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tion durera au moins une demi-heure, & l’on aura fait la premiere huile, celle qu’on appelle huile foible.

On arrêtera la combustion, en fermant la marmite de son couvercle, ou en appliquant à la surface un linge mouillé qui empêche la communication avec l’air.

Cela fait, on aura un vaisseau net, dans lequel on versera l’huile qu’on conservera.

On préparera l’huile forte comme on a préparé l’huile foible, on la laissera seulement brûler beaucoup plus de tems. On poussera l’inflammation jusqu’à ce qu’elle soit devenue épaisse & gluante, ce qu’on reconnoîtra en en laissant tomber quelques goutes sur une assiette ; si ces goutes refroidies filent comme un syrop très-fort, l’huile forte est faite.

Il y en a qui jettent dans l’huile bouillante, ou qui font bouillir en même tems & avec elle, une croute de pain ou de la terre d’ombre.

S’il arrivoit que l’huile fût trop brûlée, on ajouteroit dans la marmite une quantité convenable d’huile non brûlée.

Il est prudent de faire cette opération dans un jardin, une cour, ou quelque lieu découvert.

De la maniere de broyer le noir. On nettoyera bien le marbre & sa molette, qu’on voit fig. 4, on écrasera la quantité de noir qu’on veut broyer. On aura à côté de soi de l’huile foible, on en arrosera peu-à-peu le noir ; on observera de ne pas mettre trop d’huile à la fois sur le noir, qui veut être broyé le plus à sec qu’il est possible.

Cette détrempe étant faite, on retirera avec le couteau ou l’amassette le noir sur un des angles de la pierre, & reprenant petite portion à petite portion le noir qui n’a été broyé qu’en gros, on le rétendra sur toute la pierre, en repassant dessus la molette en tout sens, jusqu’à ce que le broyement & l’affinage soient achevés.

Le broyement & l’affinage parfaits, on relevera de-rechef avec le couteau ou l’amassette ce noir. On donnera le même apprêt à celui qu’on aura détrempé, puis on reviendra sur le tout ; on le remettra au milieu de la pierre ; on y ajoûtera en deux ou trois tours de molette une certaine quantité d’huile forte.

Il faut moins d’huile forte lorsque l’encre apprêtée doit servir à des planches usées, ou dont la gravure n’est pas profonde ; un peu d’usage & d’expérience dirigeront là-dessus.

De la poële à feu & du gril. On aura une poële de fer ou de fonte, sur laquelle on placera un gril ; c’est sur ce gril qu’on posera les planches pour les échauffer médiocrement. Il doit y avoir un peu d’intervalle entre le gril & la poële, pour donner un libre accès à l’air entre la planche & le feu, qui doit être couvert de cendres chaudes.

De la maniere de tremper le papier. Pour tremper de grand papier, il faut avoir un baquet plein d’eau claire, & deux forts ais barrés par derriere ; que ces ais soient de la grandeur du papier déployé. Les barrures fortifieront les ais & les empêcheront de coffiner, & seront une commodité lorsqu’il s’agira d’enlever les ais avec le papier dont ils seront chargés.

Cela préparé, on prendra cinq ou six feuilles de papier avec les deux mains. On les tiendra par les angles, & on les passera toutes ensemble, deux ou trois fois, dans l’eau claire du baquet, selon que le papier sera plus ou moins fort, plus ou moins collé ; ensuite on les étendra sur un des ais, par-dessus celles-ci les cinq ou six autres qu’on aura trempées, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ait épuisé la quantité de papier qu’on veut tremper.

Le papier trempé mis sur un des ais on le couvri-

ra de l’autre ais, son côté uni appliqué au papier,

& l’on chargera le tout d’un poids pesant, ou l’on serrera les ais dans une presse ; cette opération produira deux effets contraires, elle fera entrer dans le papier l’eau dont il a besoin, & elle en chassera celle qui est superflue.

Il faut laisser en cet état le papier jusqu’à ce qu’on veuille tirer. Le papier trempé le soir peut servir le lendemain, & s’il arrive qu’on en ait trempé plus qu’on n’en pourroit employer, on met ce qui en reste entre celui qu’on trempe le soir, & le lendemain on l’emploie le premier.

On trempera plus long-tems le papier fort & bien collé, moins long-tems le papier foible & le moins collé.

On alune quelquefois le papier ou les étoffes sur lesquelles on veut imprimer ; l’encre s’y attache plus facilement. Pour cet effet, on dissout de l’alun dans de l’eau bouillante, & l’on trempe le papier de cette eau.

De la maniere d’encrer & d’imprimer. L’ouvrier premier de la vignette imprime ; l’ouvrier second encre.

La planche gravée ayant été limée par les bords, on en pose l’envers sur le gril, qui est au-dessus de la poële à feu. On la laisse modérément chauffer ; on a un torchon blanc & net ; on la prend par un des angles ; on la porte sur une table bien affermie, & prenant le tampon, & avec le tampon du noir, on applique le tampon & le noir sur la planche, coulant, pressant, frappant en tous sens sa surface, jusqu’à ce que ses traits soient bien chargés de noir.

Si l’on se sert d’un tampon neuf, il faut prendre trois ou quatre fois plus de noir que quand le tampon sera vieux, aura servi, & sera bien abreuvé.

Une attention qu’il ne faut pas négliger, c’est de tenir le tampon & le noir en lieu propre, & où ils ne soient point exposés à la poussiere & aux ordures, car en encrant on feroit des rayures sur la planche.

Lorsque le tampon a beaucoup servi, & qu’il est devenu dur par le noir qui s’y est attaché & séché, il faut en enlever quelques rouelles, & le traiter ensuite comme un tampon neuf.

Ayant donc bien rempli de noir les tailles de la planche, on essuie légerement le plus gros du noir, le superflu qu’on emporte avec un torchon qu’on passe aussi sur les bords de la planche. On a un autre torchon blanc, on y essuie la paume de sa main ; on passe ensuite cette main essuyée sur la planche même, hardiment & en tout sens ; on réitere cet essuiement sur la planche, & à chaque fois on essuie sa main au torchon blanc, on parvient ainsi à ne laisser à la planche aucun noir superflu ; il n’en reste que dans ses tailles, & elle est disposée à l’impression.

Alors on étendra sur la table de la presse, que l’on aura fait venir par le moyen du moulinet de l’un ou de l’autre côté, une feuille du même papier sur lequel on doit imprimer ; sur cette feuille de papier on placera un lange fin, sur celui-ci un plus gros, & ainsi de suite jusqu’au dernier, observant que les extrémités des langes ne répondent pas vis-à-vis les unes des autres ; que, par exemple, si le premier lange est à sept ou huit pouces loin du rouleau, le second qui le couvre en soit moins éloigné d’un ou deux pouces, & ainsi du troisieme, du quatrieme, &c. on le pratique de cette maniere, pour former par les épaisseurs graduées de tous ces langes comme un plan mesuré qui facilite leur passage sous le rouleau.

Ayant donc tourné le moulinet du sens convenable, & fait par ce moyen passer les langes bien étendus de l’autre côté de la presse, sans toutefois