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peces. Il y a des actions qu’aucun motif ne peut excuser.

Les hostilités commencent légitimement lorsqu’un peuple manifeste des desseins violens, ou lorsqu’il refuse les réparations qu’on a le droit d’en exiger.

Il est prudent de prévenir son ennemi ; & il y auroit bien de la maladresse à l’attendre sur son pays, quand on peut se porter dans le sien.

Les hostilités peuvent durer sans injustice autant que le danger. Il ne suffit pas d’avoir obtenu la satisfaction qu’on demandoit. Il est encore permis de se précautionner contre des injures nouvelles.

Toute guerre a son but, & toutes les hostilités qui ne tendent point à ce but sont illicites. Empoisonner les eaux ou les armes, brûler sans nécessité, tuer celui qui est desarmé ou qui peut l’être, dévaster les campagnes, massacrer de sang froid les ôtages ou les prisonniers, passer au fil de l’épée des femmes & des enfans, ce sont des actions atroces qui deshonorent toujours un vainqueur. Il ne faudroit pas même se porter à ces excès, lorsqu’ils seroient devenus les seuls moyens de réduire son ennemi. Qu’a de commun l’innocent qui bégaye, avec la cause de vos haines ?

Parmi les hostilités il y en a que les nations policées se sont interdites d’un consentement général ; mais les loix de la guerre sont un mélange si bizarre de barbarie & d’humanité, que le soldat qui pille, brûle, viole, n’est puni ni par les siens, ni par l’ennemi. Cependant il n’en est pas de ces énormités, comme des actions auxquelles on est emporté dans la chaleur du combat.

On demande s’il est permis de tuer un général ennemi. C’est une action que les anciens se sont permise, & que l’Histoire n’a jamais blâmée ; & de nos jours, le seul point qui soit généralement décidé, c’est que l’exécration seroit la juste récompense de la mort d’un général ennemi, si elle étoit la suite de la corruption d’un de ses soldats.

On a proscrit toutes les hostilités qui avoient quelqu’apparence d’atrocité, & qui pouvoient être réciproques.

HOSTIZE, f. f. (Droit coutumier.) c’est, dit Ragneau, un droit annuel de géline, que le vassal paye à son seigneur à cause du ténement. Il en est fait mention dans la coutume de Blois, art. 40. Galand dérive ce mot de hôte, qui signifie quelquefois l’homme de corps du seigneur. mais le plus souvent il exprime tous les tenanciers d’un seigneur, habitans, levans & couchans dans sa censive. La censive où ils demeurent est appellée dans les anciens titres hostizia ; ainsi la redevance que l’on paye par rapport au logement que chacun occupe, a pris le même nom en latin, & celui d’hostize en françois. (D. J.)

HOTE, s. m. (Grammaire.) terme relatif & réciproque, qui se dit tant de ceux qui logent, que de ceux qui sont logés.

Celui qui prend un logis à louage dit qu’il a un bon hôte, en parlant du propriétaire ; & réciproquement le propriétaire dit qu’il est bien satisfait de ses hôtes, en parlant de ses locataires, ou soulocataires.

Il faut donc savoir que la coutume des anciens étoit, que quand quelque étranger demandoit à loger, le maître du logis & l’étranger mettoient chacun de leur côté un pié sur le seuil de la porte, & là ils juroient de ne se porter aucun préjudice l’un à l’autre. C’étoit cette cérémonie qui donnoit tant d’horreur pour ceux qui violoient le droit d’hospitalité, car ils étoient regardés comme parjures.

Au lieu d’hospes, les anciens latins disoient hostis. C’est Cicéron lui-même qui nous apprend cela. Depuis hostis a signifié ennemi ; tant l’idée de l’hospitalité étoit altérée. Dictionnaire de Trévoux.

HOTEL, s. m. (Grammaire.) les habitations des

particuliers prennent différens noms, selon les différens états de ceux qui les occupent. On dit la maison d’un bourgeois, l’hôtel d’un grand, le palais d’un prince ou d’un roi. L’hôtel est toujours un grand bâtiment annoncé par le faste de son extérieur, l’étendue qu’il embrasse, le nombre & la diversité de ses logemens, & la richesse de sa décoration intérieure. On en trouvera un modele dans nos Planches d’Architecture.

Hôtel de ville, ou Maison de ville, ou Maison commune de ville, (Jurisprud.) est le lieu public où se tient le conseil des officiers & bourgeois d’une ville pour délibérer sur les affaires communes.

L’établissement des premiers hôtels de ville remonte au tems de l’établissement des communes, & conséquemment vers le commencement du xij. siecle. Voyez Communes. (A)

Hôtel d’un ambassadeur, (Droit des gens.) c’est ainsi qu’on nomme toute maison que prend un ambassadeur ou ministre, dans le lieu où il va résider pour y exercer sa fonction.

On regarde par toute l’Europe les hôtels d’ambassadeurs comme des azyles pour eux & pour leurs domestiques. En effet, un ambassadeur & ses gens ne peuvent pas dépendre du souverain chez lequel il est envoyé, ni de ses tribunaux ; aucun obstacle ne doit l’empêcher d’aller, de venir, d’agir librement ; on pourroit lui imputer des crimes, dit fort bien M. de Montesquieu, s’il pouvoit être arrêté pour des crimes ; on pourroit lui supposer des dettes, s’il pouvoit être arrêté pour dettes ; sa maison est donc sacrée, & l’on ne peut l’accuser que devant son maître, qui est son juge ou son complice.

Mais on demande si leurs hôtels sont aussi des azyles pour les scélérats qui s’y réfugieroient. Quelques-uns distinguent la nature des crimes commis par ceux qui viennent à se retirer chez un ambassadeur ; mais une distinction arbitraire, & sur laquelle on peut contester, n’est pas propre à décider la question proposée. On écrivit en France plusieurs brochures dans le dernier siecle, en faveur de l’azyle sans exception ; mais c’est qu’alors il s’agissoit de la grande affaire arrivée à Rome pendant l’ambassade de M. de Créquy. On tiendroit aujourd’hui un tout autre langage, si la contestation s’élevoit à Paris, avec quelqu’un des ministres étrangers.

Grotius croit qu’il dépend du souverain auprès duquel l’ambassadeur réside, d’accorder ou de refuser le privilége, parce que le droit des gens ne demande rien de semblable.

Il est du moins certain que l’extension des prérogatives des ambassadeurs à cet égard, ne peut qu’être nuisible, en entretenant l’abus des azyles, qui est toujours un grand mal. Mais pour abreger, voyez sur cette matiere, Thomasius, de jure azyli legatorum ædibus competente, & Bynkershoëk du juge compétent des ambassadeurs, ch. xxj. Je ne nomme pas M. de Wicquefort, parce qu’il n’a point traité ce sujet sur des principes fixes. (D. J.)

Hôtel des Invalides, voyez Invalides.

Hôtel de la Monnoye, voyez Monnoye.

Hôtel-Dieu, (Hist. mod.) c’est le plus étendu, le plus nombreux, le plus riche, & le plus effrayant de tous nos hôpitaux.

Voici le tableau que les administrateurs eux-mêmes en ont tracé à la tête des comptes qu’ils rendoient au public dans le siecle passé.

Qu’on se représente une longue enfilade de salles contiguës, où l’on rassemble des malades de toute espece, & où l’on en entasse souvent trois, quatre, cinq & six dans un même lit ; les vivans à côté des moribonds & des morts ; l’air infecté des exhalaisons de cette multitude de corps mal sains, portant des