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chaleur augmentées dans la partie ; il ne falloit que voir, & l’on a voulu raisonner. De ce raisonnemment très-hypothétique, il suit encore une conséquence qui est tout au moins une hypothèse, c’est que la chaleur & la rougeur ne peuvent augmenter sans que la circulation soit accélérée, & que par conséquent elles sont un effet immédiat & nécessaire du mouvement du sang.

Si la fievre qui survient à l’inflammation est forte, elle entraîne avec soi les symptomes ordinaires, la soif, les inquiétudes, maux de tête, délire, &c. & autres dérangemens dans les différentes fonctions.

Variétés ou différences. On a distingué les inflammations en externes & en internes suivant qu’elles ont leur siege à l’extérieur, ou dans quelques parties intérieures du corps ; celles-ci à moins qu’elles ne soient produites par quelque cause externe, constituent les maladies inflammatoires ; elles sont toujours accompagnées d’une fievre plus ou moins aiguë, nous en verrons plus bas les différentes especes.

C’est aux inflammations extérieures que convient uniquement la fameuse division, en phlegmoneuses, & en érésipélateuses, auxquelles on a tenté infructueusement & fort mal-à-propos, de réduire toutes les especes d’inflammations. La premiere classe comprend celles qui sont marquées par une tumeur dure, d’un rouge obscur, une douleur vive, ordinairement pulsative, une résistence assez forte, & surtout une circonscription très-sensible ; on les appelle inflammations phlegmoneuses, ou simplement phlegmon, qui signifie chez les Grecs, je brûle, & qu’on employoit du tems d’Hippocrate pour désigner une inflammation quelconque, mais qui fut restreint sous Erasistrate à l’inflammation particuliere dont nous parlons ; les clous ou furoncles fournissent un exemple assez fréquent de cette inflammation.

Dans la seconde classe sont renfermées les inflammations qui ont pour caractere une chaleur très-vive, une rougeur tirant sur le jaune ou couleur de rose, une douleur vive & très-aiguë, une tumeur très-peu élevée, nullement circonscrite, ni rénitente, cédant au contraire très-facilement à la pression du doigt, mais se rétablissant aussi-tôt, & presque toujours accompagnée d’œdème. J’ai dit que cette distinction ne peut avoir lieu qu’à l’extérieur ; les principaux signes qui établissent ces différences ne sont sensibles qu’à l’œil, & au tact ; ainsi quand même ils existeroient réellement à l’intérieur, ils ne sauroient être saisis, mais en outre l’érésipele est une affection cutanée, dont le siege n’est que dans le tissu de la peau. On l’observe principalement aux piés, aux mains, & au visage ; il y en a une espece qui est fixe aux piés, & qui en empêche les mouvemens : on l’appelle érésipele scorbutique. Voyez Erésipele. Sthaal, & après lui Neuter, Junker, & autres éclectiques, admettent une troisieme espece d’inflammation, qu’ils appellent apostémateuse, dont le caractere principal est une grande tendance à la suppuration.

Il y a aussi une autre division de l’inflammation très-scholastique, mais peu usitée, en phlogose, inflammation proprement dite, & inflammation sistrophique ; ces différences ont été tirées du degré & de la violence des symptomes de l’inflammation.

Outre cette variété qu’on observe dans les symptomes qui constituent l’inflammation, il y a des différences qu’il est très-important de remarquer dans la maniere dont elles se terminent. On compte ordinairement quatre terminaisons différentes, qui sont la résolution, la suppuration, l’induration, & la gangrene. La résolution a lieu lorsque l’inflammation se dissipe graduellement sans aucune altération sensible des vaisseaux ; on peut rapporter à la résolution la délitescence, qui n’en differe que par le plus de promptitude. La suppuration se fait, lorsque le sang arrêté,

& les vaisseaux obstrués sont changés en une humeur tenace, égale, blanchâtre, douce, qu’on appelle pus ; au lieu de la tumeur inflammatoire on trouve un abscès. L’inflammation se termine par l’induration, lorsqu’elle laisse après elle une tumeur dure, indolente, purement lymphatique, connue sous le nom de skirrhe ; & enfin la terminaison se fait par la gangrene : lorsque la partie enflammée meurt, les symptomes inflammatoires cessent tout à coup, on observe une couleur plombée, livide, noirâtre, un sentiment fort obscur, & une odeur cadavéreuse, desagréable. Le dernier degré de mortification ou de gangrene, s’appelle sphacele ; la suppuration & l’induration sont les terminaisons les plus ordinaires des inflammations phlegmoneuses, elles se résolvent cependant quelquefois, & se gangrenent aussi, mais moins souvent que les érésipeles, à qui ces deux terminaisons sont principalement affectées : il peut arriver, & j’ai même vu un exemple, que l’érésipele se termine en œdème, c’est-à-dire qu’il laisse après lui une tumeur molle, insensible, cédant à l’impression du doigt, & en conservant l’empreinte ; j’ai vu aussi beaucoup d’érésipeles s’ulcérer, cette terminaison n’est pas rare.

Causes évidentes. Les causes dont il est ici question, connues sous le nom de principes dans les écrits de nos auteurs minutieusement exacts, & rigoureux, sont celles qu’une observation constante nous a fait voir, produire, concourir à la production de l’inflammation ; les unes disposent le sang & les humeurs à cet état ; on les appelle proëgumenes ; les autres survenant excitent & mettent en jeu cette disposition ; on les nomme procatartiques. Suivant cela, il n’est point de cause qui ne puisse contribuer à produire l’inflammation ; quelque erreur qui se soit commise dans l’usage de ce qu’on appelle dans les écoles, les six choses non-naturelles, peut donner occasion à cette maladie ; ainsi l’air froid ou chaud l’excite quelquefois, ce même air peut aussi produire cet effet à raison des particules hétérogenes, dont il est quelquefois rempli, ou par une disposition inconnue. J’ai observé l’automne passé à Lyon, que presque toutes les personnes qui restoient à la campagne, étoient couvertes de furoncles. 2°. Le mouvement trop rapide, les exercices violens en sont une cause fréquente ; 3°. les erreurs dans le régime diététique y disposent beaucoup ; 4°. la suppression des excrétions, sur tout sanguines, est très-souvent suivie d’inflammation ; 5°. on a vu quelquefois survenir aux passions d’ames, sur-tout vives, comme la colere, des érésipeles ; 6°. enfin les veilles trop long-tems continuées, sont très-propres à jetter dans le sang la disposition inflammatoire. A ces causes on peut ajoûter l’application topique de tout corps irritant, comme le feu, le froid vif, les caustiques, les blessures, fractures, luxations, compressions, distorsions, ligatures, les corps étrangers, &c. Les morsures, ou piqures d’animaux venimeux, sont aussi des causes qu’on voit tous les jours produire l’inflammation. On observe que celles qui agissent en irritant, & sur-tout en arrêtant la transpiration, produisent assez communément les érésipeles ; les engelures dépendent principalement de cette cause ; ceux qui sont rébelles & périodiques dépendent d’un dérangement, d’un vice particulier dans les voies biliaires & hémorrhoïdales ; les phlegmons situés pour l’ordinaire plus profondement dans le tissu cellulaire & les glandes, sont excités par des causes moins promptes, & le plus souvent internes : ils sont assez souvent dépuratoires, ou critiques.

L’inflammation attaque tous les âges, tous les sexes, tous les sujets, tous les tempéramens ; personne n’est à l’abri d’une maladie, dont les causes sont extérieures, si multipliées, & si obvies. Je crois pouvoir