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à un degré sublime, qui a été plus admiré qu’imité.

Parmi les orateurs, on distingue singulierement Démosthene, Eschine, Isocrate, Gorgias, Prodicus, Lysias, &c.

Entre les philosophes, Anaxagore, Mélisse, Empédocle, Parménide, Zénon d’Elée, Esope, Socrate, Euclide de Mégare, Platon, Aristote, Diogene, Aristippe, Xénophon, le même que le général & l’historien.

Entre les historiens, on connoît Hérodote, Ctésias, Thucydide, &c. Voyez la suite de cet article.

Le célebre Méthon trouva l’ennéadécatéride, ou la fameuse période de 19 années ; découverte que les Athéniens firent graver en lettres d’or au milieu de la place publique. Voyez Ennéadécatéride.

Enfin, tous les artistes les plus célebres dont nous parlerons plus bas, fleurirent dans le troisieme âge de la Grece ; âge incomparable qui fit voler la gloire de cette nation jusqu’au bout du monde, & qui la portera jusqu’à la fin des siecles !

Quatrieme âge de la Grece. Alexandre mourut souverain d’un état qui comprenoit la Thrace, la Macédoine, l’Illyrie, l’Epire, la véritable Grece, le Péloponnese, les îles de l’Archipel, la Grece asiatique, l’Asie mineure, la Phénicie, la Syrie, l’Egypte, l’Arabie, & la Perse. Ces états toutefois n’étoient rien moins que conquis solidement ; on avoit cédé aux forces, au courage, à l’habileté, ou si l’on veut, à la fortune d’Alexandre ; mais il n’étoit pas possible qu’un joug si nouveau & si rapidement imposé, fût de longue durée ; & quand ce monarque auroit eu un fils capable de lui succéder, il y a lieu de croire qu’il n’auroit pû long-tems contenir tant de peuples, si différens de mœurs, de langages, & de religion. Toûjours est-il sûr que la division ne tarda guere de se mettre entre les prétendans à un si vaste empire ; aussi vit-on que les principaux royaumes qui se formerent des débris de la fortune de ce grand conquérant, au nombre de 12 ou 13, se réduisirent enfin à trois : l’Egypte, la Syrie, & la Macédoine, qui subsisterent jusqu’à la conquête des Romains.

Cependant au milieu de tant de troubles, les Grecs ne surent se faire respecter de personne ; & loin de profiter des divisions des Macédoniens, ils en furent les premiers la victime ; on ne songea pas même à les ménager, parce que la foiblesse où la vengeance d’Antipater les avoit réduits, les rendoit presque méprisables. Leur pays servit de théatre à la guerre, & leurs villes furent en proie à mille despotes, qui s’emparerent successivement de l’autorité souveraine, jusqu’à ce que les Achéens jetterent les fondemens d’une république, qui fut le dernier effort de la liberté des Grecs, & le fruit de la valeur d’Aratus, natif de Sycione.

Ce jeune guerrier n’avoit que vingt ans, lorsqu’il forma le dessein magnanime de rendre la liberté à toutes les villes de la Grece, dont la plus grande partie étoit opprimée par des tyrans, & par des garnisons macédoniennes. Il commença l’exécution de ce projet par sa propre patrie ; & plusieurs autres villes entrerent dans la confédération vers l’an 511 de la fondation de Rome.

La vûe des Achéens étoit de ne faire qu’une simple république de toutes les villes du Péloponnese, & Aratus les y encourageoit tous les jours par ses exploits. Les rois de Macédoine dont ce projet blessoit les intérêts, ne songerent qu’à le traverser, soit en plaçant autant qu’ils le pouvoient, des tyrans dans les villes, soit en donnant à ceux qui y étoient déjà établis, des troupes pour s’y maintenir. Aratus mit toute son application à chasser ces garnisons par la force, ou à engager par la douceur les villes opprimées à se joindre à la grande alliance. Sa prudence, son adresse, & ses rares qualités contribuerent extrè-

