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Ignorance, (Morale.) L’ignorance, en Morale, est distinguée de l’erreur. L’ignorance n’est qu’une privation d’idées ou de connoissance ; mais l’erreur est la non-conformité ou l’opposition de nos idées avec la nature & l’état des choses. Ainsi l’erreur étant le renversement de la vérité, elle lui est beaucoup plus contraire que l’ignorance, qui est comme un milieu entre la vérité & l’erreur. Il faut remarquer que nous ne parlons pas ici de l’ignorance & de l’erreur, simplement pour connoître ce|qu’elles sont en elles-mêmes ; notre principal but est de les envisager comme principes de nos actions. Sur ce pié-là, l’ignorance & l’erreur, quoique naturellement distinctes l’une de l’autre, se trouvent pour l’ordinaire mêlées ensemble & comme confondues, ensorte que ce que l’on dit de l’une, doit également s’appliquer à l’autre. L’ignorance est souvent la cause de l’erreur ; mais jointes ou non, elles suivent les mêmes regles, & produisent le même effet par l’influence qu’elles ont sur nos actions ou nos omissions. Peut-être même que dans l’exacte précision, il n’y a proprement que l’erreur qui puisse être le principe de quelque action, & non la simple ignorance, qui n’étant en elle-même qu’une privation d’idées, ne sauroit rien produire.

L’ignorance & l’erreur sont de plusieurs sortes, & il est nécessaire d’en marquer ici les différences. 1°. L’erreur considérée par rapport à son objet est ou de droit ou de fait. 2°. Par rapport à son origine, l’ignorance est ou volontaire ou involontaire ; l’erreur est vincible ou invincible. 3°. Eu égard à l’influence de l’erreur sur l’action ou sur l’affaire dont il s’agit, elle est essentielle ou accidentelle.

L’erreur est de droit ou de fait, suivant que l’on se trompe, ou sur la disposition d’une loi, ou sur un fait qui n’est pas bien connu. Ce seroit, par exemple, une erreur de droit, si un prince jugeoit que de cela seul qu’un état voisin augmente insensiblement en force & en puissance, il peut légitimement lui déclarer la guerre. Au contraire, l’idée qu’avoit Abimelec de Sara, femme d’Abraham, en la prenant pour une personne libre, étoit une erreur de fait.

L’ignorance dans laquelle on se trouve par sa faute, ou l’erreur contractée par négligence, & dont on se seroit garanti, si l’on eût pris tous les soins dont on étoit capable, est une ignorance volontaire, ou bien c’est une erreur vincible. Ainsi le polithéïsme des Payens étoit une erreur vincible ; car il ne tenoit qu’à eux de faire usage de leur raison pour comprendre qu’il n’y avoit nulle nécessité de supposer plusieurs dieux. Mais l’ignorance est involontaire, & l’erreur est invincible, si elles sont telles que l’on n’ait pû ni s’en garantir, ni s’en relever, même avec tous les soins moralement possibles. C’est ainsi que l’ignorance où étoient les Américains de la religion chrétienne avant qu’ils eussent aucun commerce avec les Européens, étoit une ignorance involontaire & invincible.

Enfin, l’on entend par une erreur essentielle, celle qui a pour objet quelque circonstance nécessaire dans l’affaire dont il s’agit, & qui par cela même a une influence directe sur l’action faite en conséquence, ensorte que sans cette erreur, l’action n’auroit point été faire. C’étoit, par exemple, une erreur essentielle que celle des Troyens, qui, à la prise de leur ville, lançoient des traits sur leurs propres gens, les prenant pour des ennemis, parce qu’ils étoient armés à la greque.

Au contraire, l’erreur accidentelle est celle qui n’a par elle-même nulle liaison nécessaire avec l’affaire dont il s’agit, & qui par conséquent ne sauroit être considérée comme la vraie cause de l’action.

A l’égard des choses faites par erreur ou par ignorance, on peut dire en général que l’on n’est point responsable de ce que l’on fait par une ignorance invincible,

quand d’ailleurs elle est involontaire dans son origine & dans sa cause. Si un prince traverse ses états, travesti & incognito, ses sujets ne sont point blâmables de ce qu’ils ne lui rendent pas les honneurs qui lui sont dûs. Mais on imputeroit avec raison une sentence injuste à un juge qui par sa négligence à s’instruire du fait ou du droit, auroit manqué des connoissances nécessaires pour juger avec equité. Au reste, la possibilité de s’instruire, & les soins que l’on doit prendre pour cela, ne s’estiment pas à toute rigueur dans le train ordinaire de la vie ; on considere ce qui se peut ou ne se peut pas moralement, & avec de justes égards à l’état actuel de l’humanité.

L’ignorance ou l’erreur en matiere de lois & de devoirs, passe en général pour volontaire, & n’empêche point l’imputation des actions ou des omissions qui en sont les suites. Mais il peut y avoir des cas particuliers, dans lesquels la nature de la chose qui se trouve par elle-même d’une discussion difficile, jointe au caractere & à l’état de la personne, dont les facultés naturellement bornées ont encore manqué de culture par un défaut d’éducation, rendent l’erreur insurmontable, & par conséquent digne d’excuse. C’est à la prudence du législateur à peser ces circonstances, & à modifier l’imputation sur ce pié-là.

IGUALADA, (Géogr.) petite ville d’Espagne, dans la Catalogne, sur la riviere de Noa.

IGUANA, s. m. (Zoolog.) sorte de lézard amphibie, très-commun aux Indes occidentales. Sa couleur est dans quelques-uns mi-partie brune & mi-partie grise ; dans quelques autres elle est d’un beau verd, marqueté de taches noires & blanches. Du col à la queue regne une chaîne d’écailles vertes, applaties & dentelées dans les bords. Le cabinet du sieur Seba donne la description & la figure des plus beaux iguana. (D. J.)

* IGUARUCU. s. m. (Hist. nat. Zoologie.) animal du Brésil ; c’est un amphybie. Il vit sous l’eau comme les poissons ; il marche sur la terre comme les quadrupedes ; il grimpe aux arbres comme quelques serpens. Il se retire dans les brossailles. Il a la forme du crocodile ; il est de la grosseur du bœuf ; sa peau est noire ; il n’a point d’écailles dures comme le crocodile ; son corps est uni, mais tacheté. Son dos est hérissé d’arrêtes en forme de peigne, depuis la tête jusqu’à la queue. L’ouverture de sa gueule est grande ; ses dents d’une force médiocre, & plûtôt menues que grosses. Ses ongles, semblables aux serres des oiseaux, mais foibles & innocens ; il pond des œufs en grande quantité, & on les mange. Il souffre long-tems la soif & la faim. Sa chair est un mets délicat ; les Espagnols s’y sont faits, & l’exemple des Américains leur a ôté la répugnance qu’ils en avoient d’abord.

I H

IHNA, (Géogr.) riviere d’Allemagne, dans la nouvelle Marche de Brandebourg. Elle prend sa source à Reetz ; & après avoir traversé la Poméranie, se jette dans la mer Baltique.

IHOR, (Géog.) ville d’un petit royaume de même nom en Asie, dans le continent de Malaca. Les habitans sont mahométans, & trafiquent le long des côtes dans leurs petites barques, qu’ils appellent procs, & que les Européens nomment demi-lunes, à cause de leur figure. Le roi de Siam se fait payer tous les ans par ce petit état un tribut de trois cens livres de notre monnoie actuelle. Long. 121. 30. lat. 1. 58. (D. J.)