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certain tems la température du milieu qui les environne, ensorte qu’ils participent aux changemens qui arrivent dans le degré de chaleur ou de froid de ce même milieu ; au lieu que les animaux vivans conservent dans les saisons les plus extrèmes, un degré de chaleur constant & indépendant en quelque sorte de l’air dans lequel ils vivent. Cette chaleur animale répond dans l’homme au trente-deuxieme degré au-dessus de la congelation du thermometre de M. de Reaumur. Au reste nous parlons ici de la chaleur intérieure du corps humain, ou de la chaleur des parties qu’on a suffisamment munies contre le froid ; car il est certain que la peau du visage, des mains, & en général la surface du corps humain, quand on néglige de prendre les précautions nécessaires, se refroidit plus ou moins, selon que l’air qui agit sur elle est plus ou moins froid. Voyez Chaleur animale.

Nous ne parlerons point de quelques autres effets du froid, qui ont trouvé ou qui trouveront leur place ailleurs. Voyez, par exemple, sur l’évaporation des liquides pendant le grand froid, les artic. Evaporation & Glace.

Du froid artificiel. On donne le nom de froid artificiel, à celui que les hommes produisent en quelque sorte par différens moyens, dont plusieurs sont très-connus. Le plus simple de tous ces moyens est l’application d’un corps plus froid ou moins chaud que celui qu’on veut refroidir ; car il suit de la loi générale de la propagation de la chaleur, que ce dernier corps doit être rendu par-là moins chaud ou plus froid qu’il n’étoit auparavant. C’est ainsi que pour rafraîchir de l’eau, du vin, ou d’autres liqueurs, on les met à la glace ou dans la neige.

Un autre moyen de faire naître du froid est le mélange intime de différentes substances, soit solides, soit fluides. Il faut remarquer que ces substances qu’on mêle ont souvent le même degré de température ; & quand cela n’est pas, la plus chaude refroidit quelquefois celle qui l’est moins. Voici ce que l’expérience nous apprend au sujet du froid, qui résulte de ces divers mélanges.

1°. Si l’on jette dans une suffisante quantité d’eau un sel alkali volatil quelconque, ou un sel neutre tel que le nitre, le sel polychreste, le vitriol, le sel gemme, le sel marin, l’alun, le sel ammoniac, &c. ce sel en se dissolvant dans l’eau, la refroidira au-delà même du degré ordinaire de la congelation, si la froideur de cette eau en approchoit déjà : à cet égard le sel ammoniac est de tous les sels le plus efficace. Une livre qu’on en jette dans trois ou quatre pintes d’eau, fait descendre la liqueur du thermometre de M. de Reaumur de quatre, cinq, ou six degrés, plus ou moins, selon le degré de froid qu’avoit l’eau avant qu’on y eût mis le sel. De l’eau qu’on a refroidie de cette maniere au-delà du terme de la glace, ne se gele pourtant point. Si quelques gouttes séparées de cette dissolution viennent à se glacer, c’est par le hasard d’une prompte crystallisation, & par le concours de plusieurs circonstances rarement réunies. M. Geoffroy, mém. de l’académ. des Sciences, ann. 1700, pag. 110. & suiv. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pag. 374. & suiv. M. Musschenbroek, essai de Physique, tom. I. ch. xxvj. & suiv. Voyez Sel, Dissolution, & Menstrue.

2°. Tous les sels concrets ou qui sont sous forme seche, de quelque espece qu’ils soient d’ailleurs, acides, neutres, ou alkalis, tant fixes que volatils, étant mêlés avec de la neige ou de la glace pilée, ce mélange prend bien-tôt un nouveau degré de froid plus ou moins considérable, selon que les sels ont plus ou moins de vertu, ou qu’on les employe en différentes doses. La maniere si connue de faire geler des li-

queurs

en été malgré le chaud de la saison, est une suite de cette propriété des sels. Voyez Glace.

On voit par toutes les expériences qu’on a faites jusqu’à présent, que les sels mêlés avec la glace la fondent promptement, & que ce n’est qu’en la sondant & en s’y dissolvant eux-mêmes, qu’ils la rendent plus froide. Tout ce qui accélere cette fusion réciproque de la glace & des sels, doit hâter le refroidissement : au contraire, quand par un moyen dont nous parlerons bien-tôt, on empêche cette fusion, nulle nouvelle production du froid.

Deux parties de sel marin mêlées avec trois parties de glace pilée, font descendre dans les jours les plus chauds, la liqueur du thermometre de M. de Reaumur à 15 degrés au-dessous de la congelation. Le sel ammoniac un peu moins actif à cet égard, ne donne à la glace que 13 degrés de froid. L’efficacité du salpetre raffiné, ou de la troisieme cuite, est beaucoup moindre ; le froid qui en résulte, n’est que de trois degrés . Le salpetre de la premiere cuite qui contient beaucoup de sel marin, fait descendre le thermometre de 11 degrés. Il suit évidemment de-là qu’on s’est trompé pendant long-tems, quand on a regardé le salpetre comme le sel le plus propre aux congelations artificielles. Le sel marin fait plus d’effet : cependant il ne tient pas ici le premier rang, puisque le froid qu’il produit est inférieur de deux degrés à celui que donne le sel gemme, & de deux degrés au froid qu’on fait naître avec de la potasse qui est un sel alkali. Tout ceci est constant par les expériences de M. de Reaumur. Voyez le mémoire de cet académicien sur les congelations artificielles, dans le recueil de l’académie des Sciences pour l’année 1734.

3°. Les esprits de sel & de nitre possedent à un plus haut degré que les sels concrets, la vertu de produire le froid. De l’esprit de nitre qu’on aura en soin de refroidir jusqu’au point de la congelation du thermometre, étant versé sur de la glace pilée, dont le poids soit environ double du sien, on verra bientôt le thermometre descendre avec vitesse jusqu’à 19 degrés. On produira un degré de froid plus considérable, si avant que de verser l’esprit de nitre sur la glace pilée, on a fait prendre à ces deux matieres un froid beaucoup plus grand que celui de la congelation, en les environnant séparément l’une & l’autre de glace, mêlée avec d’autre esprit de nitre. On a par cette préparation un esprit de nitre déjà très-froid, qui versé sur de la glace extrèmement refroidie, fera descendre le thermometre à 25 degrés. En refroidissant davantage par cette même voie l’esprit de nitre & la glace, nous aurons de plus grands degrés de froid. De cette maniere M. Fahrenheit a poussé le froid artificiel jusqu’à 40 degrés au-dessous du zéro de sa division, ou ce qui revient au même, au trente-deuxieme degré des thermometres de M. de Reaumur. Voyez le détail curieux de l’expérience de M. Fahrenheit, dans la chimie de Boerhaave, expér. jv. coroll. 4.

Il est possible en pratiquant cette même méthode, d’augmenter beaucoup le froid qui résulte du mélange de la glace & d’un sel concret, quoiqu’on ne puisse jamais rendre ce dernier froid égal à celui que l’on obtient en employant des esprits acides. Si, par exemple, avant de mêler la glace & le sel marin on a fait prendre à chacune de ces deux matieres 14 degrés de froid, on pourra faire naître un froid de 17 degrés & , qu’il sera facile de pousser ensuite jusqu’à 22 degrés, en suivant toûjours le même procédé, pourvû néanmoins qu’après avoir mis ensemble la glace & le sel déjà refroidis, on verse sur ce mélange de l’eau chargée de sel marin, & froide de huit à neuf degrés : sans cela, comme M. de Reaumur l’a éprouvé, le sel & la glace ne se fondant