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l’ordre, nos rois obligerent ces seigneurs à leur faire la foi & hommage, & donner aveu & dénombrement des terres qu’ils tenoient d’eux ; & ce furent là les premieres inféodations.

A peu près dans le même tems, les ducs & les comtes, & autres grands seigneurs qui tenoient leurs terres directement du roi, voulant avoir aussi des vassaux, firent des sous-inféodations d’une partie de leurs terres.

On inféoda alors non-seulement les héritages & droits réels, mais aussi les offices.

Il ne subsiste guere de ces premiers actes d’inféodation ; au défaut du titre primitif, il suffit de rapporter des actes déclaratifs.

Dans la suite des tems les seigneurs ont encore fait d’autres inféodations, & leurs vassaux ont aussi fait des sous-inféodations ; les uns & les autres en font encore quand bon leur semble.

Ces inféodations & sous-inféodations sont un contrat synallagmatique entre le seigneur dominant & le vassal, auquel l’un ne peut rien changer sans le consentement de l’autre.

Le seigneur dominant du vassal qui a sous-inféodé, ne peut empêcher ce jeu de fief, pourvû qu’il n’excede pas ce dont il est permis de se jouer suivant la coutume.

S’il inféode la sous-inféodation, alors le vassal ne lui reporte plus que la mouvance qu’il a sur l’arriere-vassal ; s’il ne l’inféode pas, le vassal doit lui reporter tous les domaines comme auparavant, & en cas d’ouverture du fief du vassal, le seigneur dominant exerce ses droits sur l’arriere-fief, comme s’il n’y avoit pas eu de sous-inféodation. Voyez Fief & Jeu de Fief. (A)

Inféodation, s. f. (Jurisprud.) se prend aussi pour la mise en possession du fief que le nouveau vassal acquiert de la part du seigneur dominant, par la réception que celui-ci fait de son vassal en foi & hommage.

L’inféodation prise en ce sens, est pour les fiefs ce que l’ensaisinement est pour les rotures.

La foi & hommage faite en l’absence ou au refus du seigneur, tient lieu d’inféodation, de même que la souffrance accordée au vassal.

La réception par main souveraine a aussi le même effet.

L’année du retrait lignager ne court à l’égard des fiefs, que du jour de l’inféodation. (A)

Inféodation des rentes, charges ou hypotheques, est encore une reconnoissance que le seigneur dominant fait des rentes, charges, & hypotheques, que le vassal a imposé sur son fief.

Cette inféodation est expresse ou tacite.

L’inféodation expresse se fait lorsque le seigneur dominant déclare par un acte formel qu’il approuve le bail à cens ou à rente qui a été fait des héritages tenus de lui en fief, & qu’il reçoit le vassal à foi & hommage pour le cens ou la rente.

Elle est encore expresse lorsque le seigneur a reçu un dénombrement dans lequel le vassal a énoncé le cens ou la rente, ou bien lorsque le seigneur a reçu le quint ou le relief pour le cens ou la rente, ou fait quelque autre acte d’investiture.

Si les officiers du seigneur avoient reçu le denombrement sans le consentement du seigneur, cela ne pourroit pas lui préjudicier ; mais le seigneur doit faire réformer le dénombrement.

L’inféodation tacite est celle qui se fait lorsque le vassal a employé dans son dénombrement le cens ou la rente, avec les héritages qui en sont chargés, & les noms des détenteurs d’iceux, & que le seigneur a reçu le dénombrement dans cette forme sans le blâmer.

Quand le cens ou la rente est inféodé, le vassal fait la foi & hommage pour le domaine qu’il a donné à cens ou à rente, mais seulement pour le cens ou la rente pour lesquels il paye les droits ; & il ne reporte dans son aveu que le cens ou la rente au lieu du domaine.

Lorsque le seigneur dominant jouit du fief de son vassal, soit par droit de saisie féodale, ou pour son relief, il est obligé d’acquitter les charges qu’il a inféodées, au lieu qu’il n’est pas tenu de celles qui ne sont pas inféodées. Voyez les articles 28 & 59 de la Coutume de Paris. (A)

INFÉODER, v. act. (Jurisprud.) c’est donner en fief, ou recevoir en foi & hommage, ou reconnoitre une rente, ou autre charge imposée par le vassal sur le fief. Voyez Inféodation.

INFÉRER, verb. act. (Logique.) c’est conclure, c’est tirer des conclusions d’un raisonnement. Cette faculté intellectuelle consiste dans la perception de la liaison qui se trouve entre les idées moyennes, dans chaque degré de la déduction d’un raisonnement. L’esprit par-là vient à découvrir la convenance, ou la disconvenance certaine de deux idées ; ou bien il vient à voir simplement leur connexion probable.

Inférer, n’est donc autre chose que déduire une proposition comme véritable, en vertu d’une proposition qu’on a déja donnée comme véritable. Par exemple, supposons avec Locke qu’on avance cette proposition, « les hommes seront punis, ou récompenses dans l’autre monde » ; & que de-là on veuille en inférer, donc les hommes peuvent se déterminer eux-mêmes dans leurs actions. La question est de savoir si l’esprit a bien ou mal fait cette inférence ; s’il l’a faite en trouvant des idées moyennes, & en considérant leur connexion dans leur véritable ordre, il a tiré une juste conséquence ; s’il l’a faite sans une telle vûe, loin d’avoir tiré une conséquence fondée en raison, il a montré seulement le desir qu’il avoit qu’elle le fût, ou qu’on la reçût en cette qualité.

L’acte d’inférer est un des plus beaux apanages de la faculté raisonnable, quand elle tire des conséquences par la seule perception de la connexion des idées ; mais l’esprit est si fort porté à tirer des conséquences, soit par le violent desir qu’il a d’étendre ses lumieres, ou par le grand penchant qui l’entraîne à favoriser les sentimens qu’il a une fois adoptés, que d’ordinaire il se hâte d’inférer avant que d’avoir apperçu la connexion des idées qui doivent lier ensemble les deux extrèmes. (D. J.)

INFERIÆ, s. f. pl. (Littérat.) mot latin consacré, qu’on ne peut rendre en françois que par une longue périphrase.

Les inféries étoient des sacrifices ou offrandes que les anciens faisoient pour les morts, sur leurs tombeaux.

A la coutume barbare d’immoler en sacrifice des prisonniers de guerre sur la tombe des grands capitaines, comme fit Achille sur celle de Patrocle, succéda l’usage chez les Romains, de faire battre des gladiateurs autour du bucher en l’honneur du défunt, & ces victimes humaines se nommoient inferiæ.

On appelloit du même nom le sacrifice des animaux pour les morts. On égorgeoit une bête noire, on répandoit son sang sur la tombe ; on y versoit des coupes de vin & de lait chaud ; on y jettoit des fleurs de pavots rouges ; on finissoit cette cérémonie par saluer & par invoquer les mannes du défunt. Voyez Servius sur Virgile.

Enfin, si l’on ne répandoit que du vin sur la tombe, le vin destiné à cet usage s’appelloit aussi inferium vinum. (D. J.)