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distance de 20 piés, elle terminera le parapet de la fausse braie. Le fossé se mene parallelement aux faces des bastions, & à la distance de 25 toises.

Cette maniere de fortifier de Marolois donne un moyen facile de travailler sur le terrein, où l’on ne peut guere décrire exactement un polygone régulier par le moyen d’un cercle. On trace le polygone, le premier trait des courtines & des bastions, en faisant premierement sur terre l’angle du polygone égal à celui qui est décrit sur le papier, & achevant le reste comme il vient d’être enseigné.

Il faut observer que Marolois donne 60 degrés à l’angle flanqué de son quarré, 72 au pentagone, 80 à l’exagone, 85 à l’eptagone, & 90 à l’octogone & aux autres polygones.

Il y a d’autres manieres de fortifier à la hollandoise, comme celle d’Adam Fritach polonois, qui a donné un traité sur la Fortification, traduit en françois en 1640 ; de Dogen, &c. mais comme les principes de ces auteurs ne different pas beaucoup de ceux de Marolois ; qu’ils font comme lui le flanc perpendiculaire à la courtine ; qu’ils construisent des fausses braies à leurs places, & que leurs lignes de défense sont fichantes, il paroît assez inutile de s’arrêter à donner leurs constructions, qui sont absolument hors d’usage : car, comme le dit Ozanam dans son traité de Fortification, elles n’en valent pas la peine. « En effet, bien que plusieurs ayent cru, dit cet auteur, que la fortification des Hollandois étoit la meilleure, à cause de la longue durée des guerres de ce pays-là qui devoit les avoir rendus savans dans cet art par une longue expérience, & que pour résister à un grand prince ils ayent tâché d’y renchérir par-dessus les autres nations ; néanmoins la même expérience a fait voir dans les guerres de 1672, 1673, &c. que la plûpart de leurs meilleures places ont été emportées en trois semaines de tems, & qu’elles l’auroient été plûtôt sans le nombre de leurs dehors ; ce qui depuis ce tems-là a diminué beaucoup la réputation où elles étoient, & que nous méprisons entierement les manieres dont elles ont été fortifiées. Comme dans toutes ces manieres de fortifier on a affecté d’avoir un second flanc sur la courtine, & qu’on y a fait la contrescarpe parallele aux faces des bastions, il arrive ce défaut considérable, savoir que le flanc qui est la principale partie de la défense, ne découvre point tout le fossé, à cause que la contrescarpe étant parallele à la face du bastion, lorsqu’il y a un second flanc, le prolongement du bord extérieur du fossé va bien souvent rencontrer la courtine, au lieu qu’il devroit aboutir à l’angle de l’épaule ; ce qui fait que les ennemis peuvent être logés dans le fossé sans craindre les coups du flanc, parce que la contrescarpe les couvre contre ce flanc, & qu’ils sont seulement vûs du second flanc, qui étant bientôt ruiné, l’entrée du fossé est rendue facile aux assiégeans ». Ozanam, traité de Fortification.

Du système de Stevin de Bruges. On pourroit encore dans la classe des ingénieurs hollandois, mettre le savant Stevin, dont on a un système qui n’est pas plus d’usage aujourd’hui que les précédens. Cet auteur étoit fort estimé de Maurice prince d’Orange. Les états de Hollande lui avoient donné la charge de castramétateur, ou la fonction de marquer & distribuer leurs camps. Il a donné aussi à cette occasion un traité de la Castramétation.

Il commence sa fortification par l’exagone, lui donnant 1000 piés de Delft pour côté (qui est sensiblement égal au pié françois). Il donne à la demi-gorge 180 piés, grandeur plus petite que la 5e partie du côté, au flanc 140, qui differe de peu de la 7e partie du même côté. Il fait ce flanc perpendiculaire à la courtine ; puis de son extrémité & de l’angle du flanc

opposé, il tire la ligne de défense, qui se termine par la rencontre du rayon oblique du polygone prolongé. De cette maniere les faces sont extrèmement longues ; son angle flanqué est obtus, & il augmente selon le nombre des côtés du polygone.

Cet auteur fait aussi des places basses & des places hautes à tous les flancs. Il employe les fausses braies à-peu-près comme Marolois & Fritach, & il éleve de plus un cavalier dans le centre de chacun de ses bastions. Ses lignes de défense sont rasantes.

Son flanc est couvert par un orillon, ou plûtôt un épaulement formé par le prolongement de la face du bastion ; mais si cet épaulement couvre son flanc, il le rend aussi si petit, qu’il n’a presque plus aucune défense.

Ceux qui voudront connoître le détail de cette construction, pourront consulter le livre de l’auteur, ou le second volume des travaux de Mars, par Allain Manesson Mallet, où elle est rapportée dans les propres termes de Stevin.

Système ou construction du chevalier Antoine de Ville. Cet auteur étoit ingénieur en France sous le roi Louis XIII. On a de lui un excellent traité de Fortification, dans lequel il fait voir beaucoup de savoir & beaucoup d’intelligence dans cet art. Cet auteur a eu l’avantage de joindre la théorie à la pratique, & il dit lui-même qu’il n’a rien écrit que lui ou son frere n’ait vû ou pratiqué. Sa méthode est appellée dans la plûpart des auteurs, la méthode françoise, comme celle de Marolois est appellée la hollandoise Il a pour maximes particulieres de faire toûjours l’angle flanqué droit, & le flanc égal à la demi-gorge.

Il fortifie extérieurement, c’est-à-dire en-dehors du polygone. Son flanc est perpendiculaire sur la courtine, & ses lignes de défense sont fichantes. Sa méthode ne peut commencer à se pratiquer qu’à l’exagone ; parce que les autres polygones de moins de côtés ont leurs angles trop petits pour qu’elle puisse y convenir.

Pour donner le détail de la construction de cet auteur, soit AB (Plan. II. de la Fortification, fig. 3.) le côté d’un exagone.

On divisera ce côté en six parties égales. On prendra AC & BD pour les demi-gorges des bastions du front AB, de la sixieme partie de ce côté. Des points C & D, on élevera sur AB les perpendiculaires CL & DH, égales chacune à AC ou BD ; elles seront les flancs des demi-bastions du front AB. On tirera ensuite les rayons obliques OA, OB, prolongés indéfiniment au-delà de A & de B. On abaissera du point L sur le prolongement de OA, la perpendiculaire LQ. On fera QM égale à LQ, & l’on tirera la ligne ML, qui sera la face du demi-bastion MLC. On déterminera de même la face HN de l’autre demi-bastion. Si l’on répete ensuite les mêmes opérations sur tous les côtés du polygone, on aura le principal trait, ou la ligne magistrale de la construction du chevalier de Ville.

Il est évident par la construction de cet auteur, que les angles flanques sont droits, de même que ceux du flanc.

Le chevalier de Ville prend le côté intérieur AB pour l’échelle de son plan ; il lui donne cent vingt toises : ainsi les demi-gorges & les flancs qui sont la sixieme partie de ce côté, sont chacun de 20 toises. Le fossé de la place doit être mené parallelement aux faces des bastions, & à la distance de 20 toises.

Si l’on veut couvrir le flanc HD par un orillon, on le divisera en trois parties égales. On prendra GD d’une de ces parties, par le point G & le point M, angle flanqué du bastion opposé ; on tirera la ligne GM, sur laquelle on prendra GK égale à GD. On prolongera la face NH, jusqu’à ce qu’elle rencontre la ligne MG dans un point R. De ce point pris