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Charas & le Fêvre dont l’athanor est le double de celui-ci. Cet auteur couvre le talud d’une plaque de tôle unie, afin que le charbon coule mieux. La porte du foyer c ne s’ouvre qu’au besoin, mais celle du soupirail doit l’être continuellement, sans quoi le fourneau n’iroit pas. A 4 ou 5 pouces de la premiere plaque de tôle, on en met une autre aussi de tôle ou de fonte, qu’on encastre pareillement dans le mur : celle-ci est destinée à soûtenir le sable ; on laisse cependant aux quatre coins la place de quatre regîtres, qui sont quatre tuyaux de tôle d’un pouce de diametre, qu’on diminue si l’on veut avec des bouchons percés de différente grandeur. On éleve ensuite les murs & le massif qui doit porter la tour à la hauteur d’un pié environ ; ensuite de quoi on fait la tour en terre, ou en tôle, ou en briques, cela est indifférent : on lui fait aussi un couvercle, qui la ferme bien juste, comme nous l’avons déjà dit du précédent athanor, dont la description ne sera pas inutile pour celui-ci, quoique inapplicable dans bien des cas. La tour & son dôme dans notre figure 61 sont de terre. On conçoit aisément que la porte f de la chambre du feu, & la porte e de l’étuve, doivent être continuellement fermées, & particulierement la porte f, car la porte e s’ouvre de tems en tems pour ce qu’on a à faire sécher à l’étuve.

Quoique l’invention des athanors, dont le feu brûle dans la tour, soit effectivement bien commode, on a inventé après eux une sorte de tour, de laquelle le charbon tombe dans le foyer des fourneaux qui lui sont joints, & qui contiennent les matieres, lesquelles par ce moyen en sont bien plus échauffées qu’elles le seroient par une chaleur qui ne viendroit que de la tour.

Si après avoir allumé le feu dans les foyers des fourneaux de l’athanor de Charas (ce sont ses remarques), on remplit les canaux de la tour de charbon qui ne soit ni trop gros ni trop menu, & si ensuite on bouche les ouvertures de la tour & les portes des foyers des fourneaux, car la tour n’en a point du tout, non plus que de soupirail, on peut être sûr d’avoir un feu égal, qui continuera du-moins pendant vingt-quatre heures ; ce feu chauffera très doucement, si on bouche encore les soupiraux des fourneaux adjacens, & qu’il n’y ait d’ouvert que leurs regîtres.

Quelquefois on fait quarrée la tour de l’athanor, afin qu’elle communique sa chaleur à un plus grand nombre de fourneaux. On en voit un dans Libavius, dont la tour est hexagone ; ensorte qu’elle est environnée de cinq fourneaux, & a ses portes à son sixieme côté. Ces sortes d’athanors se placent pour lors au milieu du laboratoire ; mais ils doivent marcher difficilement.

Le Fêvre & Glaser disent que le dôme de la tour de l’athanor peut être converti en un appareil utile, & qu’il suffit pour cela de mettre une terrine à sa place. L’intermede qu’on y mettra, déterminera la nature du bain auquel elle servira ; mais je croi que la chaleur de ce bain doit être bien foible : au reste c’est un essai qu’on peut faire aisément d’après le Fêvre qui en parle comme par expérience ; & peu importe que le dôme ferme la tour par sa partie convexe ou concave. Voyez-en l’appareil, page 144. de Biringuccio.

Nous pourrions citer ici avec le Fêvre, Glaser & Charas, une foule d’auteurs qui ont toûjours mis quatre regîtres aux quatre coins de leur athanor, comme on le voit dans notre figure 61. mais les deux regîtres voisins de la tour ne me paroissent faits que pour ralentir l’action du feu ; & cela doit être évident pour ceux qui auront lû attentivement la description de l’athanor de Cramer, & qui considéreront le jeu du feu dans le grand fourneau anglois, ou dans notre figure 19-21. qui est la même chose, ou

dans tous ceux qui approchent de leur structure.

