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se rappelle point par la distillation, ou à la place de laquelle il ne s’en développe point de nouvelle qui la répare. Les huiles essentielles, retirées des divers végétaux, varient considérablement entr’elles, soit par la consistance, soit par la disposition plus ou moins grande à s’épaissir, soit par la gravité spécifique, soit par la couleur, &c. Une différence très-générale, est celle qui distingue les huiles qui sont naturellement concretes, comme le camphre, ou celles qui le deviennent, qui se gèlent à un très léger degré de froid, comme celle d’anis, &c. de celles qui sont très-fluides, & constamment fluides, comme celle de térébenthine, de citron, &c. ces caracteres particuliers, quand ils sont remarquables, sont exposés aux articles particuliers. Une distinction générale, assez singuliere encore, c’est celle qui divise les huiles essentielles en plus légeres que l’eau, & en plus pesantes que ce liquide. Celles qui sont fournies par les plantes de notre pays, de ces climats tempérés, sont toutes, sans exception, plus légeres que l’eau ; & celles qui sont fournies par les végétaux des pays chauds, par tous les bois, écorces, fruits, racines exotiques, par les épiceries, les aromates des Indes, soit occidentales, soit orientales : en un mot, de tous les climats très-chauds, sont plus pesantes que l’eau, à l’exception du camphre. Il y a sur ce point quelques autres variétés, peut-être accidentelles, qui ne sont pas encore bien déterminées.

Toute l’huile qu’on retire des baumes, des résines & des bitumes, par la violence du feu, est très analogue aux huiles essentielles. Voyez Résine & Térébenthine.

Les parties aromatiques des plantes que nous avons exceptées plus haut, de l’observation générale qui attribue de l’huile essentielle à toutes ces substances, sont les fleurs de jasmin, de tubéreuse, de muguet, de jacinthe, de narcisse, & de lys, qui ont toutes entr’elles une analogie sensible. L’essence de jasmin, qu’on trouve communément chez les Parfumeurs, est une huile par expression, de l’excellente huile de ben, imprégnée du parfum du jasmin, par une manœuvre fort simple. Voyez Jasmin.

Usages médicinaux, thérapeutiques & diététiques des huiles essentielles. Les huiles essentielles, récentes, subtiles, très-aromatiques, ont un goût amer, acre, vif, brûlant, qui annonce les vertus suivantes, qu’elles possedent en effet : elles sont, dans l’usage intérieur, cordiales, toniques, échauffantes, diurétiques, sudorifiques, stomachiques, aphrodisiaques ; utiles pour corriger la mauvaise odeur de la bouche, gravem spiritum. On doit les donner toujours sous la forme d’eleosaccharum (Voyez Eleosaccharum), soit pour les rendre miscibles aux humeurs digestives aqueuses, soit pour châtrer leur trop grande activité, par laquelle elles pourroient irriter & même enflammer l’estomac & les intestins. Malgré ce correctif, on ne doit les donner encore qu’aux sujets d’une constitution lâche, peu mobile, peu inflammable. Leur usage externe est plus général ; ces huiles, sur-tout celle qu’on retire de la térébenthine, sous le nom d’esprit, sont éminemment résolutives, antiseptiques, brûlantes, cathæretica ; ces vertus les rendent très-efficaces, pour résoudre les tumeurs molles, indolentes, lymphatiques, & pour dissiper les douleurs des membres. La dissolution de ces huiles dans l’esprit de vin, le baume spiritueux de Fioravanti, par exemple, qui n’est autre chose qu’une pareille dissolution, remplit les mêmes vûes d’une maniere encore plus assurée. Les huiles essentielles, vives, sont employées, presque à titre de spécifique, dans les plaies des membranes, des nerfs, des tendons ; c’est

sur-tout dans ces cas qu’on emploie communément l’huile très-subtile, ou esprit de térébenthine. On emploie encore cette huile dans le traitement de la carie ; un brin de coton, imbibé de quelques gouttes d’une huile essentielle très-aromatique, de celle de girofle, par exemple, & introduit dans le creux d’une dent cariée, suspend puissamment la douleur qui accompagne quelquefois la carie des dents.

Une huile essentielle, unie chimiquement au soufre, forme avec lui un composé, connu sous le nom de baume de soufre. Ce composé est un remede, qui doit principalement ses qualités médicamenteuses au soufre. Voyez Soufre.

Une huile essentielle, combinée avec l’alkali fixe ordinaire, forme une espece de savon, appellé par les gens de l’art savon de Starkey. Voyez Savon.

Les esprits volatils, aromatiques, huileux, de Sylvius, doivent leur qualité d’huileux & d’aromatique à des huiles essentielles. Voyez Esprit volatil, Aromatique, Huileux.

Les huiles essentielles fournissent aux Apoticaires une des matieres avec lesquelles ils aromatisent plusieurs préparations pharmaceutiques, comme potions, syrops, gelées, juleps, emplâtres même. Il faut toûjours les employer, sous la forme d’éleosaccharum, dans les liqueurs aqueuses destinées à l’usage intérieur.

C’est encore à des huiles essentielles que plusieurs liqueurs spiritueuses, destinées à l’usage de nos tables, doivent leur parfum. Celles qui joignent à la saveur connue de l’esprit de vin, un goût vif, brûlant, passager, momentané, telles que la bonne eau de cannelle, & l’anis rouge de Bologne, doivent ce piquant à un peu d’huile essentielle : la même saveur est dûe à la même cause dans les diabolini d’Italie.

On parfume la limonade avec l’huile essentielle de l’écorce des citrons même qu’on emploie, dont on forme sur-le-champ un éleosaccharum. Voyez Eleosaccharum.

Huiles grasses. Celles-ci sont encore libres, nues, isolées, ramassées à part dans des petits réservoirs, & elles appartiennent proprement au regne végétal. Les graisses animales ont à la vérité la plus grande analogie avec ces substances, mais elles ne sont pas, dans le langage de l’art, comprises sous la même dénomination. Les huiles grasses sont répandues dans toute la substance des sujets qui les contiennent, au lieu que les cellules des huiles essentielles ne sont placées qu’à la surface, dans l’enveloppe ou membrane extérieure des végétaux pourvus de cette substance.

Les semences appellées émulsives (Voyez Semences émulsives), c’est-à-dire celles qui étant pilées avec de l’eau donnent une liqueur laiteuse, ou une émulsion (Voyez Emulsion), contiennent de l’huile grasse. La semence, proprement dite, de tous les fruits à noyau, ou à coque, de notre pays, tels que celle de noix, d’amande, de pignon, de noisette, de pêche, d’olive, &c. celle de tous les fruits à pepin, c’est-à-dire tous les pepins ; les semences appellées froides, les semences de lin, de toutes les especes de chou, de rave, de navet, de pavot, &c. contiennent une pareille huile. La chair ou pulpe qui recouvre le noyau de l’olive, en contient beaucoup aussi ; c’est une substance jusqu’à présent unique à cet égard. Le jaune d’œuf fournit aussi une huile très-analogue à celles-ci.

On retire l’huile grasse de tous ces sujets en les écrasant, les pilant, les réduisant en pâte, & en exprimant cette pâte, par le moyen d’une presse, ou d’un fort pressoir, pour l’opération en grand. Cette manœuvre est variée, sur les divers sujets, par quelques circonstances de manuel. Voyez les