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nistes caryophyllus aromaticus, C. Bauh. Rai, Breynius, Plukenet, Jonston, &c. C’est le ts-kinka de Pison, mantiss. aromatic. 177.

Ses caracteres. Ses fleurs sont en rose, polypétales. Le calice de la fleur se change en un fruit oval, creusé en nombril, à une seule capsule, qui contient une graine oblongue. Ses feuilles ressemblent à celles du laurier.

Sa description. Il est de la forme & de la grandeur du laurier ; son tronc est branchu & revêtu d’une écorce comme celle de l’olivier ; les rameaux s’étendent au large, & sont d’une couleur rousse-claire, garnis de beaucoup de feuilles serrées, situées alternativement, semblables à celles du laurier, longues d’une palme, larges d’un pouce & demi, unies, luisantes, pointues aux deux extrémités, avec des bords un peu ondés, portées sur une queue longue d’un pouce, laquelle jette dans le milieu de la feuille une côte, d’où sortent obliquement de petites nervures qui s’étendent jusque sur les bords.

Les fleurs naissent à l’extrémité des rameaux en bouquets ; elles sont en rose à quatre pétales, bleues, d’une odeur très-pénétrante ; chaque pétale est arrondi, pointu, marqué de trois veines blanches ; le milieu de ces fleurs est occupé par un grand nombre d’étamines purpurines, garnies de leurs sommets.

Le calice des fleurs est cylindrique, de la longueur d’un demi pouce, épais d’une ligne & demie, ou de deux lignes, partagé en quatre parties à son sommet, de couleur de suie, d’un goût acre, agréable & fort aromatique ; lequel après que la fleur est séchée, se change en un fruit ovoïde, ou de la forme d’une olive, creusé en nombril, n’ayant qu’une capsule, de couleur rouge d’abord, ensuite noirâtre, qui contient une amande oblongue, dure, noirâtre, creusée d’un sillon dans sa longueur.

Noms des clous de girofle. Le fruit se nomme en latin, caryophylli aromatici, offic. en grec καρύοφυλλον, par Paul Æginette ; & carunsel, par les Arabes.

Les anciens ne les ont point connus. Ces derniers peuples ont connu ce fruit ; mais Paul Æginette est le premier des anciens qui en ait parlé. Théophraste, Dioscoride & Galien, n’en ont fait aucune mention. C’est mal-à-propos que Sérapion cite à cet égard l’autorité de Galien ; il est constant que le medecin de Pergame n’en a jamais eu de connoissance.

Quelques auteurs ont prétendu que Pline avoit parlé de cet aromate, dans son histoire, liv. XII. chap. xx. & rapportent pour preuve le passage suivant de ce naturaliste : « Il y a encore à-présent dans les Indes quelque chose de semblable aux grains de poivre ; on lui donne le nom de garyophyllon ; il est plus gros & plus cassant ». Mais les plus savans critiques doutent avec beaucoup de raison, que cet endroit de Pline désigne nos clous de girofle, puisqu’ils ne ressemblent point au poivre, & qu’ils ne sont pas des graines. Cependant nous ne pouvons pas dire avec certitude ce qu’il faut entendre par le garyophyllon de Pline. Clusius croyoit que c’est le poivre de la Jamaïque. L’on est mieux fondé à soupçonner que ce sont les cubebes de nos apothicaires.

Description des clous de girofle. Les clous de girofle sont des fruits desséchés avant leur maturité, longs environ d’un demi-pouce, de figure de clou, presque quadrangulaires, ridés, d’un brun noirâtre, qui ont à leur sommet quatre petites pointes en forme d’étoile, au milieu desquelles s’éleve une petite tête de la grosseur d’un petit pois, formée de petites feuilles appliquées les unes sur les autres en maniere d’écailles, qui étant écartées & ouvertes, laissent voir plusieurs fibres roussâtres, entre lesquelles il s’éleve dans une cavité quadrangulaire un stile droit, de même couleur, qui n’est pas toûjours garni de sa petite tête, parce qu’elle tombe facilement lorsqu’on

transporte les clous de girofle ; ils sont acres, chauds, aromatiques, un peu amers & agréables : leur odeur est très-pénétrante.

