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qui ont été de cet ordre en qualité de chevaliers compagnons.

Les auteurs varient sur son origine : on raconte communément qu’il fut institué en l’honneur d’une jarretiere de la comtesse de Salisbury, qu’elle avoit laissé tomber en dansant, & que le roi Edouard ramassa : mais les antiquaires d’Angleterre les plus estimés traitent ce récit d’historiette & de fable.

Cambden, Fern, &c. disent qu’il fut institué à l’occasion de la victoire que les Anglois remporterent sur les François à la bataille de Crécy : selon quelques historiens, Edouard fit déployer sa jarretiere comme le signal du combat, & pour conserver la mémoire d’une journée si heureuse, il institua un ordre dont il voulut qu’une jarretiere fût le principal ornement, & le symbole de l’union indissoluble des chevaliers. Mais cette origine s’accorde mal avec ce qu’on va lire ci-dessous.

Le pere Papebroke, dans ses analectes sur saint Georges, au troisieme tome des actes des Saints publiés par les Bollandistes, nous a donné une dissertation sur l’ordre de la jarretiere. Il observe que cet ordre n’est pas moins connu sous le nom de saint Georges que sous celui de la jarretiere ; & quoiqu’il n’ait été institué que par le roi Edouard III. néanmoins avant lui, Richard I. s’en étoit proposé l’institution du tems de son expédition à la terre-sainte (si l’on en croit un auteur qui a écrit sous le regne d’Henri VIII.) ; cependant Papebroke ajoute qu’il ne voit pas sur quoi cet auteur fonde son opinion, & que malgré presque tous les écrivains qui fixent l’époque de cette institution en 1350, il aime mieux la rapporter avec Froissard, à l’an 1344 ; ce qui s’accorde beaucoup mieux avec l’histoire de ce prince, dans laquelle on voit qu’il convoqua une assemblée extraordinaire de chevaliers cette même année 1344.

Si par cette assemblée extraordinaire de chevaliers, il faut entendre les chevaliers de la jarretiere, il s’ensuivra que cet ordre subsistoit dès l’an 1344 ; par conséquent l’origine que lui ont donné Cambden, Fern & d’autres, est une pure supposition, car il est constant que la bataille de Créci ne fut donnée qu’en 1346 le 26 d’Août. Comment donc Edouard auroit-il pû instituer un ordre de chevalerie en mémoire d’un événement qui n’étoit encore que dans la classe des choses possibles ? ou s’il a retardé jusqu’en 1350 à l’instituer en mémoire de la victoire de Créci, il faut avouer qu’il s’écartoit fort de l’usage commun de ces sortes d’établissemens, qui suivent toujours immédiatement les grands événemens qui y donnent lieu. Ne seroit-il pas permis de conjecturer que les écrivains anglois ont voulu par-là sauver la gloire d’Edouard, & tourner du côté de l’honneur une action qui n’eut pour principe que la galanterie. Ce prince fut un héros, & nous le fit bien sentir ; mais comme beaucoup d’autres héros, il eut ses foiblesses. En tout cas, si la jarretiere de la comtesse de Salisbury est une fable, la jarretiere déployée à la bataille de Créci pour signal du combat, est une nouvelle historique.

En 1551 Edouard VI. fit quelques changemens au cérémonial de cet ordre. Ce prince le composa en latin, & l’on en conserve encore aujourd’hui l’original écrit de sa main ; il y ordonna que l’ordre ne seroit plus appellé l’ordre de saint Georges, mais celui de la jarretiere ; & au lieu du portrait de saint Georges suspendu ou attaché au collier, il y substitua l’image d’un cavalier portant un livre sur la pointe de son épée, le mot protectio gravé sur l’épée, & verbum Dei gravé sur le livre, & dans la main gauche une boucle sur laquelle est gravé le mot fides. Larrey.

On trouvera une histoire plus détaillée de l’ordre de la jarretiere dans Cambden, Dawson, Heland, Polydore Virgil, Heylin, Legar, Glover & Favyn.

