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selon l’expression vulgaire, peuvent être très-raisonnablement soupçonnés d’être dans tous les cas aussi inutiles que peu dangereux.

Les baies de genievre entrent dans les compositions suivantes de la pharmacopée de Paris ; savoir l’eau thériacale, l’eau genérale, l’eau prophylactique, l’opiate de Salomon, l’orviétan, le trochisque de Cyphi, l’huile de scorpion compotée, le baume oppodeldoc, leur extrait dans la thériaque diatessaron, l’orviétan ordinaire, l’orvietanum prastantius ; leur huile distillée dans la thériaque celeste, le baume de Leictoure, le baume verd de Metz, l’emplâtre stomacal, l’emplâtre styptique.

La résine de genievre entre dans les pilules balsamiques de Stahl.

On brûle dans les hôpitaux & dans les chambres des malades, le bois & les baies de genievre, pour en chasser le mauvais air. (b)

GENGOUX, (Le royal saint-) Géog. Gengulsinum regale, ville de France en Bourgogne au diocese de Châlons, avec une châtellenie royale ; elle est au pié d’une montagne près de la riviere de Grône, à huit lieues nord-oüest de Mâcon, sept sud-oüest de Châlons, soixante-six sud-est de Paris. Long. 22. 8. latit. 46. 40. (D. J.)

GÉNIAL, adject. (Histoire anc.) mot dérivé du latin, dont on est obligé de se servir dans notre langue ; c’est une épithete que l’on donnoit dans le paganisme à quelques dieux qui présidoient à la génération.

Ils étoient ainsi appellés à gerendo, ou, selon la correction de Scaliger & de Vossius, a genendo, qui dans l’ancienne latinité signifie produire. Cependant Festus ajoûte que de-là on les nomma aussi dans la suite getuli ; ce qui demande qu’on lise à gerendo. M. Dacier prétend que gerere a le sens de πράττειν.

Les dieux géniales, dit Festus, étoient l’eau, la terre, le feu, & l’air, que les Grecs appellent élémens. On mettoit aussi au nombre de ces dieux les douze signes, la lune & le soleil. Dictionn. de Trév. & Chambers. (G)

GÉNIANE, s. f. (Hist. nat.) pierre fabuleuse dont il est parlé dans Pline & quelques auteurs anciens, & dont on ne trouve aucune description ; on nous dit seulement qu’elle avoit la vertu de chagriner les ennemis. Boetius de Boot.

GÉNIE, s. m. genius, (Mythologie. Littérat. Antiq.) esprit d’une nature très-subtile & très-déliée, que l’on croyoit dans le paganisme, présider à la naissance des hommes, les accompagner dans le cours de leur vie, veiller sur leur conduite, & être commis à leur garde jusqu’à leur mort.

La tradition la plus ancienne, la plus générale, & la plus constamment répandue, puisqu’elle subsiste encore, est que le monde soit rempli de génies. Cette opinion chimérique, après avoir si souvent changé de forme, successivement adoptée sous le nom de démons, de manes, de lares, de lémures, de pénates, a finalement donné lieu à l’introduction des fées, des gnomes, & des sylphes ; tant est singuliere la propagation permanente des erreurs superstitieuses sous différentes métamorphoses ! mais nous nous arrêtons aux siecles de l’antiquité, & nous tirons le rideau sur les nôtres.

Les génies habitoient dans la vaste étendue de l’air, & dans tout cet espace qui occupe le milieu entre le ciel & la terre ; leur corps étoit de matiere aérienne. On regardoit ces esprits subtils comme les ministres des dieux, qui ne daignant pas se mêler directement de la conduite du monde, & ne voulant pas aussi la négliger tout-à-fait, en commettoient le soin à ces êtres inférieurs. Ils étoient envoyés sur la terre par un maître commun, qui leur assignoit leur poste auprès des hommes pendant cette vie, & la conduite de l’ame après leur mort.

Ces sortes de divinités subalternes avoient l’immortalité des dieux & les passions des hommes, se réjoüissoient & s’affligeoient selon l’état de ceux à qui elles étoient liées.

Les génies accordés à chaque particulier ne joüissoient pas d’un pouvoir égal, & les uns étoient plus puissans que les autres ; c’est pour cela qu’un devin répondit à Marc-Antoine, qu’il feroit sagement de s’éloigner d’Auguste, parce que son génie craignoit celui d’Auguste.

De plus on pensoit qu’il y avoit un bon & un mauvais génie attaché à chaque personne. Le bon génie étoit censé procurer toutes sortes de félicités, & le mauvais tous les grands malheurs. De cette maniere, le sort de chaque particulier dépendoit de la supériorité de l’un de ces génies sur l’autre. On conçoit bien de-là que le bon génie devoit être très-honoré. Dès que nous naissons, dit Servius commentateur de Virgile, deux génies sont députés pour nous accompagner ; l’un nous exhorte au bien, l’autre nous pousse au mal ; ils sont appellés génies fort à-propos, parce qu’au moment de l’origine de chaque mortel, cum unusquisque genitus fuerit, ils sont commis pour observer les hommes & les veiller jusqu’après le trépas ; & alors nous sommes ou destinés à une meilleure vie, ou condamnés à une plus fâcheuse.

Les Romains donnoient dans leur langue le nom de génies à ceux-là seulement qui gardoient les hommes, & le nom de junons aux génies gardiens des femmes.

Ce n’est pas-là toute la nomenclature des génies : il y avoit encore les génies propres de chaque lieu ; les génies des peuples, les génies des provinces, les génies des villes, qu’on appelloit les grands génies. Ainsi Pline a raison de remarquer qu’il devoit y avoir un bien plus grand nombre de divinités dans la région du ciel, que d’hommes sur la terre.

On adoroit à Rome le génie public, c’est-à-dire la divinité tutélaire de l’empire ; rien n’est plus commun que cette inscription sur les médailles, genius pop. rom. le génie du peuple romain, ou genio pop. rom. au génie du peuple romain.

Après l’extinction de la république, la flaterie fit qu’on vint à jurer par le génie de l’empereur, comme les esclaves juroient par celui de leur maître ; & l’on faisoit des libations au génie des césars, comme à la divinité de laquelle ils tenoient leur puissance.

Mais personne ne manquoit d’offrir des sacrifices à son génie particulier le jour de sa naissance. Ces sacrifices étoient des fleurs, des gâteaux & du vin ; on n’y employoit jamais le sang, parce qu’il paroissoit injuste d’immoler des victimes au dieu qui présidoit à la vie, & qui étoit le plus grand ennemi de la mort : quand le luxe eut établi des recherches sensuelles, on crut devoir ajoûter les parfums & les essences aux fleurs & au vin ; prodiguer toutes ces choses un jour de naissance, c’est, dans le style d’Horace, appaiser son génie. « Il faut, dit-il, travailler à l’appaiser de cette maniere, parce que ce dieu nous avertissant chaque année que la vie est courte, il nous presse d’en profiter, & de l’honorer par des fêtes & des festins. Que le génie vienne donc lui-même assister aux honneurs que nous lui rendons, s’écrie Tibulle ; que ses cheveux soient ornés de bouquets de fleurs ; que le nard le plus pur coule de ses joues ; qu’il soit rassasié de gâteaux ; & qu’on lui verse du vin à pleines coupes ».

Ipse suos adsit genius visurus honores,
     Cui decorent sanctas mollia serta comas,
Illius puro distillent tempora nardo ;
     Atque satur libo sit madeatque mero.

Le platane étoit spécialement consacré au génie ; on lui faisoit des couronnes de ses feuilles & de ses fleurs ; on en ornoit ses autels.