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. Vous arrêtez l’autre bout de votre fer dans la fente de ce piton que vous plantez dans le mur. Cela sait, vous tirez sur ce fer les peaux dégraissées, afin de les rendre nettes de chair, les corrompre, & les étendre davantage.

Vous commencez ce travail en prenant les deux flancs de la culée, endroits où il n’y a pas ordinairement beaucoup de poil, & qui se trouvent sous la cuisse de derriere de l’animal (il en est de même des épaules qui se trouvent sous les cuisses de devant). Vous passez votre peau entre votre fer & la muraille ; vous vous postez comme pour écharner ; vous inclinez seulement en travaillant votre tête sur le côté gauche du fer ; vous travaillez comme en écharnant ; vous veillez soigneusement à ce que la peau ne se plisse point sur le fer ; ces plis occasionneroient autant de trous à la peau ; vous menez ainsi votre peau sur le fer le plus fermement & le plus également que vous pouvez. Les piés ne se dérangent point ; tout le mouvement est des bras. Le corps se tord un peu sur lui-même ; il tourne de droite à gauche, quand on tire à gauche, & de gauche à droite quand on tire à droite. Il faut seulement observer en tirant à gauche, de ne pas fortement appuyer sur le fer. Il s’agit seulement dans ce mouvement de prevenir les plis qui pourroient se faire à la peau ; la force du bras droit, est la seule qui soit employée en entier.

Lorsque vous aurez corrompu votre peau sur le dos, vous la corromprez sur le ventre ; & vous travaillerez jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de chair : alors vous mettez votre peau sur son carré.

Il faut observer que quand le fer ne coupe plus, il faut lui donner le fil des deux côtés, & renverser le morfil du côté gauche.

Toutes les peaux soit en poil, soit en laine, se tirent de la même maniere. Quant à celles d’ours qui sont très-grandes & très-pesantes, il est difficile de les tirer au fer. On se contente de les bien écharner ; ensuite on a un banc à quatre piés, semblable à celui des Bourreliers. Il est long de six piés, & large de quatorze pouces ; de la hauteur d’un siége ; on fixe à une de ses extrémités des fers paralleles ou qui se regardent, comme deux especes de palissons de chamoiseur & de gantier ; il y a à l’autre extrémité une perche mobile à charniere, de la longueur de neuf piés ; cette perche peut en s’approchant du corps du chevalet, retomber entre les deux planches qui sont encastrées sur le banc, & garnies des fers ou palissons paralleles.

Deux hommes sont employés à l’usage de cet outil. Il faut que celui qui doit manier la peau, se mette à cheval sur la perche ; qu’il prenne la peau, & qu’il la place sur les deux palissons du côté de la chair ; que la perche soit ensuite abaissée sur le milieu de la peau comprise entre les deux palissons ; qu’un autre ouvrier tienne le bout de la perche à deux mains, la leve & la laisse retomber de trois pouces de haut au-dessus des palissons ; que le premier fasse glisser la peau bien étendue sur les palissons ; que le second releve la perche & la laisse retomber ; & que le travail se continue ainsi jusqu’à ce que la peau soit bien corrompue.

Au demeurant ces peaux ne se dégraissent point dans le tonneau comme les autres. On les étend sur une table ; on a de la poussiere de motte de tanneurs bien seche & bien échauffée au soleil ; on en prend, & avec les mains on en frotte les peaux du côté du poil. Cela fait, on les bat à quatre sur le poil.

Il est bon de savoir que si l’on employoit à cette manœuvre le plâtre, loin de donner à la peau d’ours un beau noir, on lui trouveroit le fond du poil blanchâtre.

Mais il y a d’autres peaux que l’ours, qui ne se

peuvent fouler au tonneau ; telles sont toutes celles qui ont le poil tendre & délicat : comme le lievre blanc, le renard noir, le renard bleu, le loup cervier, &c. on se sert alors d’une pâte dont nous allons donner la préparation, après avoir averti qu’elle peut être employée sur des peaux qui ont été mal passées, & auxquelles la négligence de l’ouvrier n’aura laissé que cette ressource.