Erhard, Cellius & le prince d’Orange, ajoute Papebroke, ont donné des descriptions des cérémonies usitées à l’installation ou à la réception des chevaliers. Un moine de Citeaux, nommé Mendocius Valetus, a composé un traité intitulé la jarretiere, ou speculum anglicanum, qui a été imprimé depuis sous le titre de cathéchisme de l’ordre de la jarretiere, où il explique toutes les allégories réelles ou prétendues de ces cérémonies avec leur sens moral.

Jarretieres, (Littérature.) en Italie comme en Grece les femmes galantes se piquoient d’avoir des jarretieres fort riches ; c’étoit même un ornement des filles les plus sages, parce que comme leurs jambes étoient découvertes dans les danses publiques, les jarretieres servoient à les faire paroître, & à en relever la beauté. Nos usages n’exigent pas ce genre de luxe ; c’est pourquoi les jarretieres de nos dames ne sont pas si magnifiques que celles des dames greques & romaines. (D. J.)

JARS, voyez Oye.

JAS d’Ancre, s. m. (Marine.) assemblage de deux pieces de bois de même forme & de même grosseur, jointes ensemble vers l’arganeau de l’ancre, & qui empêchent qu’elle ne se couche sur le fond lorsqu’on la jette en mer ; ce qui est nécessaire pour que les pattes de l’ancre puissent s’enfoncer & mordre dans le fond, soit sable ou vase. Voyez Ancre. (Z)

Jas, s. m. (Salines.) c’est, dit le dictionnaire de Trévoux, le nom qu’on donne dans les marais salans au premier réservoir de ces marais. Le jas n’est séparé de la mer que par une digue de terre revêtue de pierre seche, & on y laisse entrer l’eau salée par la varaigne, qui est une ouverture assez semblable à la bonde d’un étang, que l’on ouvre dans les grandes marées, & que l’on ferme quand on veut. Voyez Marais Salans, Salines, &c. (D. J.)

JASIDE, s. m. (Histoire mod.) les jasides sont des voleurs de nuit du Curdistan, bien montés, qui tiennent la campagne autour d’Erzeron, jusqu’à ce que les grandes neiges les obligent de se retirer ; & en attendant ils sont à l’affut, pour piller les foibles caravanes qui se rendent à Téflis, Tauris, Trébizonde, Alep & Tocat. On les nomme jasides, parce que par tradition, ils disent qu’ils croient en Jaside, ou Jesus ; mais ils craignent & respectent encore plus le diable.

Ces sortes de voleurs errans s’étendent depuis Monsul ou la nouvelle Ninive, jusqu’aux sources de l’Euphrate. Ils ne reconnoissent aucun maître, & les Turcs ne les punissent que de la bourse lorsqu’ils les arrêtent ; ils se contentent de leur faire racheter la vie pour de l’argent, & tout s’accommode aux dépens de ceux qui ont été volés.

Il arrive d’ordinaire que les caravanes traitent de même avec eux, lorsqu’ils sont les plus forts ; on en est quitte alors pour une somme d’argent, & c’est le meilleur parti qu’on puisse prendre ; il n’en coute quelquefois que deux ou trois écus par tête.

Quand ils ont consumé les pâturages d’un quartier, ils vont camper dans un autre, suivant toujours les caravanes à la piste, pendant que leurs femmes s’occupent à faire du beurre, du fromage, à élever leurs enfans, & à avoir soin de leurs troupeaux.

On dit qu’ils descendent des anciens Chaldéens ; mais en tout cas, ils ne cultivent pas la science des astres ; ils s’attachent à celle des contributions des voyageurs, & à l’art de detourner les mulets chargés de marchandises, qu’ils dépaysent adroitement à la faveur des ténebres. (D. J.)

JASMELÉE, s. f. (Pharm. anc.) espece d’huile que les Perses nommoient aussi jasme ; on la préparoit par l’infusion de deux onces de fleurs blanches de violettes dans une livre d’huile de sésame ; on s’en