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avoir pressé son éponge pour en faire sortir l’eau, il ramasse avec cette éponge toute l’eau qui peut être dans le tympan, met dedans les blanchets bien étendus, & le carton, & par-dessus le petit tympan pour les maintenir en état.

L’imprimeur leve son tympan & fait la marge. Nous continuons de supposer que la forme est in-8°. Il prend une feuille de son papier, la plie en deux, en marque bien le pli, la porte bien au milieu sur un côté de la forme, de maniere que le pli de cette feuille se trouve au milieu de la barre du milieu du chassis, déplie la feuille & l’étend, & tâte avec son doigt si sa marge est égale tout-autour. Il porte ensuite légerement l’éponge sur le tympan, l’abaisse sur la feuille, passe la main sur le petit tympan en appuyant un peu afin que la feuille s’attache au grand tympan, & enleve la feuille. C’est cette feuille qui regle la marge de toutes les autres, c’est-à-dire que c’est sur cette feuille que l’on pose toutes les autres avant que de les imprimer en papier blanc ou du premier côté. Puis il déchire deux doigts de l’angle de cette feuille qui se trouve en bas du tympan sous sa main gauche, parce que cet angle l’empêcheroit d’enlever de dessus le tympan les feuilles à mesure qu’elles s’impriment.

Il pose ses pointures de façon que l’ardillon se rencontre juste sur le pli du milieu de la feuille, & réponde à la mortaise de la barre du milieu du chassis. Pour en être sûr, il couvre sa marge d’une mauvaise feuille, abaisse le tympan sur la forme, & appuie la main sur le petit tympan vers le bout des pointures : s’il ne trouve point de résistance c’est signe que l’ardillon répond juste à la mortaise du chassis. On arrête les pointures sur chaque côté du tympan au moyen d’une vis & d’un écrou. Elles servent au moyen des trous qu’elles font à chaque feuille qui s’imprime du premier côté, à faire rencontrer les pages de la seconde forme exactement sur les pages de la premiere forme tirée.

Il taille sa frisquette quand elle est seche. Il l’attache au tympan par le moyen des brochettes, & l’abaisse ; puis après avoir touché la forme, il abaisse le tympan, roule la presse, & imprime le parchemin ou le papier collé sur la frisquette. Il déroule, leve le tympan, & avec des ciseaux découpe dans la frisquette ce qui doit être imprimé, & laisse tout ce qui doit être blanc. Puis il appuie le doigt tout autour des pages découpées, pour voir si rien ne mord, c’est-à-dire s’il a bien coupé tout ce qui doit être imprimé, & si quelque partie de la frisquette ne porte pas sur le caractere, ce qui l’empêcheroit de venir. Il doit aussi éviter de couper plus qu’il ne faut, car cela barbouilleroit, & il faudroit en collant la frisquette, y remettre ce qu’il en auroit ôté de trop. Au moyen de la frisquette, les feuilles passent sous la presse, & en reviennent sans avoir la moindre atteinte d’encre dans les marges.

Quand l’imprimeur a taillé sa frisquette, quelquefois même avant de la tailler, il fait son registre en papier blanc. Il prend une feuille de son papier, la marge, la couvre d’une mauvaise feuille, abaisse le tympan, & la fait passer sous presse pour l’imprimer, quoique la forme n’ait point été touchée. Il déroule la presse, leve le tympan, leve aussi la feuille, la retourne in-8°., c’est-à-dire de haut-en-bas & sens-dessus-dessous, la pointe ou la met dans les mêmes trous, la couvre de la mauvaise feuille, & la fait passer une seconde fois sous presse sans avoir été touchée ; puis il déroule la presse, leve le tympan, & voit sur cette feuille, sur laquelle il n’y a des deux côtés que l’empreinte en blanc des caracteres, si les huit pages de cette même forme se rencontrent exactement les unes sur les autres. Si les pages se rencontrent exactement les unes sur

