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de cette vertu, & de l’étendue de ses droits : il faut tâcher de contenter sa curiosité.

Lorsqu’on étoit averti qu’un étranger arrivoit, celui qui devoit le recevoir, alloit au devant de lui, & après l’avoir salué, & lui avoir donné le nom de pere, de frere, & d’ami, plutôt selon son âge, que par rapport à sa qualité, il lui tendoit la main, le menoit dans sa maison, le faisoit asseoir, & lui présentoit du pain, du vin, & du sel. Cette cérémonie étoit une espece de sacrifice, que l’on offroit à Jupiter-Hospitalier.

Les Orientaux, avant le festin, lavoient les piés à leurs hôtes ; cette pratique étoit encore en usage parmi les Juifs, & Notre-Seigneur reproche au pharisien qui le recevoit à sa table, de l’avoir négligée. Les dames même de la premiere distinction, parmi les anciens, prenoient ce soin à l’égard de leurs hôtes. Les filles de Cocalus roi de Sicile, conduisirent Dédale dans le bain, au rapport d’Athénée. Homere en fournit plusieurs autres exemples, en parlant de Nausicaa, de Polycaste, & d’Helene. Le bain étoit suivi de fêtes, où l’on n’épargnoit rien pour divertir les hôtes : les Perses, pour leur plaire encore davantage, admettoient dans ces fêtes & leurs femmes, & leurs filles.

La fête qui avoit commencé par des libations, finissoit de la même maniere, en invoquant les dieux protecteurs de l’hospitalité. Ce n’étoit ordinairement qu’après le repas, qu’on s’informoit du nom de ses hôtes, & du sujet de leur voyage, ensuite on les menoit dans l’appartement qu’on leur avoit préparé.

Il étoit de l’usage, & de la décence, de ne point laisser partir ses hôtes, sans leur faire des présens, qu’on appelloit xenia ; ceux qui les recevoient les gardoient soigneusement, comme des gages d’une alliance consacrée par la religion.

Pour laisser à la posterité une marque de l’hospitalité, qu’on avoit contractée avec quelqu’un, des familles entieres, & des villes même, formoient ensemble ce contrat. On rompoit une piece de monnoie, ou plus communément l’on scioit en deux un morceau de bois ou d’ivoire, dont chacun des contractans gardoit la moitié ; c’est ce qui est appellé par les anciens, tessera hospilitatatis, tessere d’hospitalité. Voyez tessere de l’Hospitalité.

On en trouve encore de ces tesseres dans les cabinets des curieux, où les noms des deux amis sont écrits ; & lorsque les villes accordoient l’hospitalité à quelqu’un, elles en faisoient expédier un decret en forme, dont on lui délivroit copie.

Les droits de l’hospitalité étoient si sacrés, qu’on regardoit le meurtre d’un hôte, comme le crime le plus irrémissible ; & quoiqu’il fût quelquefois involontaire, on croyoit qu’il attiroit la vengeance de tous les dieux. Le droit de la guerre même ne détruisoit point celui de l’hospitalité, parce qu’il étoit censé éternel, à moins qu’on n’y renonçât d’une maniere authentique. Une des cérémonies qui se pratiquoit en cette rencontre, étoit de briser la marque, le tessere de l’hospitalité, & de dénoncer à un ami infidele, qu’on avoit rompu pour jamais avec lui.

Nous ne connoissons plus ce beau lien de l’hospitalité, & l’on doit convenir que les tems ont produit de si grands changemens parmi les peuples & surtout parmi nous, que nous sommes beaucoup moins obligés aux lois saintes & respectables de ce devoir, que ne l’étoient les anciens.

Il semble même, que pour être tenu par la loi naturelle, aux services de l’hospitalité, pris dans toute leur étendue, il faut 1°. que celui qui les demande soit hors de sa patrie, pour quelque raison valable, ou du moins innocente ; 2°. qu’il y ait lieu de le présumer honnête homme, ou du moins qu’il

n’a aucun dessein de nous porter préjudice ; 3°. enfin, qu’il ne trouve pas ailleurs, ou que nous ne trouvions pas de notre côté à le loger pour de l’argent. Ainsi cet acte d’humanité étoit incomparablement plus indispensable, lorsque des maisons publiques, commodes, & à différens prix, n’existoient point encore parmi nous.

L’hospitalité s’est donc perdue naturellement dans toute l’Europe, parce que toute l’Europe est devenue voyageante & commerçante. La circulation des especes par les lettres de change, la sûreté des chemins, la facilité de se transporter en tous lieux sans danger, la commodité des vaisseaux, des postes, & autres voitures ; les hôtelleries établies dans toutes les villes, & sur toutes les routes, pour héberger les voyageurs, ont suppléé aux secours généréux de l’hospitalité des anciens.

L’esprit de commerce, en unissant toutes les nations, a rompu les chaînons de bienfaisance des particuliers ; il a fait beaucoup de bien & de mal ; il a produit des commodités sans nombre, des connoissances plus étendues, un luxe facile, & l’amour de l’intérêt. Cet amour a pris la place des mouvemens secrets de la nature, qui lioient autrefois les hommes par des nœuds tendres & touchans. Les gens riches y ont gagné dans leurs voyages, la jouissance de tous les agrémens du pays où ils se rendent, jointe à l’accueil poli qu’on leur accorde à proportion de leur dépense. On les voit avec plaisir, & sans attachement, comme ces fleuves qui fertilisent plus ou moins les terres par lesquelles ils passent. (D. J.)

HOSPODAR, s. m. (Hist. mod.) c’est ainsi qu’on nomme les souverains de la Valachie & de la Moldavie ; c’est le grand seigneur qui les établit, & ils sont obligés de lui payer tribut. Le seul moyen de parvenir à cette dignité, c’est de donner beaucoup d’argent aux grands de la Poite ; c’est ordinairement sur le plus offrant que le choix tombe, sans qu’on ait égard ni à la naissance, ni à la capacité. Cependant cette dignité a été possedée dans ce siecle par le prince Démétrius Cantemir, qui avoit succedé au célebre Maurocordato.

HOST, s. m. (Jurisprud.) que l’on écrivoit aussi quelquefois OST, mais par corruption, & en latin hostis, signifioit l’armée ou le camp du prince, ou de quelque autre seigneur ; on entendoit aussi quelquefois par le terme d’host le service militaire qui étoit dû au seigneur par ses vassaux & sujets, ou l’expédition même à laquelle ils étoient occupés à raison de ce service.

Le terme d’hostis se trouve en ce sens dans la loi salique, dans celles des Ripuariens, des Bavarois, des Saxons, des Lombards, des Visigoths, dans les capitulaires de Charlemagne, & autres anciennes ordonnances des premiers siécles de la troisieme race, & dans les auteurs de ce tems.

Les vassaux & les tenanciers qui étoient tenus de se trouver à l’host, étoient obligés, au premier mandement du seigneur, de se rendre près de lui, équipés des armes convenables, & de l’accompagner dans ses expéditions militaires.

Ce devoir s’appelloit service d’host ou ost ; on ajoûtoit quelquefois & de chevauchée, & l’on confondoit souvent le service d’host & celui de chevauchée, parce qu’il se rencontroit ordinairement que celui qui devoit le service d’host, devoit aussi le service de chevauchée. Il y avoit cependant de la différence entre l’un & l’autre, comme on voit dans l’ancienne coûtume d’Anjou, qui dit que host est pour défendre le pays & pour le profit commun, & que chevauchée est pour défendre le seigneur, c’est-à-dire, que le service d’host se faisoit dans le pays même & pour le défendre, au lieu que le service de chevauchée se