Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion & la force expansive de la glace dont nous parlerons ailleurs ; & il est parfaitement semblable à celui de la rupture des vaisseaux, causée par la congelation de l’eau qui y étoit contenue. Voyez ci-après Glace.

Tout le monde sait que les fruits se gelent & se durcissent pendant les hyvers qui sont un peu rudes. Dans cet état ils perdent ordinairement tout leur goût ; & lorsque le dégel arrive, on les voit le plus souvent tomber en pourriture. Les parties aqueuses que les fruits contiennent en grande quantité, étant changées en autant de petits glaçons, dont le volume augmente, brisent & crevent les petits vaisseaux qui les renferment, ce qui détruit l’organisation.

On observe quelque chose de semblable sur les animaux mêmes qui habitent les pays froids. Il n’est pas rare d’y voir des gens qui ont perdu le nez ou les oreilles, pour avoir été exposés à une forte gelée. Ces accidens ne sont pas sans exemple dans les climats tempérés.

Quand un membre a été gelé, on ne peut espérer de le sauver, qu’en le faisant degeler fort lentement, en le tenant, par exemple, quelque tems dans la neige, avant que de l’exposer a un air plus doux. On prévient de la même maniere la perte d’un fruit gelé. Voyez sur ce sujet l’article Glace. La lenteur du dégel est absolument nécessaire. Une fonte trop brusque, qui ne laisseroit pas aux parties d’un corps gelé le tems de reprendre l’ordre qu’elles ont perdu, détruiroit dans ce corps l’organisation qu’on y veut conserver.

Il suit de-là que les fruits qui se sont gelés sur les arbres, sont perdus sans ressource, s’il survient un dégel trop considérable & trop prompt. Un pareil degel n’est guere moins nuisible qu’une forte gelée, qui succede tout à coup à une très-grande humidité.

Tous les pays ne ressentent point les funestes effets de la gelée. On sait qu’il ne gele jamais sous la zone torride, m aux extrémités des zones tempérées voisines des tropiques ; au contraire il gele dans les zones glaciales pendant presque toute l’année. Les zones tempérées ont des vicissitudes de gelée, & de dégels, qui, paroissant au premier coup-d’œil n’avoir rien de réglé, sont pourtant moins irrégulieres qu’on ne pense. Dans la Nature, dit à ce sujet M. de Mairan, tout tend à une espece d’équilibre & d’uniformité, & on ne peut douter que l’inconstance même n’y ait ses lois.

Dans le milieu des zones tempérées on a des hyvers sans glace, mais qui, en comparaison des hyvers ou il gele, sont en petit nombre. On y voit des printems & des automnes où la gelée se fait sentir vivement ; il y gele très-rarement en été. Les plus fortes gelées arrivent, comme le plus grand froid, environ un mois après le solstice d’hyver.

Quand on distingue les pays où il gele de ceux où il ne gele point, on a simplement égard à ce qui a lieu sur la surface de notre globe ; car en s’éloignant de cette superficie, on rencontre dans tous les pays du monde, & sous l’équateur même, un froid suffisant pour glacer l’eau : on arrive même à une hauteur, au-delà de laquelle, jusqu’à une distance qui nous est inconnue, il ne degelle jamais. Il est évident que cette hauteur est moindre dans les pays septentrionaux, & plus froids par leur situation. Peut-être est-elle nulle sous les poles, qui dans ce cas seroient couverts d’une croute de glace qui ne se fondroit jamais. M. Bouguer, relation du Perou.

Le froid qui devient toûjours plus vif, à-mesure qu’on s’éleve à une plus grande hauteur dans l’atmosphere, n’augmente pas de même quand on pénetre dans l’intérieur de la terre, la chaleur étant constamment assez considérable à soixante-dix piés

de profondeur. De-là vient que la congelation ne gagne point dans les terres aussi avant qu’on pourroit se l’imaginer. En France, en Allemagne, & dans les pays situés au milieu de l’Europe, la glace ne pénetre guere dans les grandes gelées au-delà de deux piés de profondeur ; elle va en Moscovie à six & à dix piés. M. de Mairan, dissertation sur la glace ; M. Musschenbroek, essais de Physique ; leçons de Physique de M. l’abbé de Nollet, tome IV. &c. Cet article est de M. de Ratte.

Gelée blanche, (Physique.) c’est le nom que l’on donne à une multitude de petits glaçons fort menus qu’on apperçoit le matin vers la fin de l’autonne, en certains jours d’hyver, quelquefois même dans le printems, sur le gazon, sur les toîts des bâtimens, &c. où ils forment une couche, dont la blancheur égale presque celle de la neige. La gelée blanche, lorsqu’elle paroît, tient la place de l’humidité, dont la rosée mouille en d’autres tems la plûpart des corps terrestres. Il faut plus de froid pour la production de la gelée blanche, que pour humecter la terre de rosée. A cela près, la disposition de l’atmosphere est absolument la même dans l’un & l’autre cas. La gelée blanche n’est donc qu’une rosée congelée. Voyez Rosée.

Toutes les especes de rosée peuvent se réduire à deux, dont l’une tombe de l’air, & l’autre s’eleve de la terre. Chacune de ces deux especes peut être changée en gelée blanche.

Les particules d’eau qui composent l’une & l’autre rosée, sont invisibles dans l’atmosphere ; ou, si elles s’y rendent sensibles, c’est seulement sous la forme d’un brouillard peu épais : en un mot elles sont dans l’air en forme de vapeurs. Elles ne se réunissent en gouttes sensibles que sur la surface des corps, qui attirent avec une certaine force l’humidité de l’air. Or l’eau réduite en vapeurs, soit visibles, soit invisibles, ne se gele point tant qu’elle est dans cet état. C’est une vérité constante par toutes les observations, & qui doit passer pour un principe d’expérience. L’eau, quand elle se convertit en neige ou en grêle, n’est plus en état de vapeurs. Voyez Neige & Grêle. Il suit évidemment de-là que la rosée ne se gele point dans l’air, mais sur la surface de la terre, & de la plupart des corps terrestres, lorsqu’elle y rencontre un froid suffisant pour la glacer.

Une autre preuve que la rosée ne se gele point dans l’air, c’est que la gelée blanche adhere sensiblement à la surface des corps sur lesquels on l’apperçoit le matin. Or la glace n’adhere d’une maniere sensible aux autres corps solides, que quand l’eau dont elle est formée s’est glacée sur ces corps mêmes, qu’elle mouilloit auparavant. La neige & la grele n’adherent point aux corps sur lesquels elles tombent, lorsque ces corps sont bien secs, & qu’elles ne s’y fondent point pour geler de nouveau. De Chales, cursus mathemat. tome IV. de meteoris.

Ce que nous venons de dire, que la rosée se convertit en gelée blanche sur la surface des corps terrestres, & non dans l’air, est reconnu de tous les Physiciens.

On a donc de la gelée blanche toutes les fois que les petites gouttes d’eau, dont la rosée couvre les corps solides par lesquels elle est attirée, trouvent sur la surface de ces corps un froid assez considérable pour ôter à ces gouttelettes leur liquidité, & les changer en autant de petits glaçons. Celles de ces différentes gouttes qui se sont formées les premieres, sont aussi les premieres à se geler. A celles-ci il en succede d’autres qui se glacent de même, & ainsi de suite. Toutes ces particules d’eau très-déliées, & qui, comme nous venons de le dire, se sont glacées séparément, s’unissent en un corps rare & leger.