La figure de ce fruit en forme de clou, est sans doute ce qui lui a donné le nom de clou de girofle. Vers la tête il se sépare en quatre, & ces quatre quartiers faits en angle dont la pointe est en-haut, représentent une espece de couronne à l’antique, qui est en quelque sorte fermée par une maniere de bouton tendre & peu solide, lequel se trouve au milieu ; c’est ce bouton que quelques-uns appellent le fust du clou de girofle.

Leur choix. Il faut les choisir bien nourris, pesans, gras, faciles à casser, piquant les doigts quand on les manie, d’un rouge tanné, garnies s’il se peut de leur fust, d’un goût chaud & aromatique, brûlant presque la gorge, d’une odeur excellente, & laissant une humidité huileuse lorsqu’on les presse : on rejette, au contraire, les clous qui n’ont point ces qualités, qui sont maigres, mollasses & presque sans goût & sans odeur.

Du clou matrice. Les fruits du girofle qu’on laisse sur le giroflier, ou qui échappent à l’exactitude de ceux qui en font la récolte, étant restés à l’arbre, continuent de grossir jusqu’à la grosseur du bout du pouce, & se remplissent d’une gomme dure & noire, qui est d’une agréable odeur, & d’un goût fort aromatique. Ce fruit tombe de lui-même l’année suivante ; & quoique sa vertu aromatique soit foible, il est fort estimé, & sert à la plantation : car étant semé il germe, & dans l’espace de huit ou neuf ans il devient un grand arbre fructifiant.

Les Indiens appellent ce fruit mûr, mere des fruits ; les Hollandois, clou matrice, ou mere de girofle ; les droguistes françois, antofle de girofle ; & dans les boutiques où il est rare, antophyllus. Il a quelque usage en Medecine ; mais les Apothicaires lui substituent souvent le girofle ordinaire : cependant les vertus & l’odeur en sont bien différentes.

Les Hollandois ont coûtume de confire ces clous matrices avec du sucre, lorsqu’ils sont récens ; & dans les longs voyages sur mer, ils en mangent après le repas, pour rendre la digestion meilleure, ou ils s’en servent comme d’un remede agréable contre le scorbut muriatique.

Du clou de girofle royal. Les auteurs font mention d’une autre espece de clou de girofle, que l’on trouve très-rarement dans les boutiques, & seulement en qualité de curiosité naturelle très-singuliere. On l’appelle clou de girofle royal, en latin caryophyllus ramosus, vel dentatus, J. Bodæi à Stapel ; caryophyllus spicatus, Indis ; ts-hinka-popona ; Pison, mart. aranæ, 179 ; caryophyllus regius, Wormii, mus. 203.

C’est une espece de petit épi, qui imite la grosseur, la couleur, l’odeur & le goût du clou de girofle. Il n’est pas étoilé, il n’a point de tête ; mais il est comme partagé depuis le bas jusqu’au-haut en plusieurs particules ou écailles, & il se termine en pointe.

Les Hollandois le nomment clou de girofle royal ; parce que les rois & les grands des îles Moluques l’estiment jusqu’à la superstition, non pas tant pour son goût & sa bonne odeur, que pour sa figure singuliere, ou plûtôt parce qu’il est infiniment rare ; car ils soûtiennent qu’on n’en a trouvé jusqu’à-présent qu’un seul arbre, & dans la seule île de Makian.

Rai & Herman croyent que les fruits de ces arbres ne different point de l’espece des clous de girofle ordinaires ; mais que ce sont des jeux de la nature, & qu’ils appartiennent à l’ordre monstrueux des végétaux.

Les Indiens ont coûtume de passer un fil dans la