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cavalerie en deux especes ; savoir, en grosse cavalerie & en dragons. « De la premiere qui, dit-il, est la véritable, il en faut peu, parce qu’elle coute beaucoup ». Il estime que quarante escadrons de cette cavalerie sont suffisans pour une armée de quarante à cinquante mille hommes ; mais qu’à l’égard des dragons il en faut au moins le double.

Ces quarante escadrons à 150 hommes chacun, font 6000 hommes ; si on leur ajoute le double de dragons, c’est-à-dire douze mille, on aura 18000 hommes pour la cavalerie de l’armée dont il s’agit. Cette armée étant supposée de quarante à cinquante mille hommes, on peut par conséquent la regarder comme de quarante-cinq mille ; dans cette supposition dix-huit mille est les deux cinquiemes. On voit par-là que M. le maréchal de Saxe met à peu-près les deux septiemes de l’armée en cavalerie & dragons. C’est le double de la cavalerie des Grecs.

M. le marquis de Santacrux ne demande point une cavalerie aussi nombreuse. Il prétend que si le pays où l’on fait la guerre est un pays de plaines, il suffit que la cavalerie, en y comprenant les dragons, soit la quatrieme ou la cinquieme partie de l’armée ; que si l’armée doit agir dans un pays de montagnes, entrecoupé de bois & de ravins, la cavalerie peut être réduite à la sixieme partie de l’armée. Ce sentiment paroît mériter d’autant plus d’attention, que cet illustre auteur, en diminuant le grand nombre de cavalerie qu’on emploie actuellement dans les armées, se rapproche davantage de l’usage des Grecs, qu’on ne peut se dispenser de regarder comme nos maîtres dans l’art militaire.

A l’égard des différentes manieres dont on a formé l’infanterie, & des différens corps dont on l’a composé, voyez Phalange, Légion, Cohorte, Manipule, Régiment, Bataillon, Brigade, Compagnie, &c.

INFANTICIDE, s. m. (Jurisprud.) est le crime de celui ou celle qui procure la mort à son enfant.

Tout homme qui tue en général méritant la mort, à plus forte raison celui qui tue son enfant, une telle action faisant frémir la nature.

Les femmes & filles qui font périr leur fruit durant leur grossesse par l’avortement, soit par des breuvages & autres mauvaises voies, commettent aussi bien un infanticide, que celles qui font périr leurs enfans par le fer ou autrement après leur accouchement.

La loi de Moïse distinguoit ; si l’enfant dont la femme se faisoit avorter, étoit formé, ou vivant & animé, elle étoit punie de mort ; s’il n’étoit point encore animé, la loi ne prononçoit point de peine contre elle.

Les Romains faisoient une autre distinction entre celles qui défaisoient leur fruit, étant corrompues par argent, & celles qui le commettoient par haine & aversion contre leur mari, ou par quelque autre motif de passion ; au premier cas on les condamnoit à mort. En effet Ciceron dans l’oraison pro Cluentio, fait mention d’une femme milésienne qui fut punie du dernier supplice pour avoir, après le décès de son mari, fait périr l’enfant dont elle étoit enceinte, moyennant une somme d’argent qui lui avoit été donnée par les héritiers que son mari avoit substitués à ce posthume ; au second cas elles étoient seulement bannies pour un certain tems, suivant les rescrits des empereurs.

La religion chrétienne plus pure que les lois des Juifs & des Romains, tient pour homicide celle qui détruit son fruit avant qu’il soit vivant, aussi bien que celle qui le détruit après lui avoir donné la naissance ; il semble néanmoins que dans ce dernier cas le crime soit plus grand, parce que l’enfant est privé du baptême.

Un ancien arrêt du 22 Décembre 1480, condamna une femme qui avoit suffoqué ou autrement tué son enfant, à être brûlée vive.

La peine n’est pourtant pas si rigoureuse suivant l’édit d’Henri II. de l’année 1556, donné contre les filles & femmes qui celent leur grossesse & leur enfantement ; cet édit veut que celles qui se trouveront dans ce cas sans en avoir pris témoignage suffisant, même de la vie & de la mort de leur enfant lors de l’issue de leur ventre, & l’enfant ayant été privé du baptême & de la sépulture publique & accoutumée, elles soient tenues pour avoir homicidé leur enfant, & pour réparation publique, punies de mort & du dernier supplice, de telle rigueur que la qualité particuliere du cas le méritera.

On renouvelle de tems en tems la publication de cet édit, & depuis il y a eu plusieurs exemples de femmes pendues pour avoir tué leurs enfans. Voyez Enfant & Exposition d’enfant, & Suppression de part. (A)

INFATIGABLE, adj. (Gramm.) qu’on ne peut lasser. Voyez Fatigue.

INFATUER, infatuare, (Hist. anc.) préoccuper, prévenir tellement quelqu’un en faveur d’une personne ou d’une chose qui ne le mérite pas, qu’on ait de la peine à l’en desabuser.

Ce mot vient du latin infatuare, qui signifie rendre fol, mettre une personne hors de son bon sens. Ce verbe vient de fatuus fol, dérivé du verbe fari, qui est tiré du grec φάγαμαι, d’où vient φάγης, qui signifie la même chose que vates en latin, & devin en françois ; à cause que les devins étoient saisis d’une espèce de fureur ou de folie, quand ils alloient prononcer leurs prédictions & leurs oracles. Voyez Prophéties & Enthousiasme.

Les Romains appelloient infatués, infatuati, ceux qui croyoient avoir des visions, qui s’imaginoient avoir vû le dieu Faune, qu’ils appelloient Fatuos. Voyez Fatuaires. Diction. de Trévoux.

INFECOND, Voyez Fécond & Fécondité.

INFECONDI ; (Hist. litt.) c’est le nom que prit une société littéraire qui s’établit à Rome en 1650. Ils eurent pour devise un terrein couvert de neige avec cette inscription, germinabit.

INFECT, INFECTER, (Gramm.) ces mots viennent du latin inficere, imprégner, teindre ; & nous les avons transportés de la couleur aux odeurs. Un lieu, un air, un corps sont infects, lorsqu’ils offensent l’odorat par une forte odeur de putréfaction.

Infect ne se prend qu’au physique. Infecter se prend encore au moral. L’hérésie a infecté cette province. L’air du monde est infecté, & il faut y être fait pour n’en être pas corrompu.

INFÉODATION, s. f. (Jurisprud.) est l’action de mettre en fief une chose qui ne l’étoit pas.

On entend aussi par inféodation l’acte par lequel le seigneur dominant a donné à quelqu’un un héritage, ou autre immeuble, à la charge de le tenir de lui en fief.

L’usage des inféodations est, comme on le conçoit, aussi ancien que l’établissement des fiefs, si ce n’est qu’on veuille dire que les grandes seigneuries qui ont formé les premiers fiefs, furent établies sans acte d’inféodation ; & que les ducs & les comtes, & autres grands officiers de la couronne, profitant de la confusion où étoit le royaume vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme, se rendirent eux-mêmes propriétaires des offices & terres dont ils n’avoient auparavant que l’administration, sans en avoir aucun acte de concession du souverain.

Mais lorsque les choses rentrerent un peu dans