Prenez trois pintes grande mesure de farine de seigle, & une douzaine & demie de jaunes d’œufs ; délayez le tout ensemble dans une grande terrine avec deux livres de sel que vous aurez fait fondre dans de l’eau. Mais avant que d’arroser la farine & les jaunes d’œufs avec l’eau salée, mêlez-y une demi-livre d’huile d’olive ; ensuite achevez de détremper votre pâte par le moyen de l’eau salée. Cette pâte aura quelqu’épaisseur, mais cependant assez de fluidité. Appliquez-la sur le cuir de votre peau ; qu’il y en ait par-tout également, & à-peu-près de l’épaisseur de deux écus ; cela fait, pliez-la en deux, depuis la tête à la culée ; laissez cet enduit enfermé dans le pli environ douze jours. Au bout de ce tems ouvrez votre peau : raclez l’enduit en un endroit avec un couteau ; tirez le cuir ; s’il vous paroît blanc, il sera passé ; s’il n’est pas blanc, remettez de la pâte : repliez la peau, & la laissez encore huit jours en cet état. Mais ce tems écoulé, portez-la sur le chevalet & l’écharnez. Quand elle sera écharnée, gardez-vous bien de la faire sécher à l’air, de peur qu’elle ne durcisse. Mais prenez de la farine (de quelqu’espece que ce soit), étendez-en sur votre peau du côté du cuir, de l’épaisseur d’une demi-ligne : frottez bien par-tout avec vos mains : pliez la peau comme ci-dessus ; laissez-la ainsi saupoudrée & pliée pendant deux jours. Au bout de ce tems ouvrez-la, ôtez la farine : gardez à part cette farine pour une autre occasion, & passez la peau au fer de pelletier, comme nous l’avons dit plus haut.

On se sert de cette pâte pour passer les peaux de marte, de foüine, & de renard, qui ne peuvent se fouler.

Mais il y a une façon de passer les peaux d’agneaux, dont on se sert pour fourrer les manchons ; on l’appelle passement au confit.

Voici comme on passe au confit : Prenez un cent de peaux d’agneaux ; faites-les tremper pendant deux jours dans un grand cuvier rempli d’eau. Prenez votre chevalet ; placez-le comme nous avons dit ci-dessus, pour écharner. Ayez un tablier de peau de veau bien tannée : faites le haut du tablier de la tête de cette peau ; attachez à chaque pate de devant une ficelle, & ceignez ce tablier avec ces ficelles. Etendez la peau sur le chevalet ; contenez la culée entre le chevalet & votre estomac : écharnez avec le couteau à écharner ; ayez-en un autre avec lequel vous séparerez de la peau les oreilles, le bout du nez, & les mâchoires, qui ne serviroient qu’à faire tourner le confit. Voyez à l’article Chamoiseur, le travail de ces peaux sans poil.

Lorsque vous aurez écharné toutes vos peaux, vous les remettrez dans le cuvier rempli de nouvelle eau ; vous les y laisserez tremper une heure ou deux ; vous les en tirerez l’une après l’autre, pour les remettre sur le chevalet, la laine en l’air ; que vous froterez fortement avec le dos de votre couteau à écharner, afin d’en séparer toute la malpropreté  : cette malpropreté feroit aussi tourner le confit ; celle manœuvre s’appelle rétaler. Quand vous aurez rétalé toutes vos peaux des deux côtés, vous remplirez votre cuvier d’eau nouvelle, & les y laverez l’une après l’autre : pour les laver, on les prend par les flancs de derriere de chaque main ; on tourne la laine en-dessus ; on les plonge ainsi dans l’eau, on les serre, on les frote ; on fait sortir la crasse : quand l’eau tombe