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tentées de nous attribuer des sentimens dont nous ne sommes que les historiens.

Principes élémentaires & généraux. Les choses qui n’existent point hors de nous, deviennent l’objet de notre raison ; ou pour parler la langue de notre philosophe, sont intelligibles & comparables, par les noms que nous leur avons imposés. C’est ainsi que nous discourons des fantomes de notre imagination, dans l’absence même des choses réelles d’après lesquelles nous avons imaginé.

L’espace est un fantome d’une chose existente, phantasma rei existentis, abstraction faite de toutes les propriétés de cette chose, à l’exception de celle de paroître hors de celui qui imagine.

Le tems est un fantome du mouvement consideré sous le point de vûe qui nous y fait discerner priorité & postériorité, ou succession.

Un espace est partie d’une espace, un tems est partie d’un tems, lorsque le premier est contenu dans le second, & qu’il y a plus dans celui-ci.

Diviser un espace ou un tems, c’est y discerner une partie, puis une autre, puis une troisieme, & ainsi de suite.

Un espace, un tems sont un, lorsqu’on les distingue entre d’autres tems & d’autres espaces.

Le nombre est l’addition d’une unité à une unité, à une troisieme, & ainsi de suite.

Composer un espace ou un tems, c’est après un espace ou un tems, en considérer un second, un troisieme, un quatrieme, & regarder tous ces tems ou espaces comme un seul.

Le tout est ce qu’on a engendré par la composition ; les parties, ce qu’on retrouve par la division.

Point de vrai tout qui ne s’imagine comme composé de parties dans lesquelles il puisse se résoudre.

Deux espaces sont contigus, s’il n’y a point d’espace entre eux.

Dans un tout composé de trois parties, la partie moyenne est celle qui en a deux contiguës ; & les deux extrèmes sont contiguës à la moyenne.

Un tems, un espace est fini en puissance, quand on peut assigner un nombre de tems ou d’espaces finis qui le mesurent exactement ou avec excès.

Un espace, un tems est infini en puissance, quand on ne peut assigner un nombre d’espaces ou de tems finis qui le mesurent & qu’il n’excede.

Tout ce qui se divise, se divise en parties divisibles, & ces parties en d’autres parties divisibles ; donc il n’y a point de divisible qui soit le plus petit divisible.

J’appelle corps, ce qui existe indépendamment de ma pensée, co-étendu ou co-incident avec quelque partie de l’espace.

L’accident est une propriété du corps avec laquelle on l’imagine, ou qui entre nécessairement dans le concept qu’il nous imprime.

L’étendue d’un corps, ou sa grandeur indépendante de notre pensée, c’est la même chose.

L’espace co-incident avec la grandeur d’un corps est le lieu du corps ; le lieu forme toûjours un solide ; son étendue differe de l’étendue du corps ; il est terminé par une surface co-incidente avec la surface du corps.

L’espace occupé par un corps est un espace plein ; celui qu’un corps n’occupe point est un espace vuide.

Les corps entre lesquels il n’y a point d’espace sont contigus ; les corps contigus qui ont une partie commune sont continus ; & il y a pluralité s’il y a continuité entre des contigus quelconques.

Le mouvement est le passage continu d’un lieu dans un autre.

Se reposer, c’est rester un tems quelconque dans

un même lieu ; s’être mu, c’est avoir été dans un lieu autre que celui qu’on occupe.

Deux corps sont égaux, s’ils peuvent remplir un même lieu.

L’étendue d’un corps un & le même, est une & la même.

Le mouvement de deux corps égaux est égal, lorsque la vîtesse considerée dans toute l’étendue de l’un est égale à la vîtesse considerée dans toute l’étendue de l’autre.

La quantité de mouvement considerée sous cet aspect, s’appelle aussi force.

Ce qui est en repos est conçu devoir y rester toûjours, sans la supposition d’un corps qui trouble le repos.

Un corps ne peut s’engendrer ni périr ; il passe sous divers états successifs auxquels nous donnons différens noms : ce sont les accidens du corps qui commencent & finissent ; c’est improprement qu’on dit qu’ils se meuvent.

L’accident qui donne le nom à son sujet, est ce qu’on appelle l’essence.

La matiere premiere, ou le corps consideré en général n’est qu’un mot.

Un corps agit sur un autre, lorsqu’il y produit ou détruit un accident.

L’accident ou dans l’agent ou dans le patient, sans lequel l’effet ne peut être produit, causa sine qua non, est nécessaire par hypothèse.

De l’aggrégat de tous les accidens, tant dans l’agent que dans le patient, on conclut la nécessité d’un effet ; & réciproquement on conclut du défaut d’un seul accident, soit dans l’agent soit dans le patient, l’impossibilité de l’effet.

L’aggrégat de tous les accidens nécessaires à la production de l’effet s’appelle dans l’agent cause complette, causa simpliciter.

La cause simple ou complette s’appelle après la production de l’effet, cause efficiente dans l’agent, cause matérielle dans le patient ; où l’effet est nul, la cause est nulle.

La cause complette a toûjours son effet ; au moment où elle est entiere, l’effet est produit & est nécessaire.

La génération des effets est continue.

Si les agens & les patiens sont les mêmes & disposés de la même maniere, les effets seront les mêmes en différens tems.

Le mouvement n’a de cause que dans le mouvement d’un corps contigu.

Tout changement est mouvement.

Les accidens considerés relativement à d’autres qui les ont précédés, & sans aucune dépendance d’effet & de cause, s’appellent contingens.

La cause est à l’effet, comme la puissance à l’acte, ou plûtôt c’est la même chose.

Au moment où la puissance est entiere & pleine, l’acte est produit.

La puissance active & la puissance passive ne sont que les parties de la puissance entiere & pleine.

L’acte à la production duquel il n’y aura jamais de puissance pleine & entiere, est impossible.

L’acte qui n’est pas impossible est nécessaire ; de ce qu’il est possible qu’il soit produit, il le sera ; autrement il seroit impossible.

Ainsi tout acte futur l’est nécessairement.

Ce qui arrive, arrive par des causes nécessaires ; & il n’y a d’effets contingens que relativement à d’autres effets avec lesquels les premiers n’ont ni liaison ni dépendance.

La puissance active consiste dans le mouvement.

La cause formelle ou l’essence, la cause finale ou le terme dépendent des causes efficientes.