mement à le seconder ; cependant il ne réussit pas ; les

Etoliens & Cléomene roi de Lacédemone s’opposerent si fortement a ses vûes, qu’ils parvinrent à les faire échoüer. Enfin les Achéens après avoir été défaits plusieurs fois, appellerent Philippe II. roi de Macédoine à leur secours, & l’attirerent dans leur parti, en lui remettant la forteresse de Corinthe ; c’est pour lors que ce prince déclara la guerre aux Etoliens ; on la nomma la guerre des alliés, sociale bellum ; elle commença l’an 534 de Rome, & dura trois ans.

Les Etoliens & les Athéniens réunis, mais également aveuglés par la haine qu’ils portoient au roi de Macédoine, inviterent Rome à les soûtenir, & Rome ne gardant plus de mesure avec Philippe, lui déclara la guerre. Les anciennes injures qu’elle en avoit reçûes, & les nouveaux ravages qu’il venoit de faire sur les terres de ses alliés, en furent un prétexte plausible.

Rome alors enrichie des dépouilles de Carthage, pouvoit suffire aux frais des guerres les plus éloignées & les plus dispendieuses ; les dangers dont Annibal l’avoit menacée, n’avoient fait que donner une nouvelle force aux ressorts de son gouvernement. Tout étoit possible à l’activité des Romains, à leur amour pour la gloire, & au courage de leurs légions. Quelque legere connoissance qu’on ait de la seconde guerre punique, on doit sentir l’étrange disproportion qui se trouvoit entre les forces de la république romaine, secondée par une partie des Grecs, & celles de Philippe. Aussi ce prince ayant été vaincu, fut obligé de souscrire aux conditions d’une humiliante paix qui le laissa sans ressource. Vainement Persée se flata de venger son pere ; il fut battu & fait prisonnier l’an de Rome 596, & avec lui finit le royaume de Macédoine.

Les Romains essayerent dèslors sur les Grecs cette politique adroite & savante, qui avoit déjà trompé & subjugué tant de nations : sous prétexte de rendre à chaque ville sa liberté, ses lois, & son gouvernement, ils mirent réellement la Grece dans l’impuissance de se réunir.

Les Etoliens s’étoient promis de grands avantages de la part des Romains, en favorisant leurs armes contre Philippe ; & pour toute récompense ils se virent obligés à ne plus troubler la Grece par leurs brigandages, & à périr de misere, s’ils ne tâchoient de subsister par le travail & l’industrie. Cet état leur parut insupportable ; mais comme le joug étoit déjà trop pesant pour le secoüer sans un secours étranger, ils engagerent Anthiochus roi de Syrie, à prendre les armes contre la république. La défaite de ce prince lui fit perdre l’Asie mineure ; & tous les Grecs ensemble se trouverent encore plus asservis par la puissance des Romains.

Remarquons ici avec un des plus beaux génies de notre siecle, l’habileté de leur conduite après la défaite d’Antiochus. Ils étoient maîtres de l’Afrique, de l’Asie, & de la Grece, sans y avoir presque de villes en propre. Il sembloit qu’ils ne conquissent que pour donner ; mais ils restoient si bien les maîtres, que lorsqu’ils faisoient la guerre à quelque prince, ils l’accabloient, pour ainsi dire, du poids de tout l’univers.

Il n’étoit pas tems encore pour les Romains de s’emparer des pays qu’ils venoient de conquérir. S’ils avoient gardé les villes prises à Philippe, ils auroient fait ouvrir les yeux à la Grece entiere. Si après la seconde guerre punique ou celle contre Antiochus, ils avoient pris des terres en Afrique ou en Asie, ils n’auroient pû conserver des conquêtes si foiblement établies. Il falloit attendre que toutes les nations fussent accoûtumées à obéir comme libres & comme alliées, avant de leur commander comme sujettes, & qu’elles eussent été se perdre peu-à-peu dans la ré-