Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

néral dont on appelle toutes les places fortifiées, soit par la nature, soit par l’art.

Ainsi les villes fortifiées, les châteaux, les citadelles, &c. sont des forteresses. M. Maigret a donné un traité de la sûreté & conservation des états par le moyen des forteresses, dans lequel il explique leur utilité, leur nombre, & leur situation, pour assûrer les frontieres & l’intérieur d’un état. « Si l’on ne connoît pas bien, dit cet auteur, l’utilité, ou pour mieux dire tous les différens usages des forteresses, on peut négliger d’en faire dans des endroits ou on en pourroit tirer de grands avantages. Si on ignore la quantité précisément nécessaire, on se jettera dans des dépenses inutiles, & quelquefois préjudiciables ; ou pour épargner on laissera un passage ouvert à l’ennemi : si on ne sait pas bien distinguer la force que la nature a donnée a de certains lieux, on en méprisera où avec peu de dépense on feroit une place plus forte que ne pourroient faire tous les ouvrages inventés par les plus habiles ingénieurs ; ou bien on entreprendra d’en fortifier que l’art ne peut jamais mettre en état de faire une bonne défense. Si on peche dans la grandeur d’une forteresse, dans la figure, dans la solidité & dans la construction de ses ouvrages, elle ne produira jamais tout l’effet qu’on auroit pû s’en être promis ». Préface du livre de M. Maigret.

On peut appliquer à la situation & au nombre des forteresses nécessaires pour la défense des états, la premiere maxime de la Fortification, c’est-à-dire qu’elles doivent être disposées de maniere qu’elles ferment tous les passages par où l’ennemi pourroit faire entrer ses armées dans le pays.

Il faut beaucoup de connoissances du pays, pour juger de la situation la plus avantageuse des forteresses ; & des différens intérêts des princes, pour n’en point construire dans des lieux ou il est à présumer qu’on ne les laissera point subsister, & où elles donneroient trop de jalousie aux puissances voisines. A peine la forteresse de Montroyal étoit-elle construite, qu’il fallut la raser, en conformité du traité de Riswick en 1697. (Q)

FORTEVENTURA, (Géog.) île d’Afrique dans l’Océan Atlantique, l’une des Canaries, de couverte en 1417. Elle appartient aux Espagnols, & est à 36 lieues de Tenériffe. Long. 4. lat. 28. 35-29. 15. (D. J.)

FORTFUYANCE, s. f. (Jurisp.) ou plûtôt FORFUYANCE, quasi foris-fuga, est une espece de droit d’aubaine dont le duc de Lorraine joüit dans ses duchés. Il en est fait mention en un vidimus de l’an 1577, dans lequel on voit que le duc Charles accorde a un particulier d’acquérir dans ses états, jusqu’à huit cents livres de rente, nonobstant qu’il eût son domicile à Verdun ; & que ses héritiers ou ayans cause puissent lui succéder & jouir paisiblement de ces rentes, nonobstant le droit de fort-fuyance, qui appartient au duc, &c. (A)

FORTH (le) Géog. grande riviere de l’Ecosse méridionale, qui a sa source près du lac de Tay, baigne la ville de Sterling, & se décharge au fond du golfe d’Edimbourg, auquel il donne aussi le nom de golfe de Forth. La riviere de Forth a environ 30 lieues de longueur, Voyez sa description dans Salmonet, hist. des troubles de la G. B. (D. J.)

FORTIFICATION, (la) s. f. ou l’ART DE FORTIFIER (Ordre encycl. Entend. Raison. Philosoph. ou Science. Géomét. Arch. milit. Fortification.), consiste à mettre une place ou tout autre lieu qu’on veut défendre, en état de résister avec peu de monde aux efforts d’un ennemi supérieur en troupes, qui veut s’en emparer.

Les ouvrages qu’on construit pour cet effet sont appellés fortifications ; tels sont nos bastions, demi-lunes, ouvrages-à-corne, &c.

Les fortifications sont de différentes especes, c’est-à-dire qu’elles sont relatives à l’objet auquel on les destine, & aux machines avec lesquelles on peut les attaquer.

Ainsi si l’on n’attaquoit les places qu’avec le fusil, de simples murailles seroient une fortification suffisante pour y résister. Si l’ennemi n’avoit aucun expédient pour parvenir au haut de ces murailles, il seroit inutile de leur donner d’autre élévation que celle qui seroit nécessaire pour n’être pas franchie aisément.

On voit par-là qu’un lieu n’est fortifié que par rapport aux différentes attaques qu’il peut avoir à soutenir. Un château, par exemple, est fortifié lorsqu’il est entouré de fossés & de murailles qui le mettent en état de résister à un parti qui n’a point de canon : mais ce même château devient sans défense contre une armée qui a un équipage d’artillerie, parce qu’elle peut le détruire sans que ceux qui sont dedans puissent en empêcher.

Les premieres fortifications furent d’abord très simples ; elles ne consistoient que dans une enceinte de pieux ou de palissades. On les forma ensuite de murs, avec un fossé devant, qui empêchoit d’en approcher. On ajoûta depuis à ces murs des tours rondes & quarrées, placées à une distance convenable les unes des autres, pour défendre toutes les parties de l’enceinte des places. Car comme le dit Vegece, « les anciens trouverent que l’enceinte d’une place ne devoit point être sur une même ligne continue, à cause des béliers qui battroient trop aisément en breche ; mais par le moyen des tours placées dans le rempart assez près les unes des autres, leurs murailles présentoient des parties saillantes & rentrantes. Si les ennemis veulent appliquer ces échelles, ou approcher des machines contre une muraille de cette construction, on les voit de front, de revers, & presque par-derriere ; ils sont comme enfermés au milieu des batteries de la place qui les foudroyent ». Nouv. trad. de Vegece.

Pour défendre encore plus sûrement le pié du mur de l’enceinte & celui des tours, les anciens faisoient le haut de la muraille en massocoulie ou machicoulis. Voyez Bastion. Ils se servoient des intervalles des machicoulis pour jetter des pierres, du plomb fondu, de l’huile bouillante, & différentes sortes de matieres propres à éloigner l’ennemi du pié des murailles. On y faisoit aussi couler des masses fort pesantes, qui par leur chûte & rechûte retardoient beaucoup le progrès de ses travaux.

Les anciens ne terrassoient pas toûjours leurs murailles ; & M. de Folard prétend qu’ils en usoient ainsi pour se mettre à l’abri de l’escalade. Car l’ennemi étant parvenu au haut de la muraille, n’étoit pas pour cela dans la place ; il lui falloit des échelles pour y descendre, & pendant cette longue opération, ceux qui étoient dans la ville pouvoient s’assembler pour les repousser. Cependant Vitruve remarque qu’il n’y a rien qui rende les remparts plus fermes, que quand les murs sont soutenus par de la terre ; & du tems de Vegece on les terrassoit. On pratiquoit vers le haut une espece de petit terre-plein de 3 ou 4 piés de largeur, duquel on tiroit sur l’ennemi par les crenaux du parapet. Les tours dominoient sur ce terre-plein, & par-là elles avoient l’avantage de découvrir une plus grande étendue de la campagne, & de pouvoir défendre les courtines ou les parties de l’enceinte qui étoient entr’elle.

Pour défendre encore plus facilement ces parties, on observoit en bâtissant les places, de couper le terre-plein en-dedans vis-à-vis les tours. On substituoit à cette coupure une espece de petit pont de bois qu’on pouvoit ôter très-facilement dans le besoin.