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soin que le pavé soit parfaitement de niveau & horisontal, & faites-le blanchir, afin de représenter plus distinctement l’image du soleil : tirez dessus une ligne méridienne qui passe par le pié du gnomon, c’est-à-dire par le point que marque le plomb. Marquez les extrémités K & I (fig. 57. Astronomie.) du soleil sur la ligne méridienne, & retranchez de chacune une ligne droite égale au demi-diametre de l’ouverture, savoir d’un côté KH (Pl. Astronom. fig. 57.) ; & de l’autre côté, LI ; HL sera l’image du diametre du soleil, qui étant coupée par le milieu en B, donne le point sur lequel tombent les rayons du centre du soleil. Ayant donc la ligne droite AB & la hauteur du gnomon avec l’angle A, qui est un angle droit, l’angle ABG, ou la hauteur apparente du centre du soleil, n’est pas difficile à trouver : car en prenant pour le rayon un des côtés donnés AB, AG sera la tangente de l’angle opposé B ; dites donc : le côté AB est à l’autre côté AG comme le sinus total est à la tangente de l’angle B.

Le rayon qui vient du centre du soleil ne tombe pas exactement & rigoureusement au point B, milieu de la ligne HBL. Il faudroit pour cela que les lignes GH, GL, fussent égales ; ce qui n’est pas & ne sauroit être : mais comme le trou G est fort petit par l’hypothèse, qu’il est placé à une grande hauteur, & que par conséquent les lignes GH, GL, sont fort grandes & la ligne HL extrèmement petite, puisqu’elle n’est que l’image du trou ; il s’ensuit que l’on peut regarder comme sensiblement égales, les lignes BH, BL ; B étant supposé l’image du centre du soleil.

Au lieu d’une plaque horisontale dans laquelle on fait un trou, on se contente quelquefois de faire un trou vertical à une croisée dont on supprime d’ailleurs entierement le jour. L’image de ce trou est celle du soleil ; & le milieu ou centre de l’image, est sensiblement celle du centre de cet astre : car cette image est la base d’un triangle dont l’angle au sommet est d’environ 32′. diametre apparent du soleil, & dont les côtés sont forts grands par rapport à la base.

De tous les gnomons astronomiques qui subsistent aujourd’hui en France, nous n’en connoissons point de supérieur à celui qui a été dressé par M. le Monnier dans l’église de S. Sulpice de Paris. Voyez-en la description au mot Méridien.

On verra dans cet article, & on peut voir d’avance dans l’histoire & les mém. de l’académie des Sciences pour l’an. 1743, en quoi consistoient les gnomons des anciens, quels étoient les défauts de ces gnomons, & quels sont les avantages de celui de S. Sulpice.

On a appellé quelquefois gnomon, en Géométrie, la figure MXOC (Pl. Géomét. fig. 5.), formée dans le parallélogramme AB, par les parallélogrammes de complément M, C & les triangles x, o, qui forment eux-mêmes un autre parallélogramme ; mais cette dénomination n’est plus guere en usage. Voy. Complément. Wolf, Harris, & Chambers. (O)

GNOMONIQUE, s. f. (Ordre encyclopéd. Entend. Rais. Philosoph. Science de la Nat. Mathémat. mixtes, Astronom. Gnomoniq.) c’est l’art de tracer des cadrans au soleil, à la lune, & aux étoiles, mais principalement des cadrans solaires, sur un plan donné ou sur la surface d’un corps donné quelconque. Voyez Cadran.

Les Grecs & les Latins donnoient à cet art les noms de Gnomonica & Sciaterica, dont le premier vient de γνωμὸν, gnomon, & le second de σκία, ombre, à cause qu’ils distinguoient les heures par l’ombre d’un gnomon. Voyez Gnomon. Quelques-uns l’appellent Photosciaterica, de φῶς, lumiere, & σκία, ombre, parce que c’est quelquefois la lumiere même du soleil qui marque les heures ; comme quand le cadran au lieu d’un stile porte une plaque percée d’un

trou. Enfin il est appellé par d’autres horographia, parce que c’est proprement l’art d’écrire sur un plan donné, l’heure qu’il est. D’autres enfin le nomment Horologio-graphia, parce que les cadrans s’appelloient autrefois horologium ; nom que nous avons depuis transporté aux pendules d’Horlogerie.