Outre la grille du foyer de la tour de l’athanor, fig. 61, il faut qu’il y en ait encore une autre horisontale, comme celle des artistes qui font la cire d’Espagne. Charas n’en a rien dit, & il ne le pouvoit pas ; il vouloit que le charbon de sa tour tombât dans le foyer des fourneaux adjacens, & les remplît : mais il n’en est pas de même de notre figure 61, le charbon ne doit pas passer la grille de la tour, mais il la passeroit nécessairement s’il n’étoit pas retenu par une grille horisontale qu’on ne voit pas, mais que la raison supplée aisément. Quand il y a deux fourneaux & qu’il n’y a qu’une tour, il faut nécessairement une plaque à l’une & à l’autre, comme à celui de Cramer, pour gouverner le feu. Cette plaque se trouve dans quantité d’auteurs, & est fort ancienne. Par ce moyen on peut se servir de leurs foyers sans allumer le charbon de la tour ; parce qu’on n’a pas toûjours occasion de faire marcher deux fourneaux à-la-fois, & de faire des opérations qui demandent un feu de vingt-quatre heures ; mais pour lors les quatre regîtres doivent être ouverts.

La tour de notre athanor, fig. 61, est conique. Cette figure est exigée par la plûpart des auteurs. Voyez Charas, &c. Mais M. Cramer, comme on peut le voir, a cru pouvoir négliger cette précaution qu’on ne prend que pour empêcher que deux charbons se rencontrant par l’une de leurs extrémités, ne viennent à s’arcbouter par l’autre contre les parois de la tour, & à empêcher la chûte de ceux qui se trouveroient par-dessus : mais il est bien aisé de voir que cet inconvénient n’aura jamais lieu dans une tour dont les parois verticales seront bien polies, & qu’il pourroit très-bien arriver même dans une tour de figure conique, dont les parois seroient raboteuses. On peut éviter cet inconvénient, soit que la tour soit conique ou pyramidale, en cassant le charbon comme pour les fourneaux ordinaires, avant que de le mettre dans la tour.

Il suit donc que si M. Cramer n’est pas le premier qui ait senti la nécessité de bien construire un athanor, il est au-moins le premier qui y ait remédié & qui l’ait bien figuré & expliqué. Son athanor va comme il le dit. On en a construit un à Paris d’après sa description, qui le prouve. Le méchanisme de ce fourneau doit être fondé sur ce que le feu veut monter, & non descendre. M. Cramer l’a bien vû, & c’est une remarque qui ne doit pas échapper à ceux qui examineront son fourneau : mais il me semble qu’il y a encore quelque chose à y mettre de plus ; c’est l’inclinaison dont nous venons de parler au sujet de la figure 61, afin que le charbon de sa tour, au lieu de descendre perpendiculairement comme il fait, descende obliquement pour s’approcher de la premiere chambre, & rende par-là le canal du feu plus droit. Nous appellons ici le canal du feu, la ligne que nous faisons passer par le soûpirail, le cendrier, la grille, le foyer, la fenêtre biaise & la premiere cheminée, ou par la derniere cheminée aussi si l’on veut, & nous remarquons que plus cette ligne sera droite & ira de bas en-haut, mieux l’athanor marchera : mais comme cette premiere chambre a pour regître une plaque de fer, il faudroit de toute nécessité à son fourneau la grille horisontale dont nous avons parlé, pour empêcher que le charbon venant à tomber sous cette plaque, ne s’oppose à la liberté qu’elle doit avoir de joüer dans ses coulisses, & de fermer tout-à-fait la fenêtre biaise de communication. Cette grille & l’inclinaison dont nous parlons, peuvent même être prises dans l’épaisseur du mur de la tour de M. Cramer.

L’athanor de Gellert ou celui de Ludolf, qui sont presque la même chose, ne sont quant au fond que celui de Cramer, augmenté de plusieurs chambres