Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conserve son à-plomb, il est à-propos cependant de le laisser assez raboteux, pour que les morceaux de sable & les inégalité qui s’y trouveront, retiennent à leur tour la seconde préparation dont je vais parler. J’observerai qu’avant de l’employer, le premier enduit doit être parfaitement sec, & que l’artiste a intérêt d’éviter sur-tout de peindre lorsque la chaux de ce premier enduit n’a pas jetté toute son humidité, s’il veut échapper au danger que manifeste son odeur desagréable & pernicieuse.

La premiere couche dont j’ai parlé étant parfaitement séchée, il faut l’imbiber d’eau à proportion de son aridité, pour donner plus de facilité au premier enduit de s’incorporer avec la nouvelle couche dont il faut le couvrir ; c’est cette derniere couche qui servira de champ ou de fond à la peinture à fresque. Cette nouvelle & derniere préparation aussi importante, mais plus délicate que l’autre, se fait en mêlant du sable de riviere d’un grain fort égal, qui ne soit ni trop gros ni trop menu, avec de la chaux éteinte, depuis une année si elle est forte, ou tout-au-moins depuis six mois si elle est plus douce. C’est à un maçon intelligent & actif qu’il faut donner le soin d’étendre, & d’approprier ce crépit ; il faut que ce manœuvre soit intelligent pour préparer avec une juste proportion, ce que le peintre peut employer de cette surface dans sa journée, & il doit être actif pour l’étendre, la nettoyer, la polir, avec la promptitude nécessaire pour que son opération laisse au peintre tout le tems dont il a besoin. On sent bien cependant que cette intelligence & cette activité doivent être dirigées par l’artiste même, & reglées sur sa plus ou moins grande facisité, sur la nature de l’ouvrage & sur la longueur du jour.

J’ai dit que le manœuvre doit étendre l’enduit. Cette opération se fait avec la truelle ; il doit le nettoyer, c’est-à-dire ôter, avec un petit bâton ou l’ente d’un pinceau, les grains de table les plus gros, qui rendroient la surface trop raboteuse. Ce second soin est nécessaire dans les endroits qui sont plus exposes à la vûe. Enfin il faut polir cet enduit que l’on a nettoyé, & pour cela on applique une feuille de papier sur les endroits qui l’exigent, & l’on passe la truelle sur ce papier, pour applanir ainsi les petites inégalités qui nuiroient à la justesse du trait en produisant de loin de fausses apparences. Lorsque cette seconde couche de sable & de chaux a été appliquée, dressée, nettoyée & polie dans l’endroit par lequel l’artiste a résolu de commencer son ouvrage, il y dessine, & il y peint avec les couleurs propres au travail, & il employe dans la journée ce qu’il a fait enduire, de maniere à n’être pas obligé d’y retoucher. C’est cette obligation de peindre au premier coup, qui fait le caractere distinctif de la fresque. Cette nécessité en ôtant des ressources au peintre, le contraint à des précautions dont je vais parler.

Au reste si la difficulté qu’elle offre à surmonter, rend plus fréquentes les négligences inévitables dans les grands ouvrages, elle donne en récompense une franchise, une activité, & une fraîcheur au pinceau des artistes, qui dédommage des parties incompatibles avec ce genre de travail.

Les précautions dont j’ai promis de parler, sont 1°. l’esquisse terminée de la composition qu’on veut peindre ; 2°. des cartons de la grandeur de l’ouvrage même. Je vais reprendre ces deux articles, après quoi je dirai les couleurs dont on doit se servir pour peindre à fresque, en prévenant que sur cette partie physique des couleurs, il y auroit des examens & & des recherches très-intéressantes à faire, qui demanderoient l’union difficile des lumieres chimiques & de la connoissance approfondie de la Peinture.

Ce n’est pas la premiere fois que j’ai parlé de l’avantage que les artistes doivent attendre d’une espe-

ce de sujétion, qui consiste à arrêter & terminer l’esquisse de la composition qu’ils veulent exécuter, de maniere à n’avoir aucun changement essentiel à y faire. Je ne me lasserai point de le répéter, c’est le moyen de parvenir à cette unité de composition & à cet ensemble refléchi & conséquent, qui approche autant qu’il est possible de la perfection : cette precaution avantageuse dans toutes les façons de peindre est indispensable, lorsque l’on peint à fresque On ne peut dans cette derniere façon de peindre, commencer par ébaucher tout son ouvrage (façon d’opérer qui est d’une grande ressource pour ceux qui aiment à tâtonner & à composer sans esquisse) ; on ne peut, comme je l’ai dit plus haut, commencer une partie du tableau, sans être obligé de la terminer dans sa journée. Il faut dans ce court espace qu’on ait non-seulement achevé sa tâche, mais que cette portion de la composition soit tellement exécutée pour l’accord, que la composition entiere achevée, on puisse croire qu’elle a été exécutée suivant l’usage ordinaire, c’est-à-dire peu-à-peu en commençant par une ébauche générale, & en passant d’une harmonie plus foible à une harmonie vigoureuse & pleine, telle que la nature nous l’offre. C’est ainsi, pour donner de cette progression une image sensible à ceux qui ne sont point artistes, c’est ainsi que le crépuscule du matin, cette premiere ébauche de l’ouvrage de la lumiere, commence à colorer foiblement les objets, & à donner une idée foible de l’effet des jours & des ombres. Cet effet devient plus sensible de moment en moment ; les couleurs en conservant entr’elles les mêmes proportions, deviennent plus éclatantes ; enfin lorsque le jour est entierement développé, le tableau de la nature est terminé.

L’opération de la fresque qui ne permet pas de progression, exige donc comme un secours nécessaire celui que fournit une esquisse arrêtée, à-moins que l’imagination de l’artiste ne soit tellement vive & fidele, qu’il y trouve à sa volonté la nuance du tout de chaque partie de son tableau. Mais ce don de la nature est rare, & l’esquisse qui en est l’équivalent y supplée d’une maniere certaine & facile. J’ai indiqué une seconde précaution, qui consiste à employer ce qu’on appelle, en termes de Peinture, des cartons. Je m’arrêterai un instant sur l’explication de ce mot.

L’étude, ou le dessein, ou le trait d’une ou de plusieurs figures qui doivent être employées dans un ouvrage de Peinture, est ce qu’on appelle carton, lorsque ce trait de la grandeur juste des figures qu’on doit peindre est tellement étudié, qu’on le destine à être calqué sur la surface sur laquelle on doit exécuter l’ouvrage. Ce qui convient le mieux pour dessiner ces études ou ces traits, est le carton composé de plusieurs feuilles de papier collées les unes sur les autres, de maniere qu’il ne soit ni trop mince ni trop épais ; le simple papier trop sujet aux impressions de l’air, a l’inconvénient de se retirer ou de s’alonger ; ce qui peut produire, lorsqu’on veut calquer de grandes figures, des erreurs qui éloigneroient de l’extrème correction que l’on cherche à atteindre par ce moyen. Je vais reprendre l’ordre des opérations différentes du peintre, pour placer celle-ci à son rang.

L’artiste compose plusieurs croquis ou pensées de son sujet ; il choisit celle qui lui convient le mieux, il fait alors une esquisse dans laquelle il arrête sa composition, sans se contraindre cependant à donner à chacune de ses figures toute la correction de dessein dont il est capable, pour ne point trop perdre de tems. Après avoir terminé cette esquisse, il forme un carton de la grandeur de l’ouvrage même, pour pouvoir l’appliquer, lorsqu’il y aura dessine ses figures, sur la surface qu’il doit peindre ; il etablit par une échelle de proportion, ou par des quarrés,