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au bord de la riviere de Cauter. Elle a été fondée par le gouverneur Pierre Valdivia en 1551, à 39 lieues de la Conception, où l’évêque s’est retiré depuis la prise de la ville par les Indiens. Elle est dans un pays charmant, sur une roche escarpée ; mais il lui manque un bon port, à cause des bancs de sable, qui y mettront toûjours un obstacle invincible. Long. 305. latit. mérid. 38. 40. (D. J.)

* IMPÉRIEUX, (Gram. & Morale.) on le dit de l’homme, du caractere, du geste & du ton. L’homme impérieux veut commander par-tout où il est ; cela est dans son caractere ; il a le ton haut & fier, & le geste insolent. Les hommes impérieux avec leurs égaux sont impertinens, ou vils avec leurs supérieurs ; impertinens, s’ils demeurent dans leurs caracteres ; vils, s’ils en descendent. Si les circonstances favorisoient l’homme impérieux, & le portoient aux premiers postes de la société, il y seroit despote. Il est né tyran, & il ne songe pas à s’en cacher. S’il rencontre un homme ferme, il en est surpris ; il le regarde au premier coup d’œil comme un esclave qui méconnoît son maître. Il y a des amis impérieux ; tôt ou tard on s’en détache. Il y a peu de bienfaiteurs qui ayent assez de délicatesse pour ne le pas être. Ils rendent la reconnoissance onéreuse, & font à la longue des ingrats. On s’affranchit quelquefois de l’homme impérieux par les services qu’on en obtient. Il contraint son caractere, de peur de perdre le mérite de ses bienfaits. L’amour est une passion impérieuse, à laquelle on sacrifie tout. Et en effet, qu’est-ce qu’il y a à comparer à une femme, à une belle femme, au plaisir de la posséder, à l’ivresse qu’on éprouve dans ses embrassemens, à la fin qui nous y porte, au but qu’on y remplit, & à l’effet dont ils sont suivis ?

Les femmes sont impérieuses ; elles semblent se dédommager de leur foiblesse naturelle par l’exercice outré d’une autorité précaire & momentanée. Les hommes impérieux avec les femmes, ne sont pas ceux qui les connoissent le plus mal ; ces rustres-là semblent avoir été faits pour venger d’elles les gens de bien qu’elles dominent, ou qu’elles trahissent.

* IMPÉRISSABLE, adj. (Gram. & Philosoph.) qui ne peut périr. Ceux qui regardent la matiere comme éternelle, la regardent aussi comme impérissable. Rien, selon eux, ne se perd de la quantité du mouvement, rien de la quantité de la matiere. Les êtres naissans s’accroissent & disparoissent, mais leurs élémens sont éternels. La destruction d’une chose a été, est & sera à jamais la génération d’une autre. Ce sentiment a été celui de presque tous les anciens Philosophes, qui n’avoient aucune idée de la création.

IMPÉRIT, IMPÉRITIE, (Gram.) ignorance des choses de l’état qu’on professe. Un juge, un avocat, un ecclésiastique, un notaire, un érudit, un medecin, un chirurgien, peuvent être accusés d’impéritie. Impéritie est un peu plus d’usage qu’impérit. Cependant on lit, école du monde : « le bon prélat Salcidius fut tellement pénétré de l’esprit du népotisme, que quoique son neveu, très-impérit en toutes choses, eût une femme vivante & des enfans, il trouva le moyen de le faire prêtre, chanoine, official, grand-vicaire, & surintendant du temporel & du spirituel de son évêché ». Voyez le diction. de Trévoux.