autres, le registre en papier blanc est fait ; & cela doit être quand le chassis est juste, quand les garnitures sont bonnes, & les pointures bien au milieu. Si les pages ne se rencontrent pas, il examine si le défaut vient du chassis, de la garniture, ou des pointures. Il remédie aux défauts du chassis & de la garniture en y ajoûtant quelques reglettes, & à l’égard des autres défauts, il y remédie aussi en faisant mouvoir les pointures. Après cela il tire une seconde feuille en blanc, pour être plus sûr de la rencontre juste des pages de sa forme les unes sur les autres. Quand l’imprimeur a bien fait son registre en papier blanc, sa forme est en train ; & il lui est beaucoup plus facile de faire le registre de la retiration, c’est-à-dire de la seconde forme.

Il fait la tierce, jette avec l’éponge de l’eau sur le tympan, & desserre la forme. La tierce est la premiere feuille qu’il tire après avoir mis sa forme en train. Il porte cette feuille avec la derniere épreuve au prote, qui examine avec attention si rien ne mord ou si rien ne barbouille, si la marge est bonne, si toutes les fautes marquées par l’auteur ou le correcteur sur la derniere épreuve ont été exactement corrigées, & s’il n’y a point dans la forme des lettres mauvaises, dérangées, hautes ou basses, tombées, &c. S’il y a quelque chose à corriger, le prote le marque sur la tierce, & le corrige, après quoi il avertit les imprimeurs qu’ils peuvent aller leur train.

Alors l’imprimeur prend le taquoir, taque la forme, la serre un peu moins que quand il faut la lever, & décharge le tympan, en mettant dessus deux ou trois mauvaises feuilles de papier sec, & les tirant comme pour les imprimer. Puis les deux compagnons partagent le travail : l’un prend le barreau, l’autre prend les balles, & cela pendant le tirage d’une rame, qui contient cinq cens feuilles ; après quoi celui qui étoit au barreau prend les balles, & celui qui avoit les balles prend le barreau : quand la presse est rude, la mutation se fait plus souvent.

L’office de celui qui a les balles est de broyer de l’encre, d’en prendre, de distribuer les balles, de toucher & de veiller à l’ouvrage. Pour broyer de l’encre, il pose le bord du broyon sur le tas d’encre ; il s’y en attache un peu qu’il étend sur le bord de l’encrier. Il vaut mieux en broyer peu à la fois & en broyer plus souvent. Quand on en broie peu à la fois, elle s’étend plus facilement sur l’encrier, & se distribue mieux. Il prend de l’encre en approchant le cuir d’une des balles du bord de l’encrier. Il en faut prendre plus ou moins souvent, en raison du format & du caractere ; puis il distribue les balles, c’est-à-dire qu’il les passe & repasse plusieurs fois l’une sur l’autre en les tournant en sens contraire. C’est une fonction qu’il ne doit point se lasser de faire ; car rien ne contribue plus à faire une impression égale, que de prendre peu d’encre à la fois, & de distribuer souvent les balles. Ensuite il touche la forme, c’est-à-dire qu’il empreint l’œil du caractere d’une couche d’encre légere, en faisant passer & repasser les balles successivement sur toutes les parties de la forme, en observant de bien appuyer les balles sur le caractere, de ne presque point le quitter en touchant, & de toucher du milieu des balles en les tenant bien droites. Enfin après avoir touché, il doit regarder attentivement l’ouvrage, pour voir si la frisquette ne mord point, ou si rien ne barbouille, si tout vient également, & quand on est en papier blanc, si la marge est bonne. Quand il y a quelque ordure sur la forme, ce qui arrive souvent, aussi-tôt qu’il s’en apperçoit sur le papier, il doit la chercher sur la forme & l’enlever avec la pointe. S’il voit quelque défaut, il doit y remédier, en avertir son compagnon. Par exemple, s’il y a quelques en-