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Il faudroit peut-être, pour donner à cet article toute la perfection nécessaire, faire connoître ici les différentes Grammaires des langues savantes & vulgaires. Nous l’aurions souhaité, & nous l’avions même insinué à notre illustre prédécesseur : mais le tems ne nous a pas permis de le faire nous-mêmes ; & notre respect pour le public nous empêche de lui présenter des jugemens hasardés ou copiés. Nous dirons simplement qu’il y a peu d’ouvrages de Grammaire dont on ne puisse tirer quelque avantage, mais aussi qu’il y en a peu, ou il n’y ait quelque chose à desirer pour le philosophique. (E. R. M.)

GRAMMAIRIEN, adj. qui est souvent pris substantivement ; il se dit d’un homme qui a fait une étude particuliere de la Grammaire.

Autrefois on distinguoit entre grammairien & grammatiste ; on entendoit par grammairien ce que nous entendons par homme de lettres, homme d’érudition, bon critique : c’est en ce sens que Suétone a pris ce mot dans son livre des grammairiens célebres. Voyez ci-devant l’article Gens de Lettres.

Quintilien dit qu’un grammairien doit être philosophe, orateur ; avoir une vaste connoissance de l’Histoire, être excellent critique & interprete judicieux des anciens auteurs & des poëtes ; il veut même que son grammairien n’ignore pas la Musique. Tout cela suppose un discernement juste & un esprit philosophique, éclairé par une saine Logique & par une Métaphysique sol de. Mixtum in his omnibus judicium est. Quintil. inst. orat. lib. I. c. jv.

Ceux qui n’avoient pas ces connoissances & qui étoient bornés à montrer par état la pratique des premiers élémens des lettres, étoient appellés grammatistes.

Aujourd’hui on dit d’un homme de lettres, qu’il est bon grammairien, lorsqu’il s’est appliqué aux connoissances qui regardent l’art de parler & d’écrire correctement.

Mais s’il ne connoît pas que la parole n’est que le signe de la pensée ; que par conséquent l’art de parler suppose l’art de penser ; en un mot s’il n’a pas cet esprit philosophique qui est l’instrument universel & sans lequel nul ouvrage ne peut être conduit a la perfection, il est à peine grammatiste : ce qui fait voir la vérité de cette pensée de Quintilien, « que la Grammaire au fond est bien au-dessus de ce qu’elle paroît être d’abord » : plus habet in recessu quam in fronte promittit. Quintil. inst. orat. lib. I. c. jv. init.

Bien des gens confondent les Grammairiens avec les Grammatistes : mais il y a toûjours un ordre supérieur d’hommes, qui, comme Quintilien, ne jugent les choses grandes ou petites que par rapport aux avantages réels que la société peut en recueillir : souvent ce qui paroît grand aux yeux du vulgaire, ils le trouvent petit, si la société n’en doit tirer aucun profit ; & souvent ce que le commun des hommes trouve petit, ils le jugent grand, si les citoyens en doivent devenir plus éclairés & plus instruits, & qu’il doive en résulter qu’ils en penseront avec plus d’ordre & de profondeur ; qu’ils s’exprimeront avec plus de justesse, de précision, & de clarté, & qu’ils en seront bien plus disposés à devenir utiles & vertueux. (F)

GRAMMATIAS ou GARAMANTIAS, (Histoire nat.) nom donné par Pline & quelques naturalistes anciens à une espece de jaspe sanguin, c’est-à-dire verd, & rempli de taches rouges, suivant quelques-uns. Wallerius croit que c’est un jaspe rouge avec des veines blanches. On la portoit comme un amulette pour se garantir des poisons. Il ne faut pas confondre cette pierre avec le lapis garamanticus ou le grenat.