IMPERIUM, (Littér.) ce mot qu’on ne peut rendre en françois que par périphrase, & qu’on trouve si souvent dans les auteurs, mérite une explication. Il faut savoir, que lorsqu’il regarde le consul ou le préteur qu’on envoyoit gouverner les provinces, ce consul ou préteur partoit avec deux sortes de puissance, dont l’une se nommoit potestas, & l’autre imperium ; la premiere étoit le droit de jurisdiction sur les personnes ; droit qui étoit déféré

par un décret du sénat ; mais la seconde se conféroit par une loi que le peuple assemblé faisoit exprès. Cette derniere puissance consistoit dans un pouvoir suprême donné au consul ou au préteur sur les gens de guerre, comme gens de guerre ; ensorte qu’alors ils avoient sur le militaire pouvoir de vie & de mort, sans forme de procès, & sans appel. Cette grande prérogative se nommoit en un seul mot imperium ; prérogative dont le peuple romain retint toûjours à lui la collation, la continuation, ou prorogation. Quand c’étoient des magistrats ordinaires, qu’il falloit envoyer dans les provinces, le peuple assemblé par curies, leur conféroit ou leur refusoit le pouvoir nommé imperium. De même si c’étoit à quelque personne privée que le gouvernement d’une province fût accordé, par la recommandation de son rare mérite, le peuple s’assembloit par tribus pour lui conférer la puissance nommée imperium. Il résulte de-là, que potestas senatus-consulto, imperium lege deferebatur. (D. J.)

IMPERSONNEL, adject. (Gramm.) le mot personnel signifie qui est relatif aux personnes, ou qui reçoit des inflexions relatives aux personnes. C’est dans le premier sens, que les Grammairiens ont distingué les pronoms personnels, parce que chacun de ces pronoms a un rapport fixe à l’une des trois personnes : & c’est dans le second sens que l’on peut dire que les verbes sont personnels, quand on les envisage comme susceptibles d’inflexions relatives aux personnes. Le mot impersonnel est composé de l’adjectif personnel, & de la particule privative in : il signifie donc, qui n’est pas relatif aux personnes, ou qui ne reçoit pas d’inflexions relatives aux personnes. Les Grammairiens qualifient d’impersonnels certains verbes qui n’ont, disent-ils, que la troisieme personne du singulier dans tous leurs tems ; comme libet, licet, evenit, accidit, pluit, lucescit, oportet, piget, pœnitet, pudet, miseret, tœdet, itur, fletur, &c. Cette notion, comme on voit, s’accorde assez peu avec l’idée naturelle qui résulte de l’étymologie du mot ; & même elle la contredit, puisqu’elle suppose une troisieme personne aux verbes que la dénomination indique comme privés de toutes personnes.

Les Grammairiens philosophes, comme Sanctius, Scioppius, & l’auteur de la Grammaire générale, ont relevé justement cette méprise ; mais ils sont tombés dans une autre : ils ne se contentent pas de faire entrer dans la définition des verbes impersonnels, la notion des personnes ; ils y ajoûtent celle des tems & des nombres : quod certâ personâ non finitur, sed nec numerum aut tempus certum habet, ut amare, amavisse, dit Scioppius (Gram. philos. de verbo) ; impersonale illud omninò deberet esse, quòd personis, numeris, & temporibus careret, quale est amare & amari, dit Sanctius, (Minerv. lib. I. cap. xij.) N’est-il pas évident que les idées du nombre & du tems ne font rien à l’impersonalité ? D’ailleurs, pour donner en ce sens la qualification d’impersonnels aux infinitifs amare, amavisse, amari, & semblables, il faut supposer que les infinitifs n’admettent aucune différence de tems, ainsi que le prétend en effet Sanctius (ibid. cap. xiv.) : mais c’est une erreur fondée sur ce que ce savant homme n’avoit pas des tems une notion bien exacte ; la distinction en est aussi réelle à l’infinitif qu’aux autres modes du verbe. (Voyez Infinitif & Temps) & l’auteur de la Grammaire générale (Part. II. ch. xix.) semble y avoir fait attention, lorsqu’il attribue au verbe impersonnel de marquer indéfiniment, sans nombre & sans personne.

En réduisant donc l’idée de la personalité & de l’impersonalité à la seule notion des personnes, comme le nom même l’exige ; ces mots expriment des propriétés, non d’aucun verbe pris dans sa totalité,