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Il faut, en second lieu, qu’il saisisse avec le pouce & l’index de la main droite, la gourmette par les maillons, en observant que les mailles ne s’embarrassent point mutuellement, & que l’S, quelquefois non exactement fermée supérieurement, ne morde point le banquet & joue librement dans l’œil. Cette chaîne étant exactement étendue, il passe l’index & le doigt du milieu de la main gauche entre le banquet & la joue du cheval, & il maintient avec ces deux doigts & le pouce, qui agit extérieurement, le crochet dans la position où il doit être pour recevoir le maillon.

Troisiemement, la main droite est saisie de la gourmette, qui est dirigée dans sa descente le long de la branche, de maniere que l’une des extrémités de chaque maille est tournée du côté de cette branche, tandis que l’autre de ces extrémités regarde en-arriere de l’animal, & répond perpendiculairement au pouce du cavalier, dont l’ongle est tourné en-haut : or il est essentiel que cette même main dans le chemin & dans le mouvement qu’elle fait pour accrocher le maillon, se retourne, de façon que l’ongle qui étoit en-dessus se trouve précisément en-dessous, au moment où ce maillon prend au crochet ; parce que dès-lors la gourmette ne peut être que sur son plat, attendu que chaque extrémité de chaque maille ne s’apperçoit point extérieurement après qu’elle est placée. La nécessité de la fixer sur sa partie la plus applatie, est fondée sur la douleur qu’éprouveroit l’animal, & sur le peu de justesse & de solidité des points d’appui, si elle portoit sur la barbe par ses faces tortueuses & inégales.

Enfin le maillon qui doit être accroché, est celui qui est assemblé à la derniere maille, & non celui qui le suit ; autrement la gourmette n’atteindroit que très-difficilement & par hasard sur le point sensible, elle ne garniroit pas, elle n’embrasseroit pas exactement la barbe, & tous les appuis seroient également falsifiés. Le dernier maillon n’est donc assemblé à l’autre que pour soulager le cheval, lorsque le cavalier le descend ; & qu’au lieu de le dégourmer entierement & de laisser la gourmette suspendue par une seule extrémité, il décroche l’autre, & passe celui-ci dans le crochet. (e)

GOURMETTE, s. f. (Manége.) partie d’autant plus essentielle dans une embouchure, que la perfection de l’appui dépend de la justesse de ses proportions & de ses effets ; c’est une chaîne composée de mailles, de maillons, d’une S, & d’un crochet.

Les maillons sont des chainons pris de verges de fer rondes, de divers diametres, repliés en S, dont les extrémités un peu plus minces que la panse, sont amenées, de maniere qu’elles en outrepassent le milieu, l’une sur un plan, & l’autre sur un plan perpendiculaire au premier, & que chacune d’elles laissent une ouverture en forme d’anneau d’environ cinq ou six lignes de diametre, pour recevoir librement d’autres mailles semblables.

Celle du milieu est ordinairement plus forte & plus nourrie que celles auxquelles elle est assemblée de droite & de gauche ; elle a depuis trois jusqu’à cinq lignes de diametre, selon le cheval pour lequel la gourmette est forgée.

Celles qui suivent ses deux voisines sont plus minces ; car tous ces chainons décroissent toûjours à mesure qu’ils approchent des maillons, qui ne sont autre chose que de petits anneaux alongés, & quelquefois legerement tordus sur leur plan. Toutes ces mailles doivent au surplus être pliées dans le même sens & du même côté, afin qu’il en résulte trois faces, dont l’une n’ayant que de legeres éminences, est en quelque façon applatie ; c’est cette face que l’on nomme le plat de la gourmette, & qui doit porter sur la barbe.

Les maillons sont au nombre de trois. L’un d’eux est assemblé avec la derniere maille d’un côté & une S, qui l’est elle-même par son autre extrémité, mobilement & postérieurement à l’œil du banquet. Les deux autres, égaux en forme & en grosseur, terminent l’autre côté de la gourmette, & peuvent être pareillement reçus dans le crochet mobilement engagé dans l’œil du banquet de l’autre branche. Ce crochet n’est proprement qu’une S, non fermée dans sa partie pendante ; la pointe en doit être non-seulement émoussée & arrondie, mais encore rejettée en-dehors par un contour qui commence, & que l’on apperçoit seulement au milieu de la longueur de sa partie relevée. Quant à l’S, quoique le nom qu’on lui conserve paroisse y répugner, l’une & l’autre de ses extrémités formant chacune un anneau, doivent être recourbées extérieurement.

Nous dirons encore que cette S & ce crochet sont legerement coudés en contrebas, & sur plat, immédiatement au point de la formation de l’anneau par lequel ils sont assemblés à l’œil : par ce moyen, ces mêmes anneaux, quand la gourmette est en place, ne déversent ni d’un côté ni d’autre. De plus, le peu de tige qui leur reste doit être nécessairement pliée, de façon que tous les deux suivent avec exactitude le contour extérieur des parties sur lesquelles ils doivent passer, en descendant jusque sur l’arc du banquet.

Quelques personnes ordonnent à l’éperonnier de fixer, par un rivet, à l’extrémité supérieure du crochet, un petit ressort dirigé en contrebas, & courbé de maniere qu’il appuie par son autre extrémité contre la portion relevée de ce même crochet. Cette précaution est excellente, sur-tout eu égard à des chevaux qui battent sans cesse à la main ; car quels que soient le mouvement & l’action de leur tête, ils ne peuvent se dégourmer, puisque la gourmette ne peut être décrochée qu’autant que le ressort pressé immédiatement avec le doigt, ne s’oppose plus à la sortie du maillon.

La longueur de cette chaîne doit se rapporter aux proportions de la barbe & des portions intérieures de la bouche. Il en est de même de sa grosseur. Si la surface de la partie des mailles qui repose sur la barbe, lorsque la gourmette est placée, est considérable, elle porte sur un plus grand nombre de points sensibles qui partageant entre eux l’impression qu’auroit supportés un plus petit nombre de points, en sont chacun moins affectés : ainsi les grosses gourmettes conviennent en général à des chevaux dont la barbe est maigre, élevée & sensible ; & les plus minces à ceux dont cette partie est charnue & garnie de poil. Dans le cas d’une sensibilité & d’une délicatesse excessive, on en émousse & l’on en diminue l’action par le moyen d’un feutre. On appelle de ce nom indifféremment toute bande, soit de cuir, soit d’une étoffe foulée telle que le feutre : on préfere néanmoins la premiere à celle-ci, qui fut d’abord en usage, mais dont l’épaisseur prenoit trop sur la longueur des gourmettes, & mettoit encore la partie sensible trop à l’abri de leurs effets. Cette bande qui d’ailleurs doit être d’une longueur proportionnée, doit être coupée de maniere qu’elle ait dans son milieu environ un pouce & demi de largeur, & qu’elle décroisse toûjours à-mesure qu’elle approche de ses extrémités que l’on arrondit, & auxquelles on pratique une fente destinée au passage de la gourmette, qui y est engagée de maniere qu’étant mise en place, elle porte immédiatement sur le feutre, tandis que le feutre repose immédiatement sur la barbe.

Il n’est pas douteux que cette portion du mors, inconnue dans les siecles reculés, n’y a été adaptée qu’ensuite de l’addition des branches, dont l’inutilité est évidente, si l’on ne fournit au levier qui en