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diversité. Plusieurs physiciens célebres parmi lesquels on compte le savant M. Musschenbroek, ont adopté ce dernier sentiment ; ils pensent que dans les pays méridionaux, en Italie, par exemple, il gele assez constamment à un degré de froid fort inférieur à celui qui en France, en Allemagne, en Angleterre, &c. est nécessaire pour ôter à l’eau sa liquidité. Les preuves de cette assertion se réduisent à quelques observations faites à Naples par M. Cyrillo, professeur en Medecine, & rapportées dans les Transactions philosophiq. n°. 430. mais, comme l’a fait voir M. de Mairan, ces observations ne sont rien moins que décisives ; elles sont même démenties par des observations postérieures, dont nous sommes redevables à M. Taitbout, ci-devant consul de la nation françoise à Naples, par lesquelles il paroît que la glace ne se forme dans cette ville que quand le thermometre est au degré qui indique à Paris & ailleurs le commencement de la gelée. Une infinité d’observations pareilles faites dans d’autres villes de l’Europe, s’accordent toutes à donner la même conclusion. On peut donc assûrer que l’eau se gele par-tout au même degré de froid, & qu’elle ne se convertit naturellement en glace, que quand la température de l’air ou du milieu quelconque qui l’environne, est parvenue à ce degré. Ceux qui ont crû voir le contraire ont été certainement trompés par quelque circonstance particuliere qui leur a échappé. M. de Mairan, dissertation sur la glace, II. part. 2. sect. ch. vj. & vij.

Le degré de froid nécessaire pour la formation naturelle de la glace, est celui auquel s’arrête la liqueur d’un thermometre, dont on a plongé la boule dans de l’eau qui commence à se geler, ou ce qui revient au même, dans de la glace ou de la neige prête à se fondre. C’est le degré marqué zéro sur le thermometre de M. de Reaumur ; 32, sur celui de Fahrenheit, &c. Il ne gele point avant que la liqueur du thermometre soit descendue à ce degré. Lorsqu’elle y est parvenue, si la froideur de l’air se soûtient ou qu’elle augmente pendant quelque tems, la glace paroît, à-moins que des circonstances particulieres ou certains accidens, dont nous ferons mention ailleurs, n’empêchent sa formation. Remarquons que la glace ne fond pas toûjours, lorsque la température de l’air fait remonter le thermometre de quelques degrés au-dessus du terme ordinaire de la congelation ; ce qui s’accorde avec d’autres expériences qui prouvent que la glace est communément beaucoup plus de tems à se fondre, qu’elle n’en a employé à se former. Voyez ci-après Glace.

La gelée dépendant principalement de la froideur de l’air, il est évident que, toutes choses d’ailleurs égales, la gelée sera d’autant plus forte, que le froid sera plus vif.

Dans notre hémisphere boréal le froid se fait sentir d’ordinaire par les vents de nord ; communément aussi ces mêmes vents nous donnent les gelées. On imagine aisément que les vents de sud doivent produire un semblable effet dans l’hémisphere opposé.

Le vent de nord est sec, & nous lui devons le plus souvent le beau tems ; c’est la raison pour laquelle, généralement parlant, il gele plus souvent quand l’air est sec & assez serein, que dans des tems humides & couverts.

Les gelées qui arrivent dans des tems sereins, sont connues sous le nom de belles gelées.

Lorsqu’il gele très-fortement, le soleil paroît un peu pâle, & la sérénité de l’air n’est pas si grande que dans certains jours d’hyver, où l’on n’a que des gelées médiocres. C’est que d’une part l’évaporation des liquides est considérable dans les grandes gelées, & que de l’autre les vapeurs qui s’élevent alors, ne peuvent arriver dans l’atmosphere à une

médiocre hauteur, sans y rencontrer un froid qui les force de se réunir, sinon en nuages épais, du moins en petites masses assez sensibles, pour diminuer la transparence de l’air qui ne transmet dans ces circonstances que des rayons foibles & languissans. Ceci fait comprendre pourquoi les belles gelées sont moins fréquentes dans le voisinage des lacs & des grandes rivieres, le froid & la glace y étant assez souvent accompagnés de brouillards.

Les grands vents, tant par l’agitation qu’ils communiquent aux liquides exposés à leur action, que parce qu’ils diminuent toûjours un peu l’intensité du froid, sont un obstacle à la formation de la glace. Ainsi, quoique le vent de nord nous amene d’ordinaire la gelée, ce n’est point à beaucoup près lorsqu’il souffle avec le plus de violence, qu’il gele le plus fortement. L’air dans les fortes gelées est tranquille ou médiocrement agité. Nous ferons voir en parlant de la glace, qu’un petit vent sec accélere toûjours la congelation.

Le vent de nord & la sérénité de l’air étant souvent réunis avec le froid & la gelée, l’air dans ces circonstances est plus dense, plus pesant ; il soûtient le mercure dans le barometre à d’assez grandes hauteurs : on peut même regarder le dégel comme très prochain, quand on voit le mercure baisser considérablement & promptement après quelques jours de gelée ; cet abaissement étant causé par le vent de sud, qui en hyver nous donne communément le tems doux.

Nous avons dit que l’évaporation des liquides étoit considérable pendant les gelées ; elle l’est même d’autant plus, qu’il gele plus fortement. Voyez sur ce sujet les articles Evaporation & Glace.

La sécheresse qui accompagne les fortes gelées, rend certains jours d’hyver très-favorables aux expériences de l’électricité. Voyez Electricité.

Les effets de la gelée sur les végétaux méritent une attention particuliere. On connoît une infinité de plantes que la moindre gelée fait périr : ce sont celles qui, ne croissant naturellement que dans les pays chauds, ne sauroient résister à un degré de froid qui approche beaucoup du terme de la glace. En se bornant aux plantes de nos climats, plus robustes & plus vigoureuses, on ne peut nier que les fortes gelées ne leur soient nuisibles par le grand froid qui les accompagne. De plus, quand l’humidité de la terre est congelée à une certaine profondeur, quantité de plantes sont privées d’une partie des sucs nécessaires à leur entretien. On les voit alors languir ; & ce n’est qu’au dégel qu’elles reprennent leur premiere vigueur. Il en est qui périssent entierement ; d’autres perdent leurs parties les plus délicates, telles que les boutons de fleurs, les fruits naissans, &c. Celles qui ont dans leurs racines une ample provision de seve, résistent beaucoup mieux à la gelée & au froid.

Jamais une forte gelée ne produit de plus funestes effets sur les plantes & sur les arbres, que quand elle succede tout-à-coup à un dégel, à de longues pluies, à une fonte de neiges ; car dans ces circonstances toutes les parties des végétaux se trouvent imbibées de beaucoup d’eau, qui, venant à se glacer dans les petits tuyaux où elle s’étoit glissée, écarte les fibres & toutes les parties organiques des arbres même, dont le bois est le plus dur, y cause une violente distension & les rompt. C’est la raison pour laquelle la plûpart des oliviers, & beaucoup d’autres arbres, périrent en Languedoc & en Provence dans le rigoureux hyver de 1709. Les arbres les plus forts & les plus vieux moururent en plus grande quantité, parce que leurs fibres moins flexibles se prêtoient moins à l’effort que faisoit l’eau gelée en se dilatant. Ce phénomene a donc pour cause la dilata-