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caractere, ou un flux gonorrhoïque virulent, tout l’intérieur du vagin est enflammé. L’érésipele scorbutique dépend aussi de la même cause : toutes ces inflammations paroissent participer davantage de l’éresipele que du phlegmon. Je crois que dans l’érésipele le sang est le plus souvent mêlé avec la matiere de la transpiration, ou avec quelqu’autre humeur ténue, acre, & sur-tout bilieuse. Les érésipeles qui surviennent à des coleres effrénées dépendroient-elles d’un dérangement excité dans le foie ? Ce qu’il y a de bien certain, c’est que bien des érésipeles, & sur-tout ceux qui sont périodiques, méritent souvent d’être attribués à quelque changement opéré dans ce viscere ; c’est la pratique & l’observation qui ont donné naissance à cette idée. Les inflammations qui surviennent aux blessures, luxations, distorsions, & en un mot aux affections dolorifiques, doivent être aussi renfermées dans cette classe.

La seconde classe établie des causes qui excitent l’inflammation, comprend celles qui produisent d’abord l’hérence du sang ou l’obstruction des vaisseaux, & qui y disposent. Pour que le sang s’arrête ou coule plus difficilement dans les vaisseaux de quelque partie, il faut que sa masse augmente par-dessus la capacité des vaisseaux ; ce qui peut arriver, ou par l’augmentation absolue du sang, ou par la diminution de la capacité des vaisseaux, ou enfin par le concours de ces deux causes, l’inflammation n’ayant lieu que dans les petits vaisseaux, où à peine les globules sanguins peuvent passer à la suite l’un de l’autre, il est évident que si les globules sont trop fortement liés les uns aux autres pour pouvoir se desunir par l’action très-foible de ces petits vaisseaux, l’obstruction se formera : or ce vice pourra être produit par le froid, les venins coagulans, les spiritueux, absorbans, acides, austeres, invisquans & agissans topiquement. Cette disposition sera engendrée & entretenue dans le corps par l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses, aromatiques, vineuses, par les exercices violens, la pléthore, la suppression des excrétions sanguines, l’augmentation des séreuses ; la masse du sang augmentera encore, eu égard à la capacité de ces petits vaisseaux, si plusieurs globules poussés avec trop de rapidité se présentent en même tems à l’embouchure d’un vaisseau qui n’en peut admettre qu’un ; c’est le cas de la fievre.

Parmi les causes qui peuvent diminuer la capacité des vaisseaux, se présente d’abord la compression, qui peut être excitée par des corps étrangers, des tentes, des tampons, par exemple, placés mal-à-propos dans les plaies par des chirurgiens inhabiles, par des ligatures trop serrées, par les parties dures de notre corps déplacées ou rompues, comme il arrive dans les fractures, luxations, par le poids du corps sur une partie ; ainsi il survient des inflammations au coxis, aux trochanters, aux épaules des personnes qui restent long-tems couchées sur le dos. La compression peut aussi être produite par un sang trop abondant & raréfié, distendant certains vaisseaux ; ceux qui sont voisins souffrent de cette distension ; leur capacité en est par-là diminuée : c’est ce qui a lieu dans les fievres ardentes inflammatoires.

L’allongement des vaisseaux, leur distorsion peut, en changeant leur figure, en diminuer le diametre ; on sait que de toutes les figures isopérimetres, le cylindre est, après la sphere, celle qui contient le plus de masse ; si cette figure change de capacité, elle diminue nécessairement : cette cause peut avoir lieu dans les luxations, distorsions de membres ; c’est elle qui, de concert avec la douleur violente, produit les inflammations qu’on observe chez les criminels qui ont souffert la torture.

Enfin la capacité peut être retrécie par la propre

contractilité des vaisseaux ; leurs parois ont une force qui les fait tendre à se rapprocher de l’axe : cette force est toujours combattue & empêchée d’avoir son effet par le mouvement & la présence du sang ; si cette force augmente, ou que la force qui la contrebalance diminue, alors les parois approchées mutuellement accourciront le diametre, & rendront le passage plus étroit. Toutes les causes qui rendent l’irritabilité plus forte, augmentent cette tendance : ces causes ont été détaillées plus haut ; c’est ce qui prouve encore que la stagnation du sang suit de près l’augmentation de l’irritabilité ; le mouvement & la quantité de sang qui retiennent en équilibre cette tendance venant à diminuer, elle aura aussitôt son effet ; c’est ce qui arrive dans les hémorrhagies, & c’est la cause la plus fréquente des inflammations qui surviennent aux blessures & aux opérations ; les vaisseaux coupés obéissant à cette force, se retirent, se cachent dans les chairs, & après que le mouvement & la quantité du sang ont été diminués par l’hémorrhagie, leurs parois s’appliquent mutuellement, le passage est presqu’entierement bouché ; c’est ce qui fait que ces inflammations se terminent toujours par la suppuration.

Enfin, sans que le sang augmente en masse, ou le vaisseau diminue en capacité, la proportion peut être dérangée & y avoir obstruction ; c’est lorsque le sang s’égare dans les vaisseaux lymphatiques ; il faut même pour cela que l’embouchure de ces vaisseaux soit dilatée ; la trop grande quantité de sang, son mouvement trop rapide, sa raréfaction produisent souvent cet effet. Il est assez ordinaire de voir les vaisseaux de la cornée engorgés de sang dans les personnes pléthoriques ; la chaleur, & sur-tout une chaleur humide en est la cause la plus fréquente ; rien n’est si propre à relacher, affoiblir les vaisseaux & à y attirer le sang ; c’est ce qui fait que les ophtalmies sont si communes, & comme épidémiques dans les constitutions chaudes & humides sans vents (Hippocr. epidem. lib. III.) ; mais ces causes produisent encore plus sûrement cet effet si elles sont suivies des causes contraires ; c’est-à-dire si à la chaleur succede le froid ; à l’agitation des humeurs leur repos ; à la raréfaction du sang sa condensation, parce qu’alors le sang reste dans les vaisseaux où il étoit entré ; c’est la raison pourquoi il survient des inflammations aux personnes qui ayant extrèmement chaud, s’exposent au froid, ou boivent de l’eau extremement fraîche.

Telles sont les causes qui peuvent produire la stagnation inflammatoire du sang ; telle est leur différente façon d’agir : j’en passe beaucoup d’autres sous silence qui peuvent donner naissance à l’obstruction ; je ne parle ici que de celles qui peuvent l’occasionner promptement, & qui peuvent seules produire l’inflammation : car une obstruction qui se formeroit peu-à-peu ne feroit aucune violence aux arteres, qui prêteroient insensiblement sans souffrir aucune irritation, & sans entraîner conséquemment les symptomes inflammatoires.

Mais de quelque façon que soit amenée l’obstruction ; quelque cause que ce soit (pourvu qu’elle ait agi promptement) qui ait gêné, retardé, empêché le mouvement du sang dans des vaisseaux soumis aux lois de la circulation, ce sang, toujours poussé par l’abord continuel de celui qui suit, agira contre les parois des vaisseaux avec d’autant plus de force, que son action, selon l’axe, sera plus empêché, son mouvement intestin, qui est continuellement bridé & retenu par le mouvement progressif, augmentera : double cause de l’irritation qu’il excitera dans ses vaisseaux ; l’irritabilité animée par-là ou par toute autre cause irritante étrangere, deviendra plus active ; les phénomenes qui en dépendent