Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tacle, deviendroient un aide, un secours infini à la recherche de la vérité, par le moyen des idées distinctes, dont ils doivent être les signes. C’est à l’article des définitions & à tant d’autres, sur la partie philosophique de la Grammaire que nous renvoyons.

Quelque étendue que l’on ait donné à cet article, il y auroit encore bien des choses a dire sur nos idées, considérées relativement aux facultés de notre ame, sur leurs usages, comme étant les sources de nos jugemens, & les principes de nos connoissances. Mais tout cela a été dit, & se trouve dans un si grand nombre de bons ouvrages sur l’art de penser & de communiquer nos pensées, qu’il seroit superflu de s’y arrêter davantage. Quiconque voudra méditer sur ce qui se passe en lui, lorsqu’il s’applique à la recherche de quelque vérité, s’instruira mieux par lui même de la nature des idées, de leurs objets, & de leur utilité.

Idée, s. f. (Antiq. grecq. & rom.) Idæa, surnom de Cybele, qu’on adoroit particulierement sur le mont Ida ; par la même raison ses ministres les dactyles, ou les corybantes, étoient appellés Idéens, mais ils ne tenoient cette qualification que de l’honneur qu’ils avoient de servir la mere des dieux ; on la nommoit par excellence Idæa magna mater, & c’est elle que regardent les inscriptions avec ces trois lettres I. M. M. Ideæ magnæ matri. On célébroit solemnellement dans toute la Phrygie la fête sacrée de la mere Idéenne, par des sacrifices & des jeux, & on promenoit sa statue au son de la flûte & du tympanon.

Les Romains lui sacrifierent à leur tour, & instituerent des jeux à sa gloire, avec les cérémonies romaines ; mais ils y employerent des Phrygiens & des Phrygiennes, qui portoient par la ville la statue de Cybele, en sautant, dansant, battant de leurs tambours, & jouant de leurs crotales. Denys d’Halycarnasse remarque qu’il n’y avoit aucun citoyen de Rome qui se mêlât avec ces Phrygiens, & qui fût initié dans les mysteres de la déesse. (D. J.)

IDEEN, Dactyle, (Littérat.) prêtre de Jupiter, sur le mont Ida en Phrygie, ou dans l’île de Crete. On n’est d’accord ni sur l’origine des dactyles idéens, ni sur leur nombre, ni sur leurs fonctions. On les confond avec les curetes, les corybantes, les telchines, & les cabires ; on peut consulter sur cet article, parmi les anciens, Diodore de Sicile, lib. V. & XVII. Strabon, lib. X. p. 473. le Scholiaste d’Apollonius de Rhodes, lib. I. Eustathe sur Homere, Iliad. 2. p. 353. & Pausanias, lib. V. cap. xvij.

Ce furent les dactyles idéens de Crete qui les premiers fondirent la mine de fer, après avoir appris dans l’incendie des forêts du mont Ida que cette mine étoit fusible. La chronique de Paros (Epoch. 11. Marm. oxon. p. 163.) met cette découverte dans l’année de cette chronique 1168, sous le regne de Pandion à Athenes, & l’attribue aux deux dactyles idéens, nommés Celmis & Damnacé ; voyez les mémoires de l’acad. des Inscr. tom. XIV. & le mot Dactyle.

IDENTIFIER, v. act. & neut. (Gram.) de deux ou plusieurs choses différentes n’en faire qu’une ; on dit aussi s’identifier.

IDENTIQUE, adj. Voyez son substantif Identité.

Identique, (Alg.) on appelle équation identique celle dont les deux membres sont les mêmes, ou contiennent les mêmes quantités, sous le même ou sous différentes formes ; par exemple, a = a, ou aaxx = (a + x) ✕ (ax), sont des équations identiques. Dans ces équations, si on passe tous les termes d’un même côté, on trouve qu’ils se détruisent mutuellement, & que tout se réduit à 0 = 0, ce qui n’apprend rien. Ces sortes d’équations ne servent à rien pour la solution des problêmes, & il faut pren-

dre garde dans la solution de certains problèmes

compliqués de tomber dans des équations identiques ; car on croiroit être parvenu à la solution, & l’on se tromperoit : c’est ce qui arrive quelquefois ; par exemple, on veut transformer une courbe en une autre, on croit avoir résolu le problème, parce qu’on est parvenu à une équation qui en apparence differe de la proposée, & on n’a fait quelquefois que transformer les axes. (O)

Identité, s. f. (Métaphysiq.) l’identité d’une chose est ce qui fait dire qu’elle est la même & non une autre ; il paroît ainsi qu’identité & unité ne different point, sinon par certain regard de tems & de lieu. Une chose considérée en divers lieux ; ou en divers tems, se retrouvant ce qu’elle étoit, est alors dite la même chose. Si vous la considériez sans nulle différence de tems ni de lieu, vous la diriez simplement une chose ; car par rapport au même tems & au même lieu, on dit voilà une chose, & non voilà la même chose.

Nous concevons différemment l’identité en différens êtres ; nous trouvons une substance intelligente, toûjours précisément la même, à raison de son unité ou indivisibilité, quelques modifications qu’il y survienne, telles que ses pensées ou ses sentimens. Une même ame n’en est pas moins précisément la même, pour éprouver des changemens d’augmentation ou de diminution de pensées ou de sentimens ; au lieu que dans les êtres corporels, une portion de matiere n’est plus dite précisément la même, quand elle reçoit continuellement augmentation ou altération dans ses modifications, telles que sa figure & son mouvement.

Observons que l’usage admet une identité de ressemblance, qui se confond souvent avec la vraie identité ; par exemple, en versant d’une bouteille de vin en deux verres, on dit que dans l’un & l’autre verre c’est le même vin ; & en faisant deux habits d’une même piece de drap, on dit que les deux habits sont de même drap. Cette identité n’est que dans la ressemblance, & non dans la substance, puisque la substance de l’un peut se trouver détruite, sans que la substance de l’autre se trouve altérée en rien. Par la ressemblance deux choses sont dites aussi la même, quand l’une succede à l’autre dans un changement imperceptible, bien que très-réel, en sorte que ce sont deux substances toutes différentes ; ainsi la substance de la riviere de Seine change tous les jours imperceptiblement, & par-là on dit que c’est toûjours la même riviere, bien que la substance de l’eau qui forme cette riviere change & s’écoule à chaque instant ; ainsi le vaisseau de Thesée étoit dit toûjours le même vaisseau de Thesée, bien qu’à force d’être radoubé il ne restât plus un seul morceau du bois dont il avoit été formé d’abord ; ainsi le même corps d’un homme à cinquante ans n’a-t-il plus rien peut-être de la substance qui composoit le même corps quand cet homme n’avoit que six mois, c’est-à-dire qu’il n’y a souvent dans les choses materielles qu’une identité de ressemblance, que l’équivoque du mot fait prendre communément pour une identité de substance. Quelque mince que paroisse cette observation, on en peut voir l’importance par une réflexion de M. Bayle, dans son Dictionnaire critique, au mot Spinosa, lettre L. Il montre que cette équivoque pitoyable est le fondement de tout le fameux système de Spinosa.

Séneque fait un raisonnement sophistique, en le composant des différentes significations du terme d’identité. Pour consoler un homme de la perte de ses amis, il lui représente qu’on peut en acquérir d’autres ; mais ils ne seront pas les mêmes ? ni vous non plus, dit-il, vous n’êtes pas le même, vous changez toujours. Quand on se plaint que de nouveaux