’on ne pense, est très souvent affecté pour cela. J’ai vu pendant toute l’automne de 1748, à Montpellier, toutes les maladies inflammatoires de la poitrine, du ventre, de la tête, les fievres malignes, se terminer singulierement par l’expectoration. Toute autre excrétion procurée par le défaut de la nature, ou l’inopportunité des remedes, étoit toûjours inutile ou pernicieuse. Les maladies inflammatoires exanthématiques ne se terminent jamais mieux que par la suppuration : il y en a, comme la rougeole, qui se dessechent simplement & ne laissent que des petites pellicules furfuracées. Aussi observe-t-on que cette terminaison superficielle juge très-imparfaitement la maladie ; on lui voit très-souvent succéder des petites fievres lentes très-difficiles à dissiper.

Les causes. Les maladies diffamatoires different encore bien ici de l’inflammation ; l’action momentanée des causes ne suffit pas pour les produire ; il faut non seulement que la cause qui dispose à l’inflammation agisse pendant long-tems, mais il est souvent nécessaire qu’elle soit excitée, mise en jeu par quelqu’autre cause qui survienne. Ces maladies sont travaillées & préparées de loin, & parmi les causes qui forment & entretiennent cette disposition, les vices de l’air méritent une considération particuliere ; on ne peut attribuer qu’à cette cause toutes les maladies inflammatoires contagieuses, épidémiques. Mais quelle est la partie, la qualité de l’air, le ministre qui produit ces maladies ? c’est ce qu’on ignore : des observations chimico-météorologiques qui nous manquent, faites dans différentes saisons, dans différens tems ou circonstances, pourroient éclaircir cette question qui est très-importante. La mauvaise nourriture, les travaux immodérés, les veilles, les boissons aromatiques spiritueuses, les chagrins, peuvent favoriser cette cause, aider à cette disposition, rendre plus susceptibles des fâcheuses impressions de l’air. La suppression ou diminution des excrétions qui purifient le sang, sur-tout de la transpiration, est une cause assez fréquente des maladies inflammatoires : il ne faut cependant pas croire que cet arrêt de la transpiration produise aussi généralement les pleurésies, qu’on semble le penser trop communément : il est certain que les vicissitudes d’un air chaud & froid, arrêtent, troublent la sueur, la transpiration ; qu’elles peuvent par-là former la disposition inflammatoire ; mais elles n’exciteront une pleurésie que dans ceux qui y auront une disposition formée. Dans les autres elles produiront des toux, des rhumes, des catarrhes, suite fréquente & naturelle de la transpiration pulmonaire arrêtée par ces sortes d’imprudences. D’environ quinze cens personnes qui sortent des spectacles de Paris fort échauffées, suant même, pour passer dans un air glacé, il n’y en a quelquefois pas une seule qui éprouve au sortir