GRAMMONT, (Hist. eccl.) abbaye chef d’ordre religieux qu’on nomme l’ordre de Grammont, fondé

par saint Etienne de Grammont, environ l’an 1076, & qui fut d’abord gouverné par des prieurs jusqu’en l’an 1318, que Guillaume Belliceri fut nommé abbé de Grammont, & en reçut les marques des mains de Nicolas, cardinal d’Ostie. Cet ordre fut approuvé par divers papes, & la regle qui en étoit très-austere, fut mitigée d’abord par Innocent IV. en 1247, puis en 1309 par Clement V. Sainte-Marthe, Gall. christian. (G)

Grammont, (Géog.) ou Grand-mont, Grandimontium, petite ville de France dans la Marche limosine, seulement connue par son ancienne abbaye, à 6 lieues N. E. de Limoges. Long. 19. 8. lat. 45. 56.

Cette abbaye est le chef-lieu d’un ordre qui en porte le nom. Voyez l’article précédent. Elle est immédiatement soûmise au saint siége, & présente à la vûe un véritable desert propre à la solitude la plus pénitente. C’est tout près de cette retraite que le célebre Muret Marc Antoine, l’un des plus excellens écrivains du xvj. siecle vint au monde ; sans le secours d’aucun maitre, & par la seule force de son génie, il acquit une parfaite connoissance des langues greque & latine. Ses ouvrages recueillis à Venise en 1727, sont remplis d’érudition, de goût, & de délicatesse. Il passa ses jours en Italie, & mourut à Rome le 4 Juin 1585, âgé de 59 ans. (D. J.)

Grammont, ou Gérard-mont, Gerardimons, (Géog.) les Flamands disent Gheersberg : ville de la Flandre autrichienne, sur la Dendre, à 3 lieues d’Oudenarde, 7 N. E. de Tournay. Long. 21. 31. lat. 50 46. (D. J.)

* GRAMONIE, s. f. terme de Commerce, en usage dans quelques echelles du levant, particulierement à Smyrne.

La gramonie signifie dans le commerce des soies une déduction de de piastre par balle, outre & par-dessus toutes les tares établies par l’usage. Dictionn. de Commerce, de Cnambers, & de Trévoux.

GRAN, Strigonium, (Géog.) ville de la basse Hongrie, avec un archevêché, dont l’archevêque est chancelier d’Hongrie. Le sultan Soliman prit Gran en 1543 ; le prince Charles de Mansfeld la reprit en 1595 ; les Turcs y rentrerent en 1604 ; enfin les Impériaux les en chasserent en 1683. Elle est sur le Danube, à 8 lieues S. E. de Comorre, 10 N. O. de Bude, 13 E. de Raab, 14 N. E. d’Albe-royale, 35 S. E. de Vienne. Long. 36. 35. latit. 48. 4. (D. J.)

GRAND, adj. GRANDEUR, s. f. (Gramm. & Litterat.) c’est un des mots les plus fréquemment employés dans le sens moral, & avec le moins de circonspection. Grand homme, grand génie, grand esprit, grand capitaine, grand philosophe, grand orateur, grand poëte ; on entend par cette expression quiconque dans son art passe de loin les bornes ordinaires. Mais comme il est difficile de poser ces bornes, on donne souvent le nom de grand au médiocre.

On se trompe moins dans les significations de ce terme au physique. On sait ce que c’est qu’un grand orage, un grand malheur, une grande maladie, de grands biens, une grande misere.

Quelquefois le terme gros est mis au physique pour grand, mais jamais au moral. On dit de gros biens, pour grandes richesses ; une grosse pluie, pour grande pluie ; mais non pas gros capitaine, pour grand capitaine ; gros ministre, pour grand ministre. Grand financier, signifie un homme très-intelligent dans les finances de l’état. Gros financier, ne veut dire qu’un homme enrichi dans la finance.

Le grand homme est plus difficile à définir que le grand artiste. Dans un art, dans une profession, celui qui a passé de loin ses rivaux, ou qui a la réputation de les avoir surpassés, est appellé grand dans