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Nous connoissons deux plantes qui donnent le bleu après une préparation préliminaire : l’une est l’isatis ou glastum, qu’on nomme pastel en Languedoc, & voüede en Normandie, où on le cultive & où on le prépare. L’autre est l’anil qui croît dans les Indes orientales & occidentales, duquel on tire une préparation sur ils lieux, sous le nom d’inde ou d’indigo, & que l’on envoie en Europe.

L’anil ou indigotier demande une bonne terre, grasse, unie, qui ne soit point trop seche ; il veut être planté seul, mangeant & dégraissant beaucoup le terrein où on le cultive ; aussi ne peut-on prendre trop de précautions pour arracher les herbes qui croissent autour, lorsqu’il commence à pousser, & jusqu’à ce qu’il soit en parfaite maturité.

On sarcle & on nettoie plusieurs fois le terrein où l’on veut planter la graine d’anil. Il me semble qu’on devroit dire semer ; mais le terme de planter est consacré dans les îles. On pousse quelquefois la propreté si loin, qu’on balaie le terrein comme on balayeroit une chambre. Après cela on fait les trous où l’on doit mettre les graines : pour cet effet, les esclaves ou autres qui doivent y travailler, se rangent sur une même ligne à la tête du terrein, & marchant à reculons, ils font de petites fosses de la largeur de leur houe, de la profondeur de deux à trois pouces, éloignées en tous sens les unes des autres d’environ un pié, & en ligne droite le plus qu’il est possible.

Quand le terrein a été bien préparé, & les mauvaises herbes bien extirpées, on plante la graine de l’anil dans les trous dont on vient de parler, qui sont tirés au cordeau, & éloignés les uns des autres d’un pié en tous sens ; ils mettent onze ou treize graines dans chaque trou ; une espece de superstition ayant établi de le semer ainsi en nombre impair : la superstition se mêle par-tout.

Ce travail est le plus pénible qu’il y ait dans la manufacture de l’indigo ; car il faut par l’usage que ceux qui plantent soient presque toujours courbés sans se redresser, jusqu’à ce que la plantation de toute la longueur de la piece soit achevée. Lorsqu’ils sont arrivés au haut de la piece, ils reviennent sur leurs pas, & recouvrent les fosses où ils ont mis la graine, en y poussant avec le pié la terre qu’ils en ont tirée ; & ainsi la graine se trouve couverte d’environ deux pouces de terre.

Toute saison est bonne pour semer la graine d’anil ; il faut cependant observer que ce ne soit pas par un tems trop sec. On choisit donc pour l’ordinaire un tems humide & qui promette de la pluie ; & alors on est sûr de voir la plante levée au bout de trois ou quatre jours.

Quelque précaution qu’on ait prise pour nettoyer le terrein où les graines ont été plantées, il ne faut pas s’endormir quand l’anil est hors de terre, parce que la bonté du terrein jointe à l’humidité, à la chaleur du climat, & aux abondantes rosées qui tombent toutes les nuits, fait naître une quantité prodigieuse de mauvaises herbes qui étoufferoient & gâteroient absolument l’indigotier, si on n’avoit pas un soin extrème de sarcler dès qu’il en paroît, & d’entretenir la plante dans une propreté extraordinaire ; souvent même les herbes sont en partie cause qu’il s’engendre une espece de chenilles qui dévorent en moins de rien toutes les feuilles d’indigotiers.

Depuis que la plante est sortie de terre, il ne faut que deux mois pour la mûrir entierement, & la mettre en état d’être coupée ; autrement elle fleuriroit, & ses feuilles devenant trop dures & trop seches, donneroient moins d’indigo. Après cette premiere coupe la plante repousse, & l’on peut continuer de la couper de six en six semaines, supposé que le tems soit pluvieux ; car lorsqu’on coupe en

tems de sécheresse, on perd les chouques, c’est-à-dire les piés de la plante qui étant bien ménagée peut durer deux années, après quoi il faut l’arracher.

Quant à la maniere d’en tirer la fécule colorante, voyez l’article Indigo.

* INDIQUER. v. act. (Gram.) on indique un tems, un lieu, une personne & une chose ; c’est la faire connoître & la désigner : un tems & un lieu, c’est le donner & le fixer.

On m’a indiqué un ouvrier capable d’exécuter cette machine. Les tables de l’ouvrage vous indiqueront le fait que vous cherchez. Il indiqua l’assemblée au troisieme jour des ides de Mars. La place publique fut le lieu qu’il m’indiqua.

INDIRE, (Jurisprud.) ou DROIT D’INDIRE AUX QUATRE CAS, est un privilege qui appartient à certains seigneurs, de doubler leurs rentes & le revenu de leurs terres en quatre cas différens, lesquels, suivant la coutume de Bourgogne, sont le voyage d’outremer, le cas de la nouvelle chevalerie, si le seigneur est prisonnier de guerre, & le mariage d’une fille du seigneur.

Ce terme paroît venir du latin indicere, qui signifie assigner, imposer ; on disoit indicere vectigalia.

M. le Prince fit lever en 1695, pour l’année suivante, le droit d’indire, dans son comté de Charolois, pour le mariage de Madame la duchesse du Maine.

Ce droit étoit autrefois assez commun, mais présentement il y a peu de seigneurs qui en jouissent : il reçoit différens noms, selon les pays. Voyez le titre des fiefs de M. Guyot, tom. VI. tit. de la taille au quatre cas, chap. j. (A)

* INDIRECT, adj. (Gram.) c’est l’opposé de direct. Voyez Direct. Il se prend au physique & au moral. On dit au physique une chose indirecte ; un mouvement indirect ; au moral, un moyen indirect, des voies indirectes. Il ne faut pas confondre indirect avec oblique. Oblique se prend toujours en mauvaise part. Indirect ne se prend ni en bonne ni en mauvaise part. Entrer dans un bénéfice par des voies indirectes, n’est pas y entrer par des voies obliques & illicites. Il faut que la louange soit indirecte. On peut donner un avis indirect.

On distingue en Logique des modes indirects de syllogisme. Voyez Syllogisme.

Oblique, indirect, & une infinité d’autres termes semblables, sont empruntés du mouvement. Un corps poussé vers un point, ou suit la ligne droite & la plus courte, ou s’en approche par des détours, & le va frapper ou perpendiculairement ou sous un autre angle. Voilà ce qui a donné l’idée de direction, & c’est de-là qu’on a formé les mots directs, indirects, &c.

INDISCIPLINABLE, adj. (Gram.) qui n’est pas susceptible de discipline. Voyez Discipline.

INDISCIPLINÉ, adj. (Gram.) qui n’a point été soumis à la discipline, ou qui n’en a pas profité. Un soldat indiscipliné perd son officier par la désobéissance, la débauche, les querelles & la désertion. Il faut qu’un officier se fasse aimer & craindre.

* INDISCRET, adj. & subst. (Grammaire.) qui revele une chose confiée. L’homme qui sait penser, parler & prévoir les suites de ses paroles, n’est pas indiscret. Par un excès de confiance on ouvre son cœur à des indifférens ; on répand son ame devant eux ; c’est une foiblesse à laquelle on est entraîné par l’inexpérience & par la peine. La peine cherche à se soulager ; l’inexpérience nous dérobe le danger de notre franchise. Les malheureux & les enfans sont presque tous indiscrets. L’indiscretion peut devenir un crime. Un geste, un regard, un mot, le silence même est indiscret. Fuyez les indiscrets. Vetabo