Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/538

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& puis d’Agen, dans l’oraison funebre d’Henriette d’Angleterre. « Le grand, l’invincible, le magnanime Louis, à qui l’antiquité eut donné mille cœurs, elle qui les multiplioit dans les héros, selon le nombre de leurs grandes qualités, se trouve sans cœur à ce spectacle ».

Il est certain que ce mauvais goût a paru & s’est éclipsé à plusieurs reprises dans les divers pays. Il n’y a même nul doute qu’il ne revienne dans une nation, toutes les fois que l’amour de la frivolité, de la plaisanterie, & du ridicule, succédera à l’amour du bon, du solide & du vrai. Si cette réflexion est juste, craignons le retour prochain de ce mauvais goût parmi nous. Cependant je n’appréhende pas si-tôt le retour des jeux de mots grossiers ; nous sommes encore assez délicats pour les renvoyer, je ne dirai point aux gens de robe, comme on le prétend à la cour, mais aux spectacles des farceurs, ou aux artisans qui sont les plaisans de leur voisinage. (D. J.)

Jeu, lusus. (Bell. lett.) Voyez Jouer & Jeux.

Jeu de théatre, (en poësie.) Voyez Drame, Tragédie, Comédie, &c.

Jeux (Salle de). Voyez Théatre, Amphithéatre, &c.

Jeux, s. m. pl. (Antiq. greq. & rom.) sortes de spectacles publics qu’ont eû la plûpart des peuples pour se délasser, ou pour honorer leurs dieux ; mais puisque parmi tant de nations nous ne connoissons gueres que les jeux des Grecs & des Romains, nous nous retrancherons à en parler uniquement dans cet article.

La religion consacra chez eux ces sortes de spectacles ; on n’en connoissoit point qui ne fût dédié à quelque dieu en particulier, ou même à plusieurs ensemble ; il y avoit un arrêt du sénat romain qui le portoit expressément. On commençoit toûjours à les solemniser par des sacrifices, & autres cérémonies religieuses : en un mot, leur institution avoit pour motif apparent la religion, ou quelque pieux devoir.

Les jeux publics des Grecs se divisoient en deux especes différentes ; les uns étoient compris sous le nom de gymniques, & les autres sous le nom de scéniques. Les jeux gymniques comprenoient tous les exercices du corps, la course à pié, à cheval, en char, la lutte, le saut, le javelot, le disque, le pugilat, en un mot le pentathle ; & le lieu où l’on s’exerçoit, & où l’on faisoit ces jeux, se nommoit Gymnase, Palestre, Stade, &c. selon la qualité des jeux. Voyez Gymniques, Gymnase, Palestre, Stade, &c.

A l’égard des jeux scéniques on les représentoit sur un théatre, ou sur la scene, qui est prise pour le théatre entier. Voyez Scene.

Les jeux de Musique & de Poësie n’avoient point de lieux particuliers pour leurs représentations.

Dans tous ces jeux il y avoit des juges pour décider de la victoire, mais avec cette différence que dans les combats tranquilles, où il ne s’agissoit que des ouvrages d’esprit, du chant, de la musique, les juges étoient assis lorsqu’ils distribuoient les prix ; & dans les combats violens & dangereux, les juges prononçoient debout : nous ignorons la raison de cette différence. Pour ce qui regarde l’ordre, les lois, les statuts de ces derniers combats, on en trouvera le détail au mot Gymniques.

Toutes ces choses présupposées connues, nous nous contenterons de remarquer, que parmi tant de jeux, les Olympiques, les Pythiens, les Néméens & les Isthmiens, ne sortiront jamais de la mémoire des hommes, tant que les écrits de l’antiquité subsisteront dans le monde.

Dans les quatre jeux solemnels qu’on vient de

nommer ; dans ces jeux qu’on faisoit avec tant d’éclat, & qui attiroient de tous les endroits de la terre une si prodigieuse multitude de spectateurs & de combattans ; dans ces jeux, dis-je, à qui seuls nous devons les odes immortelles de Pindare, on ne donnoit pour toute récompense qu’une simple couronne d’herbe ; elle étoit d’olivier sauvage aux jeux Olympiques, de laurier aux jeux Pythiques, d’ache verd aux jeux Néméens, & d’ache sec aux jeux Isthmiques. La Grece voulut apprendre à ses enfans que l’honneur devoit être l’unique but de leurs actions.

Aussi lisons-nous dans Hérodote que durant la guerre de Perse, Tigrane entendant parler de ce qui constituoit le prix des jeux si fameux de la Grece, il se tourna vers Mardonius, & s’écria, frappé d’étonnement : « Ciel, avec quels hommes nous avez-vous mis aux mains ! insensibles à l’intérêt, ils ne combattent que pour la gloire ». Voyez donc Jeux Olympiques, Pythiens, Néméens, Isthmiens.

Il y avoit quantité d’autres jeux passagers, qu’on célébroit dans la Grece ; tels sont dans Homere ceux qui furent faits aux funérailles de Patrocle ; & dans Virgile, ceux qu’Enée fit donner pour le jour de l’anniversaire de son pere Anchise. Mais ce n’étoient là que des jeux privés, des jeux où l’on prodiguoit pour prix des cuirasses, des boucliers, des casques, des épées, des vases, des coupes d’or, des esclaves. On n’y distribuoit point de couronnes d’ache, d’olivier, de laurier ; elles étoient réservées pour de plus grands triomphes.

Les jeux Romains ne sont pas moins fameux que ceux des Grecs, & ils furent portés à un point incroyable de grandeur & de magnificence. On les distingua par le lieu où ils étoient célébrés, ou par la qualité du dieu à qui on les avoit dédiés. Les premiers étoient compris sous le nom de jeux circenses & de jeux scéniques, parce que les uns étoient célébrés dans le cirque, & les autres sur la scene. A l’égard des jeux consacrés aux dieux, on les divisoit en jeux sacrés, en jeux votifs, parce qu’ils se faisoient pour demander quelque grace aux dieux ; en jeux funebres & en jeux divertissans, comme étoient par exemple les jeux compitaux. Voyez Circenses, Funebres, Sacrés, Votifs.

Les rois réglerent les jeux Romains pendant le tems de la royauté ; mais après qu’ils eurent été chassés de Rome, dès que la république eut pris une forme reguliere, les consuls & les préteurs présiderent aux jeux Circenses, Apollinaires & Séculaires. Les édiles plébéïens eurent la direction des jeux Plébéiens ; le préteur, ou les édiles curules, celle des jeux dédiés à Cérès, à Apollon, à Jupiter, à Cybele, & aux autres grands dieux, sous le titre de jeux Mégalésiens. Voyez Apollinaires, Jeux céréaux, Capitolins, Mégalésiens

Dans ce nombre de spectacles publics, il y en avoit que l’on appelloit spécialement jeux Romains, & que l’on divisoit en grands, magni, & très-grands, maximi.

Le sénat & le peuple ayant été réunis l’an 387, par l’adresse & l’habileté de Camille, la joie fut si vive dans tous les ordres, que pour marquer aux dieux leur reconnoissance de la tranquillité, dont ils esperoient jouir, le sénat ordonna que l’on fît de grands jeux à l’honneur des dieux, & qu’on les solemnisât pendant quatre jours, au lieu qu’auparavant les jeux publics n’avoient eû lieu que pendant trois jours, & ce fut par ce changement qu’on appella ludi maximi les jeux qu’on nommoit auparavant ludi magni.

On célébroit chez les Romains des jeux, non-seulement à l’honneur des divinités qui habitoient le ciel, mais même à l’honneur de celles qui régnoient