On ne sauroit douter de l’antiquité des cadrans ; quelques-uns en attribuent l’invention à Anaximene de Milet & d’autres à Thalès. Vitruve fait mention d’un cadran que l’ancien historien Berose de Chaldée, construisit sur un plan réclinant, presque parallele à l’équinoctial ou équateur. Le disque d’Aristarque étoit un cadran horisontal avec son limbe relevé tout-autour, afin d’empêcher les ombres de s’étendre trop loin.

Les cadrans ne furent connus des Romains que fort tard : le premier cadran solaire qui parut à Rome, fut, suivant Pline, construit par Papirius Cursor, vers l’an 400 de la fondation de cette ville. Pline dit qu’avant cette époque il n’est fait mention d’autre calcul de tems que de celui qui se tiroit du lever & du coucher du soleil : ce cadran, selon quelques-uns, fut placé au temple de Quirinus, ou près de ce temple ; selon d’autres, dans le capitole ; selon d’autres enfin, près le temple de Diane sur le mont Aventin ; mais il alloit mal. Trente ans après, Valérius Messala étant consul, apporta de Sicile un autre cadran, qu’il éleva sur un pilier proche les rostra, ou tribune aux harangues : mais comme il n’étoit pas fait pour la latitude de ce lieu, il n’étoit pas possible qu’il marquât l’heure véritable. On s’en servit pendant 99 ans, jusqu’à ce que le censeur L. Philippus en fit construire un autre plus exact.

Il paroît qu’il y a eu des cadrans chez les Juifs beaucoup plûtôt que chez les nations dont nous venons de parler ; témoin le cadran d’Achaz, qui commença à régner 400 ans avant Alexandre, & 12 ans après la fondation de Rome : Isaïe en parle au chap. xxxviij. v. 8. peut-être, au reste, ce cadran n’étoit-il qu’un simple méridien. Quoi qu’il en soit, la rétrogradation de l’ombre du soleil sur ce cadran d’Achaz, est un miracle bien surprenant, qu’il faut croire sans l’expliquer.

On a trouvé dans les ruines d’Herculanum un cadran solaire portatif. Ce cadran est rond & garni d’un manche, au bout duquel est un anneau qui servoit sans doute à suspendre le cadran par-tout où l’on vouloit. Tout l’instrument est de métal & un peu convexe par ses deux surfaces : il y a d’un côté un stilet un peu long & dentelé, qui fait environ la quatrieme partie du diametre de cet instrument. L’une des deux superficies, qu’on peut regarder comme la surface supérieure, est toute couverte d’argent, & divisée par douze lignes paralleles qui forment autant de petits quarrés un peu creux ; les six derniers quarrés, qui sont terminés par la partie inférieure de la circonférence du cercle, sont disposés comme on va voir, & contiennent les caracteres suivans, qui sont les lettres initiales du nom de chaque mois.

J U.
J U.
M A.
A V.
A V.
S E.
M A.
O C.
F E.
N O.
J A.
D E.

La façon dont sont disposés ces mois, est remarquable en ce qu’elle est en boustrophédon. Voyez ce mot. On pourroit croire que cette disposition des mois sur le cadran vient de ce que dans les mois qui sont l’un au-dessus de l’autre, par exemple, en Avril & Septembre, le soleil se trouve à-peu-près à la même hauteur dans certains jours correspondans : mais en ce cas, le cadran ne seroit pas fort exact à cet égard ; car cette correspondance n’a guere lieu que dans les deux premieres moitiés de chacun de ces mois :